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    LE N O M TOMBERA A KABUL

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    ibn zyad


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    Message  ibn zyad 17/2/2010, 02:44

    Vers une défaite occidentale en Afghanistan ?
    Gilles Dorronsoro*
    Une défaite occidentale en Afghanistan, impensable il y a quelques années encore, devient
    aujourd’hui une hypothèse plausible. La « nouvelle » stratégie de l’administration Obama
    passe essentiellement par une augmentation des moyens et ne suffira pas à renverser les
    dynamiques actuelles. A l’inverse, la progression des talibans durant ces derniers mois
    montre à quel point, démentant les clichés qui décrivent une insurrection composée de
    groupes disparates, les Occidentaux sont confrontés à une organisation politique
    hiérarchisée, appliquant une stratégie cohérente.
    Contrairement à la coalition internationale, les talibans ont enregistré ces derniers mois des
    progrès significatifs : consolidation du contrôle dans le Sud et l’Est, élargissement du
    sanctuaire pakistanais et percée dans les provinces du Nord. Premièrement, ils ont
    consolidé leur contrôle des campagnes dans les régions majoritairement pachtounes du Sud
    et de l’Est. Leur objectif – neutraliser l’administration afghane au niveau du district – semble
    atteint pour l’essentiel. Ils ont mené des opérations contre les chefs-lieux de districts
    (occupation de quelques heures) et même de province (série d’attentats-suicides dans
    Khost). La stratégie d’isolement des forces gouvernementales passe aussi par l’interdiction du territoire au personnel des ONGs (essentiellement afghan, les Occidentaux se déplaçant
    très peu). Les humanitaires courent ainsi le risque d’être arrêtés à des postes talibans sur la
    route et enlevés ou tués. Les Afghans travaillant pour les forces de la coalition sont visés par
    les insurgés, ainsi que leur famille. En pratique, de plus en plus d’Afghans ne peuvent
    revenir dans leur village sauf à courir des risques importants ou à avoir l’accord des talibans.
    Dans l’est, les talibans ont marqué un point décisif en affaiblissant radicalement les
    institutions tribales que les forces américaines espéraient utiliser contre l’insurrection.
    L’équipe de reconstruction provinciale (PRT) basée à Gardez (la première établie en
    Afghanistan) est maintenant largement isolée, les tribus coopérant volens nolens avec
    l’insurrection. Profitant du vide qu’ils ont contribué à instaurer, les talibans ont construit une
    administration parallèle, nommé des juges et des responsables de districts et levé l’impôt sur
    les récoltes.
    Deuxièmement, les talibans poursuivent leur percée dans les provinces du Nord. A partir des
    districts qu’ils contrôlent dans la province du Badghris (Bala Murghab, Gormach), ils
    s’implantent progressivement dans la province du Faryab et lancent des opérations jusque
    dans celle du Jawzjan. Par ailleurs, des groupes sont actifs dans la province de Kunduz et
    de Samangan. Ceux-ci sont encore numériquement limités, composés de quelques
    centaines d’hommes par province, mais la faiblesse des forces de sécurité afghanes et la
    passivité de l’ISAF expliquent les avancées de ces derniers mois. Deux éléments récents
    indiquent une inflexion de la stratégie talib sur ce front. D’abord, le niveau de
    professionnalisation des combattants s’est accru, les opérations simultanées (contre trois
    postes de police dans un cas récent) et la mobilité des groupes montrent que les talibans ne
    s’appuient plus majoritairement sur des combattants payés à l’opération. Ensuite, les
    talibans cherchent à dépasser leur implantation initiale dans les poches pachtounes. Comme
    dans le reste de l’Afghanistan, la plupart des Pachtounes considèrent que l’Etat est aux
    mains des autres groupes ethniques et subissent localement des pressions des autres groupes (notamment des vols de terres). Cette implantation initiale faisait courir le risque à
    l’insurrection d’être circonscrite à un groupe localement minoritaire. Pour essayer d’élargir
    leur base ethnique, les talibans ont recruté des Turkmènes et des Ouzbeks (dans quelques
    cas des militants d’Ouzbékistan) et peuvent donc opérer dans les régions proches de la
    frontière ouzbèke. Le passage attendu des convois de l’OTAN (venus du Tajikistan et de
    l’Oubékistan) dans ces provinces pourrait constituer un élément de déstabilisation
    supplémentaire.
    Enfin, la frontière est largement ouverte à l’insurrection, qui bénéficie d’un sanctuaire étendu
    et relativement sûr au Pakistan, notamment dans les Federally Administered Tribal Areas
    (FATA) et au Baloutchistan. Les postes américains situés sur la frontière sont en pratique
    inefficaces pour contrôler les passages. Dans la Kunar, les attaques quotidiennes
    (principalement menées à partir des villages proches) contre les postes frontière indiquent
    l’échec patent de ce type de dispositif.
    Face à ces progrès, la coalition internationale n’est pas parvenue à surmonter ses difficultés
    structurelles et à définir une stratégie cohérente. Sur le premier point, la position des forces
    allemandes dans le nord est un bon exemple des limites de la coalition. Du fait de règles
    d’engagement extrêmement strictes et d’une volonté politique d’éviter à tout prix les pertes,
    les forces allemandes n’ont qu’un rôle marginal dans la sécurité de la population du nord
    (provinces de Kunduz et Mazar-i Sharif). Mi-avril, les talibans ont organisé une attaque
    contre un poste de police à la sortie de la ville de Kunduz. L’affrontement a duré plusieurs
    heures, mais les troupes allemandes, pourtant proches, ne sont pas intervenues. C’est la
    police locale, mal payée et mal équipée, qui s’est déplacée (et a perdu deux hommes). De
    plus, le turnover des soldats, qui ne restent jamais au-delà de quatre mois, interdit toute
    intégration locale. Si le cas des Allemands est frappant, l’ensemble des Occidentaux (civils
    compris) vivent dans un monde parallèle. Kaboul, dont la moitié du centre-ville est interdite aux Afghans ordinaires, offre un bon exemple de la privatisation de la sécurité qui s’effectue
    au détriment de la population.
    Sur le deuxième point, l’envoi de renfort (17 000 hommes) dans les provinces où les talibans
    sont le mieux implantés (Zabul, Kandahar, Helmand) indique une mauvaise lecture des
    rapports de force. Trois éléments amènent en effet à penser que les renforts ne produiront
    pas d’effet significatif. La coalition est maintenant rejetée de façon claire par les habitants et
    l’implantation des talibans au sein de la population rend illusoire la « sécurisation » des
    villages. Ensuite, il n’y a plus de structure étatique afghane dans ces provinces. Si elle veut
    occuper le terrain, la coalition ne pourra donc pas s’appuyer sur des forces afghanes et elle
    ne dispose pas d’effectifs suffisants pour occuper un espace significatif. Les alliés locaux des
    Occidentaux sont souvent très liés au trafic d’opium et les tentatives pour en éradiquer la
    culture pourraient se heurter à des oppositions féroces (une partie des attaques contre la
    police en charge de l’éradication ne vient pas des talibans). Enfin, la frontière avec le
    Pakistan est largement ouverte, les talibans peuvent choisir de passer au Pakistan (ou de se
    réfugier dans les montagnes) en cas d’attaque américaine, la coalition ne peut pas les forcer
    au combat. La coalition internationale a marqué quelques points autour de Kaboul : les
    Français ont connu des succès tactiques, mais restent isolés au milieu d’une population
    hostile, alors que les Etats-Unis ont sécurisé la route du sud jusqu’à Gardez (le jour).
    La construction des institutions afghanes de sécurité, clé d’un désengagement militaire
    occidental, se poursuit avec de médiocres résultats. Malgré des progrès à Kaboul, la police
    est encore mal équipée et mal payée (et souvent corrompue). De plus, les talibans en ont fait
    une cible prioritaire. L’institution judiciaire est inexistante pour une grande partie de la
    population (qui a recours à l’arbitrage privé ou aux juges talibans). Plus inquiétant, elle
    devient difficile à réformer de l’extérieur en raison des blocages institutionnels internes.
    Enfin, l’armée afghane continue sa montée en puissance numérique, mais le command and control est encore très insuffisant et l’ANA ne peut pas coordonner des opérations au-delà
    d’une centaine d’hommes engagés.
    La principale faiblesse des talibans tient paradoxalement à leur succès au Pakistan et donc
    au risque de se retrouver obligés de combattre sur deux fronts si l’armée pakistanaise se
    décidait à engager une opération radicale contre les sanctuaires talibans au Pakistan. Le
    niveau relativement élevé de centralisation des talibans fait que l’arrestation de leur
    leadership, notamment à Quetta, aurait des effets importants. Le prix à payer – de lourds
    combats et probablement des millions de réfugiés internes – et la perception encore bien
    établie d’une menace indienne rendent cette hypothèse peu probable.
    Le niveau de ressources mobilisables par la coalition est maintenant proche de son
    maximum (en tout cas du côté européen). La guerre s’américanise de plus en plus
    nettement, signifiant officieusement l’échec de l’OTAN comme organisation militaire, mais
    sans que le leadership américain produise une plus grande cohérence sur le terrain. Si la
    coalition ne transforme pas rapidement ses pratiques et sa stratégie, on voit mal comment
    elle pourrait s’opposer à une insurrection devenue nationale. La percée au nord, si elle se
    confirme, devrait conduire à un retrait précipité et, à terme, à un retour au pouvoir des
    talibans.
    Gilles Dorronsoro est professeur de science
    politique à Paris-I, actuellement détaché au
    Carnegie Endowment for International Peace de
    Washington. Il est notamment l’auteur de La
    révolution afghane. Des communistes aux
    tâlebân, Paris, Karthala, 2000.
    Gilles Dorronsoro - Vers une défaite occidentale en Afghanistan ? - Juin 2009
    http://www.ceri-sciences-po.org

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