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Eric Leser
Eric Leser est un des fondateurs de Slate.fr. Journaliste, ancien correspondant aux Etats-Unis et chef du service économique du journal Le Monde.
Grippe et économie
Il ne manquait plus que cela à l'économie mondiale. Confrontée à la récession la plus grave depuis 80 ans, elle pourrait subir aujourd'hui les effets dévastateurs d'une épidémie mondiale de grippe. Le risque de pandémie reste aujourd'hui un scénario catastrophe mais rien ne se répand plus vite que la peur...
Les industries liées au tourisme, au transport aérien et les laboratoires pharmaceutiques subissent ou bénéficient déjà à des degrés divers de l'impact de cette peur. Son coût économique final dépendra à la fois de la propagation on non de la maladie et du temps pendant lequel les mesures des autorités sanitaires et la crainte affecteront les comportements.
Logiquement, les Bourses de Tokyo, Londres, New York, Paris et Mexico ont fini les journées du 27 et du 28 avril sur des baisses. Et cela en dépit de la hausse parfois spectaculaire des cours des groupes pharmaceutiques dont les médicaments pourraient être utilisés intensivement pour faire face à une épidémie. Ainsi, le groupe suisse Roche qui dispose de stocks importants de son produit le Tamiflu, considéré aujourd'hui comme l'un des seuls efficaces contre la grippe porcine, a vu son titre gagner près de 8% depuis le début de la semaine. L'action du groupe Glaxo, qui a annoncé produire son traitement contre la grippe Relenza à pleine capacité, a fait encore mieux avec une progression de 9%. Le groupe israélien Nasvax qui produit des vaccins s'est lui adjugé 14% et son concurrent américain Novavax 75%!
Dans le même temps le tourisme et les transports aériens ont souffert à l'image des baisses comprises entre 15% et 10% de Delta Airlines, Carnival, et Starwood Hotels and Resorts Worldwide. A Paris, Air France KLM et le groupe hôtelier Accor ont aussi perdu autour de 8% en deux jours.
"Si la grippe se répand. Si on assiste à une multiplication du nombre de malades et de décès dans de nombreux pays, les conséquences pourraient être sévères. Cela pourrait même retarder la reprise économique aux Etats-Unis et dans le monde vers la fin de l'année 2010", prévient Mark Zandi, économiste en chef de Moody's Economy.com. "La confiance des consommateurs est déjà mal en point, une épidémie de grande ampleur finirait de la réduire à néant", ajoute-t-il.
Le tourisme et le transport aérien sont directement affectés mais uniquement aujourd'hui vers le Mexique et dans une moindre mesure les Etats-Unis. Tous les gouvernements ont mis en garde leurs ressortissants contre les voyages vers les pays où la maladie s'est déclarée. La Chine, Taiwan et la Russie envisagent d'établir des procédures de quarantaine pour les personnes venant des régions et des pays contaminés et plusieurs pays asiatiques examinent et contrôlent les voyageurs arrivant dans leurs aéroports pour repérer les symptômes de la grippe.
L'économie la plus touchée aujourd'hui est celle du Mexique. Dans les grandes villes et notamment Mexico la majeure partie de l'activité commerciale s'est tout simplement arrêtée. Avant la crise sanitaire, les économistes prévoyaient déjà un recul de 3,5% du Produit intérieur brut (Pib) du Mexique cette année très affecté par la récession aux Etats-Unis. Si l'épidémie perdure au Mexique pendant plusieurs mois, le pays pourrait même connaître une nouvelle crise financière et de confiance comme dans les années 1994-1995.
Du côté de l'agriculture, les producteurs de porcs sont inquiets, y compris en France, même si les autorités sanitaires ne cessent de répéter dans le monde qu'il n'y a aucun lien entre la consommation de cette viande et le virus. Cela n'a pas empêché la Chine, la Corée du sud, l'Ukraine et la Russie de bannir l'importation de porcs et de produits dérivés du Mexique et des Etats américains. L'Indonésie a été encore plus loin en interdisant tout simplement toutes les importations de viande de porc. Les gouvernements et les éleveurs sont parvenus à faire changer par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) le nom officiel de la grippe devenue grippe mexicaine ou nord-américaine, mais le mal est fait.
Il est évidemment trop tôt pour mesurer précisément les conséquences de cette éventuelle pandémie. On peut pourtant se risquer à des comparaisons historiques. Même la brève épidémie de SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère) en Asie en 2003 avait entrainé un recul de 0,6% de la croissance en Asie du sud-est selon la Banque asiatique de développement. L'impact, estimé à 18 milliards de dollars, avait été surtout ressenti dans les services et le commerce parce que les populations étaient restées cloîtrées plutôt que fréquenter les restaurants et les lieux publics.
Mardi 28 avril, le virus de la grippe mexicaine était suspecté d'avoir causé la mort de 152 personnes et 1 600 malades au Mexique. Par ailleurs, 90 personnes contaminées avaient été identifiées dans onze pays. Le SRAS par comparaison avait tué 800 personnes dans sept pays.
Il existe évidemment des scénarios catastrophes. La Banque Mondiale estimait l'an dernier qu'une épidémie de l'ampleur de la grippe espagnole de 1918, qui a tué entre 40 et 100 millions de personnes dans le monde, coûterait 3 mille milliards de dollars à l'économie mondiale et 5% de croissance? l'équivalent de la crise financière!
Mais s'il s'agit, ce qui est encore loin d'être le cas, d'une répétition de l'épidémie de SRAS, la crainte d'un effet majeur sur les économies n'est pas justifiée. "Une leçon claire à tirer de ce qui s'est passé en 2003 en Asie est l'impact psychologique sur l'activité économique", écrit la Banque asiatique de développement dans une étude. "Le public et les marchés ont tendance à paniquer sans vraies raisons dans un premier temps, avant ensuite de se ressaisir", ajoute-t-elle.
Eric Leser
Eric Leser est un des fondateurs de Slate.fr. Journaliste, ancien correspondant aux Etats-Unis et chef du service économique du journal Le Monde.
Grippe et économie
Il ne manquait plus que cela à l'économie mondiale. Confrontée à la récession la plus grave depuis 80 ans, elle pourrait subir aujourd'hui les effets dévastateurs d'une épidémie mondiale de grippe. Le risque de pandémie reste aujourd'hui un scénario catastrophe mais rien ne se répand plus vite que la peur...
Les industries liées au tourisme, au transport aérien et les laboratoires pharmaceutiques subissent ou bénéficient déjà à des degrés divers de l'impact de cette peur. Son coût économique final dépendra à la fois de la propagation on non de la maladie et du temps pendant lequel les mesures des autorités sanitaires et la crainte affecteront les comportements.
Logiquement, les Bourses de Tokyo, Londres, New York, Paris et Mexico ont fini les journées du 27 et du 28 avril sur des baisses. Et cela en dépit de la hausse parfois spectaculaire des cours des groupes pharmaceutiques dont les médicaments pourraient être utilisés intensivement pour faire face à une épidémie. Ainsi, le groupe suisse Roche qui dispose de stocks importants de son produit le Tamiflu, considéré aujourd'hui comme l'un des seuls efficaces contre la grippe porcine, a vu son titre gagner près de 8% depuis le début de la semaine. L'action du groupe Glaxo, qui a annoncé produire son traitement contre la grippe Relenza à pleine capacité, a fait encore mieux avec une progression de 9%. Le groupe israélien Nasvax qui produit des vaccins s'est lui adjugé 14% et son concurrent américain Novavax 75%!
Dans le même temps le tourisme et les transports aériens ont souffert à l'image des baisses comprises entre 15% et 10% de Delta Airlines, Carnival, et Starwood Hotels and Resorts Worldwide. A Paris, Air France KLM et le groupe hôtelier Accor ont aussi perdu autour de 8% en deux jours.
"Si la grippe se répand. Si on assiste à une multiplication du nombre de malades et de décès dans de nombreux pays, les conséquences pourraient être sévères. Cela pourrait même retarder la reprise économique aux Etats-Unis et dans le monde vers la fin de l'année 2010", prévient Mark Zandi, économiste en chef de Moody's Economy.com. "La confiance des consommateurs est déjà mal en point, une épidémie de grande ampleur finirait de la réduire à néant", ajoute-t-il.
Le tourisme et le transport aérien sont directement affectés mais uniquement aujourd'hui vers le Mexique et dans une moindre mesure les Etats-Unis. Tous les gouvernements ont mis en garde leurs ressortissants contre les voyages vers les pays où la maladie s'est déclarée. La Chine, Taiwan et la Russie envisagent d'établir des procédures de quarantaine pour les personnes venant des régions et des pays contaminés et plusieurs pays asiatiques examinent et contrôlent les voyageurs arrivant dans leurs aéroports pour repérer les symptômes de la grippe.
L'économie la plus touchée aujourd'hui est celle du Mexique. Dans les grandes villes et notamment Mexico la majeure partie de l'activité commerciale s'est tout simplement arrêtée. Avant la crise sanitaire, les économistes prévoyaient déjà un recul de 3,5% du Produit intérieur brut (Pib) du Mexique cette année très affecté par la récession aux Etats-Unis. Si l'épidémie perdure au Mexique pendant plusieurs mois, le pays pourrait même connaître une nouvelle crise financière et de confiance comme dans les années 1994-1995.
Du côté de l'agriculture, les producteurs de porcs sont inquiets, y compris en France, même si les autorités sanitaires ne cessent de répéter dans le monde qu'il n'y a aucun lien entre la consommation de cette viande et le virus. Cela n'a pas empêché la Chine, la Corée du sud, l'Ukraine et la Russie de bannir l'importation de porcs et de produits dérivés du Mexique et des Etats américains. L'Indonésie a été encore plus loin en interdisant tout simplement toutes les importations de viande de porc. Les gouvernements et les éleveurs sont parvenus à faire changer par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) le nom officiel de la grippe devenue grippe mexicaine ou nord-américaine, mais le mal est fait.
Il est évidemment trop tôt pour mesurer précisément les conséquences de cette éventuelle pandémie. On peut pourtant se risquer à des comparaisons historiques. Même la brève épidémie de SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère) en Asie en 2003 avait entrainé un recul de 0,6% de la croissance en Asie du sud-est selon la Banque asiatique de développement. L'impact, estimé à 18 milliards de dollars, avait été surtout ressenti dans les services et le commerce parce que les populations étaient restées cloîtrées plutôt que fréquenter les restaurants et les lieux publics.
Mardi 28 avril, le virus de la grippe mexicaine était suspecté d'avoir causé la mort de 152 personnes et 1 600 malades au Mexique. Par ailleurs, 90 personnes contaminées avaient été identifiées dans onze pays. Le SRAS par comparaison avait tué 800 personnes dans sept pays.
Il existe évidemment des scénarios catastrophes. La Banque Mondiale estimait l'an dernier qu'une épidémie de l'ampleur de la grippe espagnole de 1918, qui a tué entre 40 et 100 millions de personnes dans le monde, coûterait 3 mille milliards de dollars à l'économie mondiale et 5% de croissance? l'équivalent de la crise financière!
Mais s'il s'agit, ce qui est encore loin d'être le cas, d'une répétition de l'épidémie de SRAS, la crainte d'un effet majeur sur les économies n'est pas justifiée. "Une leçon claire à tirer de ce qui s'est passé en 2003 en Asie est l'impact psychologique sur l'activité économique", écrit la Banque asiatique de développement dans une étude. "Le public et les marchés ont tendance à paniquer sans vraies raisons dans un premier temps, avant ensuite de se ressaisir", ajoute-t-elle.