A lire dans le SUD-OUEST d'aujourd'hui :
http://www.sudouest.com/090608/une.asp?Article=090608aP2558803.xml
GRAND ORIENT DE FRANCE. --Cinq loges, dont une du Gers, veulent initier des femmes cette semaine. Ce qui est interdit. Explications et témoignages
Le défi des francs-maçons
:Philippe Campa
«On ne peut plus laisser la moitié de l'humanité devant la porte sous prétexte que ce sont des femmes, cela ne tient pas. »
Un frère d'une des loges du Grand Orient de France du Gers, à Auch, laisse éclater son émotion. Il vient de vivre un moment sans doute historique du Grand Orient de France (GODF) en participant à l'initiation (terme utilisé lorsqu'une nouvelle personne rejoint une loge maçonnique) d'une femme dans la plus importante obédience du pays.
Depuis sa création en 1773, le GODF refuse d'initier des femmes. Ainsi, en deux siècles et demi, l'histoire maçonnique française est-elle marquée de scissions et de créations de nouvelles obédiences, résultats de divisions internes au GODF au sujet de la mixité. Ce qui est toujours le cas. Il y a sept ans, une loge s'était risquée à initier une femme. La sanction fut immédiate : suspension de la loge, ce qui équivaut à sa disparition.
Des « témoins » venus de Paris. L'événement, très discret, qui secoue aujourd'hui le Grand Orient est donc particulièrement important. La semaine dernière, la première, la loge Combat, à Paris, a initié une femme. Dès le lendemain, ses responsables étaient avertis de leur traduction devant la justice maçonnique. Combat encourt la suspension. Mardi dernier, à Auch, le temple du Grand Orient était plein à craquer. « Des frères et s?urs d'autres obédiences sont venus nous apporter leur soutien », dévoile ce frère gersois. Mais ils ne sont pas venus seuls. Deux « canaris » se sont également invités. Un nom d'oiseau pour désigner les conseillers de l'ordre (des décorations jaunes ornent leur vêtement), qui ont fait le déplacement de la capitale. « Ils sont venus voir eux-mêmes si nous persistions dans notre volonté d'initier une femme. »
Dès la réponse affirmative, les deux conseillers ont quitté le temple pour ne pas avoir à assister - et donc cautionner - cet acte, non sans avoir annoncé la couleur. La justice maçonnique est saisie, la loge auscitaine, après Combat, risque la suspension.
Cette semaine, trois autres loges de la région parisienne doivent à leur tour procéder à cette ouverture à laquelle le Grand Orient se refuse. Elles seront montrées du doigt.
Qu'importe, les frères de la loge gersoise veulent écrire une page de l'histoire du Grand Orient. « Nous irons devant la justice maçonnique. Parce que nous aimons le Grand Orient, que nous souhaitons le réveiller et éviter ainsi qu'il ne disparaisse. Et nous jouerons donc sur l'ambiguïté et les paradoxes qu'il véhicule », dit encore ce franc-maçon auscitain.
Hypocrisie. « Lors du dernier convent (NDLR : assemblée générale du GODF), deux v?ux ont été adoptés. Le premier dit que l'on ne peut pas initier de femmes; le second, que notre obédience n'est pas exclusivement masculine. Autrement dit, pas de femmes au GODF mais possibilité d'accueillir des visiteuses, c'est-à-dire des femmes d'autres obédiences, pour participer à nos travaux. » Une hypocrisie que les « réformateurs » du Grand Orient dénoncent. D'ailleurs, les plus juristes d'entre eux ont peut-être trouvé la brèche. Les v?ux refusant l'initiation des femmes n'auraient pas été intégrés - par un processus interne long et propre à l'obédience - dans le règlement intérieur qui, lui, fait loi. Rien, donc, n'interdirait d'initier des femmes au Grand Orient. Alors, que peut-il se passer demain ? La suspension des cinq loges réfractaires est probable. Leurs membres restent, quoi qu'il arrive, francs-maçons et auront toute liberté d'aller visiter d'autres loges. Ils pourront également saisir la « justice profane », celle de la République, devant laquelle ils plaideront un comportement sexiste. Pas sûr qu'un tel déballage public plaise au Grand Orient de France, dont le prochain convent, en septembre à Lyon, devrait être particulièrement animé. Avec, ou sans, le représentant de la loge auscitaine qui, d'ici là, pourrait être invité à suspendre son action.
À l'évidence, le Grand Orient de France est en train de vivre un épisode marquant de son histoire, sans que l'on sache pour l'heure s'il se traduira par cette ouverture définitive sur le monde féminin.
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:: Lire aussi
Nany Dutil, franc-maçonne depuis vingt et un ans dans une loge bordelaise, témoigne
[SUD OUEST 09/06/08]
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GRAND ORIENT DE FRANCE. --Cinq loges, dont une du Gers, veulent initier des femmes cette semaine. Ce qui est interdit. Explications et témoignages
Le défi des francs-maçons
:Philippe Campa
«On ne peut plus laisser la moitié de l'humanité devant la porte sous prétexte que ce sont des femmes, cela ne tient pas. »
Un frère d'une des loges du Grand Orient de France du Gers, à Auch, laisse éclater son émotion. Il vient de vivre un moment sans doute historique du Grand Orient de France (GODF) en participant à l'initiation (terme utilisé lorsqu'une nouvelle personne rejoint une loge maçonnique) d'une femme dans la plus importante obédience du pays.
Depuis sa création en 1773, le GODF refuse d'initier des femmes. Ainsi, en deux siècles et demi, l'histoire maçonnique française est-elle marquée de scissions et de créations de nouvelles obédiences, résultats de divisions internes au GODF au sujet de la mixité. Ce qui est toujours le cas. Il y a sept ans, une loge s'était risquée à initier une femme. La sanction fut immédiate : suspension de la loge, ce qui équivaut à sa disparition.
Des « témoins » venus de Paris. L'événement, très discret, qui secoue aujourd'hui le Grand Orient est donc particulièrement important. La semaine dernière, la première, la loge Combat, à Paris, a initié une femme. Dès le lendemain, ses responsables étaient avertis de leur traduction devant la justice maçonnique. Combat encourt la suspension. Mardi dernier, à Auch, le temple du Grand Orient était plein à craquer. « Des frères et s?urs d'autres obédiences sont venus nous apporter leur soutien », dévoile ce frère gersois. Mais ils ne sont pas venus seuls. Deux « canaris » se sont également invités. Un nom d'oiseau pour désigner les conseillers de l'ordre (des décorations jaunes ornent leur vêtement), qui ont fait le déplacement de la capitale. « Ils sont venus voir eux-mêmes si nous persistions dans notre volonté d'initier une femme. »
Dès la réponse affirmative, les deux conseillers ont quitté le temple pour ne pas avoir à assister - et donc cautionner - cet acte, non sans avoir annoncé la couleur. La justice maçonnique est saisie, la loge auscitaine, après Combat, risque la suspension.
Cette semaine, trois autres loges de la région parisienne doivent à leur tour procéder à cette ouverture à laquelle le Grand Orient se refuse. Elles seront montrées du doigt.
Qu'importe, les frères de la loge gersoise veulent écrire une page de l'histoire du Grand Orient. « Nous irons devant la justice maçonnique. Parce que nous aimons le Grand Orient, que nous souhaitons le réveiller et éviter ainsi qu'il ne disparaisse. Et nous jouerons donc sur l'ambiguïté et les paradoxes qu'il véhicule », dit encore ce franc-maçon auscitain.
Hypocrisie. « Lors du dernier convent (NDLR : assemblée générale du GODF), deux v?ux ont été adoptés. Le premier dit que l'on ne peut pas initier de femmes; le second, que notre obédience n'est pas exclusivement masculine. Autrement dit, pas de femmes au GODF mais possibilité d'accueillir des visiteuses, c'est-à-dire des femmes d'autres obédiences, pour participer à nos travaux. » Une hypocrisie que les « réformateurs » du Grand Orient dénoncent. D'ailleurs, les plus juristes d'entre eux ont peut-être trouvé la brèche. Les v?ux refusant l'initiation des femmes n'auraient pas été intégrés - par un processus interne long et propre à l'obédience - dans le règlement intérieur qui, lui, fait loi. Rien, donc, n'interdirait d'initier des femmes au Grand Orient. Alors, que peut-il se passer demain ? La suspension des cinq loges réfractaires est probable. Leurs membres restent, quoi qu'il arrive, francs-maçons et auront toute liberté d'aller visiter d'autres loges. Ils pourront également saisir la « justice profane », celle de la République, devant laquelle ils plaideront un comportement sexiste. Pas sûr qu'un tel déballage public plaise au Grand Orient de France, dont le prochain convent, en septembre à Lyon, devrait être particulièrement animé. Avec, ou sans, le représentant de la loge auscitaine qui, d'ici là, pourrait être invité à suspendre son action.
À l'évidence, le Grand Orient de France est en train de vivre un épisode marquant de son histoire, sans que l'on sache pour l'heure s'il se traduira par cette ouverture définitive sur le monde féminin.
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