En ces temps de mensonge, on sait qu’une nouvelle est importante quand les médias la passent sous silence. Dans le genre, le résultat du référendum en Islande sur le remboursement des dettes de la banque islandaise Icesave restera comme un cas d’école : silence radio, ou peu s’en faut. On devrait nous en reparler dans quelques jours, j’imagine, quand la contre-attaque du Pouvoir sera déclenchée. Pour l’instant, quel calme. A peine une dépêche Afp ici ou là. Pour le reste : circulez, y a rien à voir.
Et pourtant, ce n’est pas rien, ce qui vient de se passer au pays des geysers. Les Islandais ont dit non au remboursement de la dette Icesave par 93 % des voix (contre 1,5 % de oui – on connaît la proportion de membres de la Surclasse Transnationale en Islande, c’est intéressant).
En clair, cela veut dire que le peuple islandais demande à la haute finance d’aller se faire voir chez les Grecs (facile). L’Etat islandais avait nationalisé en catastrophe la banque « plantée » par le krach de 2008, reprenant de facto ses gigantesques dettes (5,5 milliards de dollars, 35 % du PIB de l’Islande). Le peuple islandais vient de faire savoir qu’il faisait valoir un droit d’inventaire sur l’héritage.
Le silence radio de nos médias s’explique facilement : si l’attitude islandaise devait faire jurisprudence, tout l’édifice de la finance mondialisée serait par terre en 24 heures. Avec quelque chose comme 80 000 milliards de dettes pour un PIB de l’ordre de 30 000 milliards, l’Occident est en faillite. Ses banques avec. A présent que les Chinois ont fait savoir qu’ils n’entendaient pas régler la facture, il ne reste qu’un seul espoir au système : que les peuples payent l’addition. Les Islandais viennent de montrer la voie : ils ont refusé.
Cela faisait des mois que les Vikings manifestaient. Ce peuple, un des plus paisibles et des plus éduqués du monde, a battu le pavé comme n’importe quelle populace parisienne en colère. Du jamais vu. Le Président de ce petit pays a refusé de ratifier un accord avec les créanciers, en découvrant qu’un Islandais sur quatre avait signé une pétition en ligne exigeant le retrait dudit accord. On peut penser qu’en l’occurrence, le chef de l’Etat avait le choix entre se faire mal voir par la haute finance et se faire étriper par ses compatriotes. Il n’est pas anodin qu’il ait opté pour la première solution.
Et maintenant, que va-t-il se passer ?
La Grande-Bretagne va-t-elle vitrifier l’Islande ?
Un embargo mondial sur le poisson islandais va-t-il être décrété ?
Les producteurs d’aluminium, unis contre la populace revendicative, fermeront-ils leurs usines (alimentées par l’électricité islandaise, bon marché) ?
Gordon Brown va-t-il envoyer la Royal Navy au large des côtes vikings ?
Rien de tout cela, évidemment.
Ce qui va se passer, c’est tout bonnement que les créanciers d’Icesave vont avoir très, très mal au compte en banque.
Les Islandais ne paieront pas, je prends les paris. Pour la bonne et simple raison que :
a) Ils ne veulent pas, et on ne peut pas saisir leur île pour la vendre. Déjà, ça résout le problème.
b) Le temps que le Système déploie ses contre-mesures, tout l'édifice sera par terre, à l'échelle globale. L’affaire islandaise n’est qu’un début. Il va finir par se passer la même chose dans un grand pays (faites vos jeux, ça va se jouer entre les USA, la Grande-Bretagne, la France, l’Italie et l’Espagne – si je devais miser, je dirais : la Grande-Bretagne). Et alors, adieu. Implosion globale du système financier international.
A la rigueur, on peut imaginer qu'ils payent en monnaie de singe, ces braves Islandais, leurs créanciers faisant semblant de ne pas voir pour maintenir la fiction du système. Mais même ça, je n'y crois pas. Cela créerait une jurisprudence inacceptable pour la City.
Conclusion : le système est arrivé au bout de son rouleau. Le mur est au bout de l’impasse, et le bout de l’impasse, on y est. Ou disons : on y sera sous peu.
Deux possibilités, donc :
Le système se fracasse contre le mur (la révolution),
Le système passe à travers le mur (la guerre).
En attendant, merci au peuple islandais.
93 %, ça c’est du boulot.
COMPLEMENT : Michel Drac 09-03-2010 15:20
Le choix de la classe dirigeante sera probablement une stratégie de la tour de Babel en équilibre instable : multiplier les conflits à faible intensité pour fragiliser la révolte potentielle des peuples, via les questions identitaires.
- que ça peut échapper aux dirigeants et se transformer en très grand incendie, qui les brûlera eux-mêmes,
- que pour maîtriser ce processus (ou en tout cas ne pas le subir totalement), il faut traiter la question identitaire. Le fait qu'elle va être instrumentalisée n'empêche pas qu'elle est réelle. Empêcher le système de la manipuler, c'est la traiter nous-mêmes.
Poser la lutte des classes n'est possible que si, pour commencer, on prend en compte les questions identitaires. Elles font partie des inputs à gérer. Comme disait un obscur commissaire du peuple aux nationalités, en Asie Centrale, pendant la révolution russe : "les écrivains sont les ingénieurs de l'âme". Il avait raison. Il faut construire une ingénierie.
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