Théodore Herzl : une nouvelle lecture
21 juillet 2011
Paru en 2006 dans sa version française, et en 2008 dans sa version hébraïque, « Théodore Herzl, une nouvelle lecture », est un ouvrage qui bouscule les idées reçues. Plus de 100 ans après la disparition de l’auteur de l’« Etat juif », Georges Yitshak Weisz nous livre une analyse qu’il décrit lui-même comme factuelle et non personnelle de ce personnage controversé au sein de la communauté juive.
Certaines réactions des sphères rabbiniques face à cet ouvrage prouvent son importance.
Ainsi le Rav Yossef Ben-Shoushan après la lecture de ce livre : « Merci Dr Yitshak Georges Weisz, pardon Binyamine Zeev Hertzl z »l ». Et il poursuit : « Je tiens à remercier de tout cœur Mr Yitshak Georges Weisz, pour son excellent ouvrage, qui a été pour moi une véritable révélation. A mon humble avis, cette œuvre révolutionnaire nous dévoile le véritable visage du grand homme Herzl, dans toute la pureté et la noblesse de sa conception du retour d’Israël sur sa terre (…) Suite à ma lecture passionnée de ce livre, j’ai éprouvé le profond besoin de demander à Herzl, Pardon. Je l’ai fait aussitôt sur sa tombe.
C’est pourquoi j’ai décidé de faire Téchouva (= de me repentir) en propageant aux yeux de tous le véritable visage du générateur de notre renaissance nationale. »
Cette semaine, nous célèbrerons le 107e anniversaire de la mort du père du sionisme moderne. A cette occasion, nous avons interrogé Yitshak Weisz : il nous explique qui est le Théodore Herzl qu’il a découvert au cours de ses recherches.
Le P’tit Hebdo : Pour quelles raisons avez-vous entrepris l’écriture de cet ouvrage ?
Yitshak Weisz : Rien ne me prédestinait à une telle entreprise. Lors de vacances, j’ai lu, au début distraitement, puis ensuite avec passion, le roman de Théodore Herzl : « Altneuland » (le Pays ancien Nouveau). Cette lecture a été un déclic : tous les clichés dans lesquels je baignais, comme de nombreux Juifs, ont été brisés. En rentrant chez moi, j’ai été amené à lire intégralement les écrits d’Herzl et je me suis aperçu que sa pensée avait été falsifiée et dénaturée : Herzl avait été déjudaïsé et désionisé de façon massive. Mon livre est l’aboutissement d’une dizaine d’années de recherches.
Lph : Comment pourrait-on résumer alors la pensée d’Herzl ?
Y.W : Mes recherches m’ont permis de mettre en évidence la convergence entre le narratif juif (Tana’h, Talmud, Midrash, etc.) et les écrits de Théodore Herzl. On passe sous silence que le grand-père de Herzl, Shimon Leibl, Juif orthodoxe, était un familier du Rav Yehuda Alkalai de Zemlin, dont l’œuvre considérable était essentiellement centrée sur le Retour des Juifs en Eretz Israël, qu’il définissait comme la véritable Techouva au sens premier du mot. Plus tard, dans son discours d’ouverture du premier Congrès à Bâle, Herzl définira le Sionisme comme le Retour à la Judéité comme condition du Retour en Israël, c’est-à-dire la prise de conscience de l’identité juive.
Théodore Herzl avait parfaitement compris que le problème auquel les Juifs étaient confrontés était avant tout un problème d’identité, et c’est cela qui le rend tellement actuel.
La société israélienne est tiraillée, déchirée entre les deux composantes de l’identité juive, particulariste et universaliste. Dès le premier Congrès Sioniste, Herzl a démontré le caractère artificiel de cette opposition. Il affirmait continuellement que nous devions participer au concert des Nations, mais « en tant que juifs en brandissant bien haut notre judéité ».
Herzl préférait parler de judéité plutôt que de judaïsme, ce qui revenait à exprimer l’idée que l’identité juive ne se résumait pas à la pratique des mitsvot. D’ailleurs parmi ses proches collaborateurs, on comptait des rabbins dont certains appartenaient même au courant ‘haredi.
En effet le Talmud enseigne qu’Erets-Israël possède une dimension qui transcende la pratique des mitsvot.
Lph : Pourquoi a-t-on à ce point dénaturé les écrits de Théodore Herzl ?
Y.W : Tout d’abord, il faut savoir que Théodore Herzl, lui-même, s’attendait à susciter ces réactions : « Les Juifs bien établis me haïront », pensait-il ou encore « Je m’attends à l’ingratitude de ceux qui devraient m’être reconnaissants ». Quelques années plus tard dans une lettre à Bernard Lazare, il se décrit comme « un instrument que l’on brisera après s’en être servi ».
En fait Théodore Herzl était dangereux pour les Rabbins comme pour les partisans de l’assimilation : les uns comprenaient le judaïsme uniquement comme une religion, les autres comme une philosophie universaliste mais aussi bien les uns que les autres avaient évacué l’idée même du retour des Juifs en Israël.
Lph : Dans votre ouvrage vous démontez certaines idées reçues sur Herzl.
Y.W : Les longues recherches que j’ai menées ont mis en lumière deux clichés associés à Herzl qui se sont avérés être totalement faux.
Le premier est le lien que l’on a établi entre l’affaire Dreyfus et la démarche d’Herzl. Cette dernière n’a absolument rien à voir avec le spectacle dont il a été témoin en France.
En effet, Herzl était torturé par la situation des Juifs depuis au moins 13 ans avant l’affaire Dreyfus.
Le deuxième cliché est celui autour de l’Ouganda. Lorsque l’on étudie cette proposition du 6e Congrès sioniste dans le détail, on s’aperçoit que toutes les théories qui ont été bâties dessus ne sont que des calomnies incroyables. Pour Théodore Herzl, Sion était le lieu par excellence de la synthèse entre les dimensions particularistes et individualistes du peuple juif.
Lph : De nos jours, sommes-nous fidèles à la véritable pensée de Théodore Herzl ?
Y.W : Il est clair que Théodore Herzl serait ravi de voir que l’Etat d’Israël existe avec son gouvernement et ses infrastructures.
En revanche, il serait épouvanté de constater les clivages qui caractérisent la société israélienne. Ils sont la preuve que sa pensée a été trahie également au niveau social et que le cœur de son message n’a pas été compris.
Lph : Pensez-vous que les mentalités peuvent encore évoluer pour d’une part rendre au message d’Herzl son vrai sens et d’autre part l’appliquer réellement ?
Y.W : Je pense qu’il y a de bonnes raisons d’y croire. Je constate que la majorité des gens qui ont été empoisonnés par un certain discours se rendent compte que celui-ci ne résiste pas aux faits.
Nous devons tendre à créer un vocabulaire et une pensée qui permettront de rompre le dialogue de sourds en vigueur.
Dans l’Etat juif d’aujourd’hui, il est nécessaire de dénoncer un vocabulaire inapproprié à la société israélienne. Des catégories de langage et de pensées comme « religieux » et « laïc » en particulier constituent une source de divisions insurmontables.
Il est évident que cela exige un retour aux sources vivantes de la judéité et une étude authentique des textes de Herzl dans les écoles, ce à quoi travaillent déjà certaines personnes.
Ce qui m’encourage également c’est lorsque je constate que confrontés aux faits, nombreux sont ceux qui ont pu se défaire des clichés concernant Théodore Herzl. J’en suis un exemple, bien entendu,
Il faut donc revenir à Herzl, c’est-à-dire à une vision unificatrice de la judéité et du sionisme. Selon moi, Herzl est nécessaire aujourd’hui plus que jamais.
Interview réalisée par Guitel Ben Ishaï – Le P’tit Hebdo - JSSNews
Points de vente en Israël
Version française : publié aux Editions L’Harmattan. Librairie Vice-Versa, 1 rue Ben-Shatah, Jérusalem.
Version hébraïque : publié aux Editions Yediot Aharonot. En vente dans toutes les librairies.
L’organisation Oz le Israël, dirigée par le Rav Yossef Ben-Shoushan, organise la hazkara de Binyamine Zeev Hertzl z »l, le Vendredi 20 Tamouz (22 juillet) à 10h30 au mont Hertzl à Jérusalem.