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    Comptes rendus exceptionnels de René Guénon

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    Tutux


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    Date d'inscription : 14/06/2008

    rene guenon - Comptes rendus exceptionnels de René Guénon Empty Comptes rendus exceptionnels de René Guénon

    Message  Tutux 10/7/2008, 21:32

    René Guénon donna régulièrement dans les Études Traditionnelles des comptes rendus du Speculative Mason. Cette revue maçonnique avait une rubrique Notes and Queries (Notes et Questions) qui offrait aux lecteurs la possibilité de poser des questions relatives à la Franc-Maçonnerie. Quand la Rédaction n’était pas en état de donner une réponse satisfaisante, les autres lecteurs étaient invités à donner la solution.
    Or, il apparaît que la Rédaction a reçu de René Guénon la réponse à diverses questions, parfois d’ordre technique, en rapport avec le symbolisme universel ou avec celui de l’Islam en particulier. Ces réponses étaient succinctes et signées A.W.Y., initiales de son nom arabe Abdel Wahed Yahya. Ces textes n’ont jamais été traduits en français, et ne se trouvent pas non plus dans les deux volumes posthumes d’Etudes sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage (Editions traditionnelles). Ils sont cependant assez intéressants pour être traduits et publiés dans les Etudes Traditionnelles.
    C’est dans les années 1934 à 1940 du Speculative Mason qu'on peut trouver les notes traduites ci-après.
    Le Volume XXVII, avril 1935, page 77, semble contenir la première intervention de R. Guénon, puisque la rédaction y insère la demande suivante :
    « L’éditeur aimerait remercier Abdel Wahed Yahya pour les réponses qu’il nous a adressées pour cette rubrique et lui demande de bien vouloir indiquer son adresse afin qu’on puisse lui envoyer un exemplaire complémentaire de ce journal ».

    H.R.A. - Est-ce le double triangle ou l’étoile à cinq branches (five-pointed star) qu’il est correct d’appeler « Bouclier de David » ? J’ai entendu appliquer ce nom aux deux symboles sans distinction, mais lequel est alors le « Sceau de Salomon » ?

    A. W. Y. - « Le double triangle est appelé par les Kabbalistes indifféremment « Sceau de Salomon » et « Bouclier de David », et de même « Bouclier de Mikaël » (Mikael-Malaki, « Mon Ange », c’est-à-dire « L’Ange en qui se trouve Mon Nom ») ; également en arabe il est désigné comme « Khâtem Seyidnâ Suleymân » et « Dir’a Seyidnâ Dawûd ». Aucune de ces désignations ne peut être appliquée de façon correcte à l’étoile à cinq branches, le pentalpha ou pentagramme des pythagoriciens, lequel est l’étoile flamboyante maçonnique. Cette dernière, dans sa signification générale, est un symbole « microcosmique », alors que le double triangle est un symbole « macrocosmique ». Il existe un autre symbole arabe, nommé « Ugdat Seyidnâ Suleymân » ou « Noeud de Salomon », dont la signification est très proche de celle du sceau de Salomon, en rapport avec l’adage hermétique : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. »


    Dans le même numéro, page 78 :

    Etudiant. - Les Colonnes d’Hénoch sont-elles en relation avec les Colonnes du Porche ? Dans ma Loge personne ne semble savoir quelque chose au sujet des Colonnes d’Hénoch.

    A. W. Y. - Il est dit que les Colonnes d’Hénoch ou de Seyidnâ Idris, comme il est appelé dans la tradition islamique, ont été construites par lui en deux matériaux différents, l’un pouvant résister à l’eau et l’autre au feu ; sur chacune était gravé l’essentiel de toutes les sciences. Il est dit qu’elles furent placées respectivement en Syrie et en Éthiopie, et que celle qui avait résisté aux eaux du Déluge existe encore en Syrie. En fait, la Syrie est ici rapportée au Nord, en connexion avec l’eau, et l’Éthiopie au Sud, en connexion avec le feu ; cela justifie donc pleinement la relation établie entre ces Colonnes d’Hénoch et celles du Porche. D’autre part, partout où on trouve deux colonnes, elles auront en commun une signification générale « binaire » que ces colonnes soient de Salomon, d’Hénoch, d’Hercule, etc. On peut également remarquer que la Syrie et l’Éthiopie, dans la tradition précitée, ne s’identifient pas nécessairement avec les pays actuellement connus sous ces noms, car elles ont elles-mêmes un sens symbolique et caché ; en tout cas, les Colonnes d’Hénoch représentent deux centres spirituels et initiatiques auxquels était confié le dépôt de la connaissance primordiale, en vue de la préserver au cours des époques successives. »

    Dans le même volume XXVII, le numéro de juillet 1935 contient deux réponses importantes de A. W. Y., pp. 118-119.

    V.C. - Pourquoi d’abord le pied gauche (left foot) ?

    A.W.Y. - « Cette prééminence du pied gauche n’est pas uniformément reconnue par tous les rites maçonniques : là où elle existe, on se réfère généralement au fait que le coté gauche est le côté du coeur explication admise également, et peut-être à plus juste titre, pour la position du bras gauche sur le bras droit dans le grade écossais de R.C. Bien que le symbolisme du coeur soit en effet très important, et cela dans toutes les traditions (mais à vrai dire tout à fait différent de ce qu’en pensent les gens modernes), il y a peut-être quelque chose de spécifique en ce qui concerne au moins le pied gauche : il est évident que ceci est en rapport étroit avec les circumambulations exécutées de gauche à droite, et ainsi la question est ramenée à un problème d’un ordre beaucoup plus général. Il y a bien des différences à cet égard, selon les diverses traditions : en Inde et au Tibet, les circumambulations se font aussi de gauche à droite (c’est-à-dire en ayant le centre à sa droite, et de cela vient la désignation pradakshina) ; dans la tradition islamique, c’est l’inverse ; et l’on peut dire que ceci est en relation directe avec le sens de l’écriture dans les langues sacrées (le sanskrit et l’arabe) dans lesquelles les deux traditions trouvent respectivement leur expression. Le mouvement de 1a droite vers la gauche est encore connu dans la Maçonnerie opérative : il est « polaire », alors que l’inverse est « solaire ». Quant à prééminence de la droite ou de la gauche, il y a eu parfois, et dans la même tradition, des changements pour des périodes déterminées, en relation avec certaines lois des cycles cosmiques ; de tels changements se trouvent surtout dans la Chine ancienne, mais en les examinant de plus près, on verra que le coté d’honneur, qu’on le considère « polarisent » comme la droite ou « solairement » comme la gauche, y a toujours été l’Orient. Des changements du même genre se sont effectués également dans le passage de 1a Maçonnerie Opérative à la Maçonnerie Spéculative. De tout cela il ressort que cette question est extrêmement compliquée, liée comme elle est à l’origine même des Traditions. »

    J.B.V. - On m’a dit qu’il y avait en Égypte, il y a peu de temps, des Guildes de Maçons Opératifs. Est-ce qu’elles existent encore ? Peut-être que A.W.Y. pourrait m’en informer ?

    A.W.Y. - « Il n’y a aucun doute qu’il y avait, voici quelques siècles, non seulement en Egypte,
    mais encore en d’autres parties du monde musulman, des Guildes de Maçons Opératifs ou d’autres ouvriers ; ces Maçons orientaux utilisaient même des marques similaires à celles de leurs collègues occidentaux du Moyen Age, et qui étaient appelées en arabe Khatt el-Bannaïn (c’est-à-dire « écriture des bâtisseurs » ; mais tout cela appartient à un passé déjà assez lointain. D’autre part, dans les turuq islamiques ou confréries ésotériques (qui sont également « opératives » en fait, mais évidement dans un autre sens plus profond que le sens purement « professionnel »), certains éléments ont été conservés qui ressemblent étrangement au Compagnonnage occidental, par exemple : le port du ruban ; le port du bâton qui a exactement la même forme ; et en ce qui concerne le symbolisme de ces bâtons, il y aurait beaucoup à dire en rapport avec les sciences secrètes qui sont spécialement attribuées à Seyidnâ Suleymân (car chacun des grands Prophètes possède ses sciences à lui, caractérisées par le ciel sur lequel il préside). Il y a aussi d’autres points d’intérêt plus spécialement maçonnique : par exemple, dans quelques-unes des turuq, le dhikr ne peut être accompli rituellement s’il n’y a pas la présence d’au moins sept frères ; dans l’investiture d’un naqîb il y a quelque chose qui ferait penser au cable-tow, etc. D’ailleurs, il y a une interprétation symbolique des lettres arabes qui forment le nom d’Allah et qui est purement maçonnique, provenant probablement des Guildes en question : I’alif est la règle ; les deux lâm le compas et l’équerre ; le ha le triangle (ou le cercle selon une autre explication, la différence entre les deux correspondant à celle entre Square et Arch Masonry), le nom entier était donc un symbole de l’Esprit de la Construction Universelle. Ces quelques faits ne sont que de simples références à un sujet qui nous est connu par expérience directe et par tradition orale. »

    Dans le numéro d’octobre 1935, les Notes and Queries commencent par l’indication de quelques erreurs d’impression, surtout dans l’orthographe des noms arabes. La page 156 reproduit la réponse suivante :

    Etudiant. - Je suis particulièrement intéressé par une phrase de la réponse de A.W.Y. à la demande sur le Sceau de Salomon. Il dit : Le « Uqdat Seyidnâ Suleymân » ou Noeud de Salomon, dont la signification se rapproche de celle du Sceau de Salomon, etc. Quelle est la forme de cet Uqdat Seyidnâ Suleymân ?

    A. W. Y. - Voici la figuration du « Noeud de Salomon ».

    Il en existe, bien entendu, plusieurs variantes plus ou moins compliquées, mais celle-ci présente symboliquement l’essentiel.
    La phrase : « tout à fait différent de ce que pensent les gens modernes » veut dire que le vrai symbolisme du coeur, dans toutes les traditions, se rapporte à l’intellect pur (en tant que distinct de la raison) et jamais au sentiment ou à l’émotion. Il faudra toujours en tenir compte lorsqu’il est question, non seulement du coeur de l’homme, mais également du « Coeur du Monde ».

    Le volume XVIII, janvier 1936, ne contient qu’une seule réponse de A. W. Y. :

    Etudiant - Les trois montagnes sacrées des maçons opératifs sont le Sinaï, le Tabor et le Moriah. Prenant cette dernière comme centre, le Tabor est situé vers le Nord et le Sinaï au Sud. Pourquoi a-t-on choisi spécialement ces trois montagnes ? Le Tabor, dans l’ancien testament, n’est pas particulièrement sacré. J’aimerais aussi être renseigné sur la signification de ces trois montagnes.

    A. W. Y. - Le Sinaï, le Moriah et le Tabor sont trois hauts-lieux de « vision », bien que, en ce qui concerne le Sinaï « audition » serait une désignation plus correcte que « vision » (et la forme de beaucoup des pierres qu’on y trouve ressemble de façon étrange à l’oreille humaine) ; mais quand il s’agit de révélation, « vision » et « audition » sont presque équivalentes. Ainsi, dans la tradition hindoue, il est dit que les Rishis (littéralement « voyants », comme en hébreu rouh, le terme ancien pour nabi ou prophète) ont « entendu » les Védas. De notre propre point de vue islamique, ces trois montagnes sont liées respectivement aux trois grandes époques prophétiques de Seyidnâ Mûsa (Moïse), de Seyidnâ Dawûd et Seyidnâ Suleymân (David et Salomon) et de Seyidnâ Aïssa (Jésus), et, par la suite, aux trois grands livres de la révélation divine : Et-Tawrâh (le Pentateuque), Ez-Zabûr (les Psaumes) et El-Injîl (l’Evangile). Concernant le Sinaï, il est intéressant de noter que cette région était, très anciennement, le siège de mystères en relation avec l’art des métallurgistes, c’est-à-dire les mystères « Cabiriques ». Ces métallurgistes étaient des « Kénites », dont le nom se lit parfois « Caïnites », et cela, en tout cas, est en rapport très étroit avec la signification de « Tubalcaïn », bien connu en maçonnerie. »

    Le volume XXIX contient également une seule réponse de A. W. Y., publiée dans le numéro de janvier 1937, page 29 :

    Q. - J’aimerais savoir quelque chose au sujet de la « Maison de la sagesse » du Caire. Maqrizi décrit des initiations, des grades, etc., et quelques auteurs occidentaux pensent qu’il y a dans cela beaucoup de Maçonnerie, peut-être même l’origine de la Franc-Maçonnerie occidentale. Von Hammer cite Maqrizi, mais puisque je ne peux pas lire l’arabe, je n’ai aucun moyen de savoir si on peut se fier à Von Hammer en cette matière. A l’occasion de deux séjours en Egypte, j’ai essayé, sans y avoir réussi, de découvrir s’il existe actuellement en Egypte un enseignement ésotérique, maçonnique ou autre. Je serais très reconnaissant à A.W.Y., s’il pouvait me fournir une réponse à cette question très sérieuse et très sincère.

    A.W.Y. - La « Maison de la sagesse » (Dar El-Hekmah) était à l’époque des Fatimites, un centre ismaélien ; mais, bien qu’elle ait été appelée de façon erronée « grande loge » par quelques auteurs occidentaux, elle n’a rien à voir avec la Maçonnerie, ni avec son origine (il serait plus exact de dire une de ses origines, car la Maçonnerie, en réalité, a plus d’une origine). Il est vrai que les Ismaéliens avaient, et ont encore, des initiations et des grades, comme en ont tant d’autres, par exemple les Duruz (Druses) de Syrie, qui emploient même certains signes très similaires à ceux de la Maçonnerie ; mais de telles ressemblances sont trouvées un peu partout, et, s’il y a une origine commune, il faudrait la chercher très loin. D’autre part, les Ismaéliens, les Druses, les Nosaïris, etc., ne sont que des « sectes » (firâq), dans lesquelles il y a toujours une certaine confusion entre l’exotérique et l’ésotérique ; dans leurs initiations, il y a un certain côté « obscur » dû à leur déviation de la tradition authentique ; ce sont les altérations, non la « source » de l’initiation. De telles sectes n’ont aucun rapport avec les vraies turuq, qui sont au nombre de 72 (ceci pourrait être un nombre symbolique, mais, d’après une liste établie par feu Seyid Tawfiq El-Bakri, il paraît que c’est également le nombre exact). Cet enseignement ésotérique, à coté de la doctrine supérieure, inclut nombre de sciences inconnues à l’Occident, au moins à l’époque actuelle (car le cas semble avoir été différent pendant le Moyen Age) et quelques-unes d’entre elles ne peuvent être comprises que par l’intermédiaire de la langue arabe, à laquelle elles sont intimement liées (comme certaines parties de la Kabbale le sont à la langue hébraïque). Du côté copte (donc chrétien) on dit que quelques moines conservent encore une sorte de connaissance ésotérique, mais il est extrêmement difficile pour les Musulmans d’obtenir des précisions à ce sujet. »

    Cette note est la dernière contribution de A. W. Y. au « Speculative Mason » jusqu’à janvier 1940 ; époque que couvre le premier volume des « Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage

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