84 % des plantes utilisées pour les biocarburants menacent la biodiversité
A l’heure où l’Union européenne veut imposer 10 % de biocarburant dans les transports, un nouveau rapport apporte (1) un argument supplémentaire aux opposants à ce projet. En effet, à l’occasion de la conférence sur la biodiversité de Bonn, en Allemagne, le Programme Mondial sur les Espèces Invasives (GISP) a présenté une analyse du niveau de risque, en tant qu’espèce invasive potentielle, de l’ensemble des plantes qui sont actuellement utilisées ou pressenties pour produire des agro-carburants.
Sur les 70 plantes recensées, 59 sont considérées comme envahissantes (elles croissent vite et se multiplient facilement) si elles sont introduites dans de nouveaux habitats, 2 le sont très faiblement tandis que 9 ne présentent pas de risque particulier. Or, selon le GISP, peu de pays ont mis en place des procédures appropriées pour évaluer le risque potentiel, et limiter les dégâts si nécessaire.
Pourtant, pour Sarah Simmons, directrice du GISP, les plantes invasives "…sont l’une des principales causes de la perte de biodiversité et constituent une menace pour le bien-être et la santé humaine". Aussi, le GISP appelle les pays à évaluer les risques avant de se lancer dans la culture de nouvelles variétés et à utiliser des espèces à faible niveau de risque.
Si, une fois de plus, ce sont les pays en développement les plus vulnérables, les Etats-Unis dépensent à eux seuls 120 milliards de dollars par an pour tenter de contrôler et de réparer les dégâts occasionnés par plus de 800 espèces invasives (2).
Parmi les plantes les plus envahissantes, on peut citer la canne de Provence (Arundo donax), une plante herbacée actuellement pressentie pour la production d’agro-carburants. Originaire d’Asie mineure, cette plante est déjà considérée comme invasive sur une partie de l’Amérique du Nord, de l’Amérique centrale et de l’Afrique du Sud. Naturellement inflammable, elle accroît le risque d’incendie, tandis que sa consommation d’eau (2 m3 par plante, pour chaque mètre de croissance - elle atteint rapidement 6 à 7 m de haut) l'a fait entrer en compétition avec les besoins des populations locales.
Autres exemples : le palmier à huile africain, utilisé pour la production d’huile incorporée dans le diesel, est devenu envahissant naturellement en plusieurs endroits du Brésil, transformant la forêt d’origine, aux écosystèmes très riches et variés, en un champ uniforme de palmiers à huile.
Face à cette menace, Geoffrey Howard, le coordinateur du programme espèces invasives pour l’IUCN (3), déclare "Mieux vaut prévenir que guérir… Nous devons stopper les invasions avant même qu’elles ne commencent. L’industrie des biocarburants est encore jeune, il est encore temps d’agir préventivement. Ne laissons pas passer cette opportunité".
Pascal Farcy
1- Télécharger le rapport, en anglais. http://www.gisp.org/publications/briefing/Biofuels.pdf
2- Au niveau mondial, on estime que les dommages causés par les espèces invasives représentent 1 400 milliards de dollars par an, soit 5 % de l’économie mondiale.
3- Union Internationale pour la Conservation de la Nature. Cette organisation est à l’origine de la liste rouge des espèces menacées (végétales et animales) au niveau mondial.
Source: http://www.univers-nature.com/inf/inf_actualite1.cgi?id=3161