William S. Burroughs
Les Garçons sauvages / La Machine molle / Biographie
Difficile d’être un inconditionnel de William S. Burroughs. Difficile, par ailleurs, de ne pas lui reconnaître le titre de pape de la littérature de fin-de-siècle. Tout est là chez Burroughs des grandes obsessions de notre temps : le sexe, la drogue, la violence. Burroughs est le seul vrai visionnaire de la littérature moderne : il a tout vu de l’évolution des mœurs de la société américaine, de ses dérives policières et du retour du moralisme. Il a tout dit, dès les années 60, du capitalisme et de l’utilisation des hommes comme des objets économiques. Il a tout dit de la génétique, de ses applications sur l’homme. Des opérations, des délires de la création. Du statut de l’artiste : lui-même imposteur qui écrit comme il chie, proche de Bukowski dans le radicalisme existentiel, de Faulkner dans la manière de triturer les mots et les points de vue, de perdre le lecteur dans les anneaux constricteurs de sa langue. William S. Burroughs
Burroughs a enregistré des disques rock, a ingurgité par le nez ou le sang tout ce qu’il était lui possible d’expérimenter laissant loin derrière tous les petits insurgés de notre génération. Burroughs a tout dit des crimes qu’il perpètre lui-même avec son écriture si particulière, ses collages, ses visions poétiques. Son œuvre est truffée de ces épiphanies chères à Joyce, de saillies aiguisées, évidentes et tellement inaccessibles à la représentation des autres hommes. Burroughs est Internet, tout puissant, ultramoderne et scandaleux jusqu’à la pointe du gland, qu’il déballe à tout bout du champ jusqu’à vous donner la nausée.
Les deux romans dont il est plus particulièrement question ici sont parmi les plus intéressants et les plus accomplis qu’il ait jamais écrits. Les plus nécessaires sans doute à la lecture intelligente du monde moderne. Bien sûr, et comme toujours chez lui, il vous faudra passer sur ces tics terribles – et qui le condamnent aux yeux de beaucoup- : cette incapacité à mener une narration suivie, la complexité de ses structures, son obsession de l’homosexualité entendue comme fondement de l’énergie. Pas une page où l’on ne vaseline un cul, pas une autre où de jeunes gens ne s’enfilent comme des tigres sauvages. Faulkner, comme Pasolini avant lui, est à genoux devant le sang des plus jeunes que lui. Il cherche sans fin à épuiser les voies de la spontanéité et de l’immédiateté qu’il oppose à la sclérose des beaufs, des conservateurs et des bien-pensants. La sodomie, c’est la vie, dit-il. Enculer, le véritable pied de nez à toutes les frilosités. L’acte contre-nature, le rugissement de l’homme brut.
Burroughs et les jeunes gens
Dans Garçons Sauvages, fresque épique hallucinée, la Terre est le terrain d’affrontements de deux armées : celle des conservateurs, réacs, et autres boutiquiers et celle des garçons sauvages, féroces guerriers qui réinventent à chaque instant l’art de tuer et d’être barbares. Unités en rollers. Unités d’enfants-taupes. Garçons libellules qui pilonnent les préjugés ennemis. Synthèse de cette grande lutte qui oppose les générations. Poursuite de la guerre morale sur d’autres terrains. Dans La Machine Molle, l’Enfer est ici : des chasseurs de pédés sont apparus qui traquent le pêché où il naît. Dans les culs et les jeans des garçons. Des génies se battent avec des monstres. De jeunes résistants se démènent pour défendre leur différence. Des cultes s’installent, meurent. Des orgies renouent avec le monde païen. Des racines sont tendues vers des cultures originelles : les Aztèques, les premiers romains.
La langue est assurée et faite de groupes de mots éclatés. Le sens entre les interstices. Entre les espaces. Dans l’entre-deux, comme si la liberté littéraire, comme la liberté des âmes, se lisait à la marge du discours grammatical. Burroughs invente la langue, crée des images à grand renfort de compactages et de collisions métaphoriques. Il énumère, il dénombre, il cite. Burroughs raconte et, comme Dieu, donne corps à ce qu’il récite. Aède et Pythie.
" De la Bite du Dieu Vivant un flot de lubrifiant s’écoule dans une auge de pierre calcaire verdie par les algues. " La sève de BURROUGHS, l’artiste dont il est bon pomper le venin, coule dans nos veines molles.
Les Garçons sauvages / La Machine molle / Biographie
Difficile d’être un inconditionnel de William S. Burroughs. Difficile, par ailleurs, de ne pas lui reconnaître le titre de pape de la littérature de fin-de-siècle. Tout est là chez Burroughs des grandes obsessions de notre temps : le sexe, la drogue, la violence. Burroughs est le seul vrai visionnaire de la littérature moderne : il a tout vu de l’évolution des mœurs de la société américaine, de ses dérives policières et du retour du moralisme. Il a tout dit, dès les années 60, du capitalisme et de l’utilisation des hommes comme des objets économiques. Il a tout dit de la génétique, de ses applications sur l’homme. Des opérations, des délires de la création. Du statut de l’artiste : lui-même imposteur qui écrit comme il chie, proche de Bukowski dans le radicalisme existentiel, de Faulkner dans la manière de triturer les mots et les points de vue, de perdre le lecteur dans les anneaux constricteurs de sa langue. William S. Burroughs
Burroughs a enregistré des disques rock, a ingurgité par le nez ou le sang tout ce qu’il était lui possible d’expérimenter laissant loin derrière tous les petits insurgés de notre génération. Burroughs a tout dit des crimes qu’il perpètre lui-même avec son écriture si particulière, ses collages, ses visions poétiques. Son œuvre est truffée de ces épiphanies chères à Joyce, de saillies aiguisées, évidentes et tellement inaccessibles à la représentation des autres hommes. Burroughs est Internet, tout puissant, ultramoderne et scandaleux jusqu’à la pointe du gland, qu’il déballe à tout bout du champ jusqu’à vous donner la nausée.
Les deux romans dont il est plus particulièrement question ici sont parmi les plus intéressants et les plus accomplis qu’il ait jamais écrits. Les plus nécessaires sans doute à la lecture intelligente du monde moderne. Bien sûr, et comme toujours chez lui, il vous faudra passer sur ces tics terribles – et qui le condamnent aux yeux de beaucoup- : cette incapacité à mener une narration suivie, la complexité de ses structures, son obsession de l’homosexualité entendue comme fondement de l’énergie. Pas une page où l’on ne vaseline un cul, pas une autre où de jeunes gens ne s’enfilent comme des tigres sauvages. Faulkner, comme Pasolini avant lui, est à genoux devant le sang des plus jeunes que lui. Il cherche sans fin à épuiser les voies de la spontanéité et de l’immédiateté qu’il oppose à la sclérose des beaufs, des conservateurs et des bien-pensants. La sodomie, c’est la vie, dit-il. Enculer, le véritable pied de nez à toutes les frilosités. L’acte contre-nature, le rugissement de l’homme brut.
Burroughs et les jeunes gens
Dans Garçons Sauvages, fresque épique hallucinée, la Terre est le terrain d’affrontements de deux armées : celle des conservateurs, réacs, et autres boutiquiers et celle des garçons sauvages, féroces guerriers qui réinventent à chaque instant l’art de tuer et d’être barbares. Unités en rollers. Unités d’enfants-taupes. Garçons libellules qui pilonnent les préjugés ennemis. Synthèse de cette grande lutte qui oppose les générations. Poursuite de la guerre morale sur d’autres terrains. Dans La Machine Molle, l’Enfer est ici : des chasseurs de pédés sont apparus qui traquent le pêché où il naît. Dans les culs et les jeans des garçons. Des génies se battent avec des monstres. De jeunes résistants se démènent pour défendre leur différence. Des cultes s’installent, meurent. Des orgies renouent avec le monde païen. Des racines sont tendues vers des cultures originelles : les Aztèques, les premiers romains.
La langue est assurée et faite de groupes de mots éclatés. Le sens entre les interstices. Entre les espaces. Dans l’entre-deux, comme si la liberté littéraire, comme la liberté des âmes, se lisait à la marge du discours grammatical. Burroughs invente la langue, crée des images à grand renfort de compactages et de collisions métaphoriques. Il énumère, il dénombre, il cite. Burroughs raconte et, comme Dieu, donne corps à ce qu’il récite. Aède et Pythie.
" De la Bite du Dieu Vivant un flot de lubrifiant s’écoule dans une auge de pierre calcaire verdie par les algues. " La sève de BURROUGHS, l’artiste dont il est bon pomper le venin, coule dans nos veines molles.