« Voyez-vous, Rome descend en fait d'une bande de brigands rassemblés [sous l'égide du « fils de la Louve » Romulus. Ndt]. Une part de leur mentalité s'y est déversée durant très longtemps. Ainsi Rome a toujours tenté d'accaparer le pouvoir spirituel dans son pouvoir séculier. A la place de l'ancien prêtre païen, le pontifex maximus, dont on ne conserva que le nom, fut institué le pape. Au cours du Moyen-Âge, le pape a pris la place des césars romains en réunissant dans ses mains un pouvoir universel sur le monde et sur les pensées. Il n'arriva qu'une seule fois, en Europe du centre, au début du 11ème siècle, qu'un grand souverain tenta ce qu'un Julien l'Apostat avait tenté sous l'empire romains, ce fut Henri II. C'est une figure extrêmement intéressante. Il fut d'abord considéré comme une espèce de saint, car il défendait très bien la conception chrétienne. Il régna de 1002 à 1024 comme une sorte de saint. Il reçut d'ailleurs la dénomination historique de saint. Si vous consultez le bréviaire où sont répertoriés tous les saints, encore en toutes les mains des prêtres catholiques, vous y trouverez Henri II le Saint.
Cet Henri II était encore quelqu'un qui voulait mettre le doigt sur une ancienne vérité : Il voulait sauver, pour le christianisme, l'idée que le Christ avait accueilli en lui un esprit solaire.
Il tenta d'établir une Ecclesia catholica non romana, c'est-à-dire une Eglise catholique qui ne soit pas romaine. Songez à la date : début du 11ème siècle ! Le luthérianisme n'est venu que bien plus tard. Que serait-il arrivé, si le projet d'instauration d'une Eglise catholique non romaine avait réussi ? Le Christianisme serait apparu en Europe avec sa signification mondiale, et la vie religieuse aurait permis d'accéder, déjà alors, à une science de l'esprit. Mais Rome a triomphé, c'est-à-dire qu'a triomphé la religion césarienne de Rome. L'Ecclesia catholica non romana ne vit donc pas le jour, et l'Ecclesia romana non catholica poursuivit sa course. L'empereur Henri II voulait séparer complètement l'Eglise catholique du pouvoir séculier.
Admettez que si ce projet avait réussi, c'eût été un acte grandiose, car ce qui suivit, c'est-à-dire la chasse et la persécution des hérétiques et incroyants n'aurait pas pu avoir lieu. Car toutes ces persécutions ne proviennent que de l'empire exercé sur les idées. Or, en réalité, on ne peut pas régner sur les pensées. Réfléchissez à cela ! Peut-on régner sur vos idées ? Non, on ne le peut pas ! On ne peut régner sur les pensées que par le détour de l'empire sur la part séculière de l'être humain, lorsqu'on force l'être humain, à aller dans certaines écoles, pour lui instiller certaines pensées ou lorsqu'on le force à entrer dans une certaine classe sociale. Cette classe lui imposera certaines conceptions du monde etc. Les pensées ne peuvent pas se laisser gouverner ! Jamais l'Eglise n'aurait pu devenir nocive, si le pouvoir séculier ne lui était pas venu en aide en exerçant son pouvoir sur l'homme en tant qu'être physique. Car l'Eglise ne peut qu'enseigner et l'être humain doit accueillir son enseignement en toute autonomie. C'est ce qu'Henri II voulait instaurer. Mais c'est le vieux César qui triompha, le pape d'alors. Or vous savez que la puissance séculière était alors extrêmement forte. Cela peut paraître grave, mais à l'époque d'Henri II cette puissance était très très forte. Si l'instauration d'une Eglise catholique non romaine avait pu se faire, il y aurait eu un enseignement de l'Eglise en dehors de la puissance séculière[…]
C'est ainsi que tout le fondement du Christianisme est resté inconnu tout au long de l'histoire. Or quel est-il ce fondement ? C'est l'idée grandiose que la force solaire fut introduite par le Christ Jésus sur la Terre et selon laquelle chaque être humain qui reconnaît cela peut devenir un être libre (« Vous reconnaîtrez la vérité et celle-ci vous rendra libres ») Mais la vérité ne fut pas reconnue [...] » (R.Steiner, Histoire de l'Humanité, Paris, pp. 88-91)
Ce qui s'instaura ce fut un christianisme exotérique recoupé de ses sources spirituelles et, très rapidement, la persécution féroce contre ces représentants du Christianisme johannique que furent les Manichéens et les Cathares, du fait de l'Inquisition, et pour finir la décadence de la sagesse chrétienne, les schismes dévastateurs de l'unité européenne et la corruption dont on mesure tous les jours l'inexorable avancée.