UNION EUROPÉENNE • Quand les blogs inquiètent les eurodéputés
Un rapport d'une élue estonienne invite l'Assemblée de Strasbourg à encadrer plus strictement la blogosphère. L'hebdomadaire bulgare Kapital y voit une menace pour la liberté d'expression sur la Toile. DR
Le Parlement européen produit souvent des paradoxes et se retrouve encore plus souvent accusé d'être coupé des réalités du quotidien des citoyens européens. Mais, cette fois-ci, cette importante institution européenne s'attaque à un sujet qui se trouve au cœur de la société civile moderne : elle considère la blogosphère comme dangereuse et envisage de voter une mesure encadrant cet espace de libre expression.
L'idée vient d'une députée socialiste estonienne, Marianne Mikko, auteur d'un rapport sur la question qui vient d'être publié à Strasbourg. "Jusqu'à présent, la blogosphère était un espace de bonnes intentions, avec un discours relativement franc et ouvert, peut-on y lire. Beaucoup de gens font confiance aux blogs. Cependant, du fait de leur banalisation et de leur multiplication, les blogs sont également utilisés par des personnes de moins en moins scrupuleuses."
Pour que la blogosphère reste un espace de bonnes intentions, l'eurodéputée préconise dans son rapport l'introduction d'un "indice de qualité, pour qu'il soit clair pour tout le monde qui écrit et pour quelle raison". Dans la même veine, son texte estime que si "jusqu'à présent, nous n'avons pas considéré les blogueurs comme une menace, ces derniers peuvent polluer considérablement le cyberespace".
Les eurodéputés sont connus pour leurs capacités à produire des rapports fantaisistes, truffés de formules vides. Le rapport de la députée Mikko a reçu, en revanche, le feu vert de la commission de la Culture et de l'Education et sera bientôt voté en séance plénière du Parlement. Soyons clairs. S'il passe, cela ne veut pas dire que la législation européenne va désormais limiter la liberté d'expression sur le Net. Mais, politiquement, ce rapport ouvre justement la voie à de telles restrictions.
Mais, avant d'en arriver là, posons-nous la question de savoir sur quelles bases la Commission européenne peut juger à notre place de la qualité de ce que nous lisons ou écrivons sur Internet. Sur quelles bases jugera Strasbourg de la bonne foi ou non d'une opinion.
Les déclarations d'un autre eurodéputé, l'Allemand Jorgo Chatzimarkakis, posent d'autres interrogations. Ce dernier déclare, sur le site de la Commission, que les "blogueurs ne peuvent certainement pas être automatiquement qualifiés de menaçants". Mais, ajoute-t-il, les "blogs sont aujourd'hui un puissant instrument de communication et peuvent être considérés comme une forme avancée de lobbying. Et constituer, en tant que tels, une menace."
"Une forme avancée de lobbying"… Traduite en langage compréhensible, cette formule absconse du député européen veut dire l'expression d'une opinion différente de celle communément admise par la Commission ou par un autre organisme européen. Si de telles opinions circulent sur la Toile et contredisent telle ou telle position officielle, cela fait partie du débat démocratique normal. C'est la preuve qu'une pensée libre et indépendante existe sur notre continent. Est-ce bien cela qui semble inquiéter les députés européens ?
Irina Novakova
source:
http://www.courrierinternational.com PS: le masque tombe de plus en plus et de plus en plus vite!...