René Guénon, Le Théosophisme, 2ème édition - chapitre XXI - Les tribulation d'Alcyone a écrit:Dans l’affaire dont nous allons parler maintenant, ce n’est plus Pythagore ou Koot Hoomi qu’il s’agissait de manifester, sans doute à titre de « précurseur », mais bien le Bodhisattwa Maitreya lui-même ; et le jeune homme qu’on élevait à cet effet n’était plus un Anglais, mais un Hindou, Krishnamurti, dont Mme Besant s’était instituée la tutrice, ainsi que de son frère Nityânanda[A], qui devait avoir aussi quelque mission accessoire à remplir ; on les désignait habituellement par les pseudonymes astronomiques d’Alcyone et de Mizar. Tous deux accompagnèrent Mme Besant dans le voyage qu’elle fit à Paris en 1911, et parurent à ses côtés à la conférence qu’elle donna à la Sorbonne, le 15 juin, sous la présidence de M. Liard, le vice-recteur d’alors (qui, il est bon de le noter, était protestant), et dont le sujet était « le message de Giordano Bruno au monde actuel »[1]. Pour comprendre ce titre, il faut savoir que Mme Besant prétend être la réincarnation de Giordano Bruno, de même qu’elle prétend avoir été précédemment la philosophe Hypathie, fille du mathématicien Théon d’Alexandrie ; autrefois, elle donnait à ce sujet une tout autre version, car elle a affirmé expressément, comme Mme Blavatsky, « qu’elle avait été hindoue dans sa vie antérieure »[2] ; de telles variations sont vraiment bien peu faites pour inspirer confiance, et c’est là encore une contradiction à ajouter à toutes celles que nous avons déjà eu l’occasion de relever jusqu’ici.
A l’époque où il vint à Paris pour la première fois (on devait l’y revoir en mai 1914)[B], Alcyone était âgé de seize ans ; il avait déjà écrit, ou du moins on avait publié sous son nom, un petit livre intitulé Aux pieds du Maître, pour lequel les théosophistes témoignèrent la plus vive admiration, bien que ce ne fût guère qu’un recueil de préceptes moraux sans grande originalité[3]. M. Gaston Revel terminait un article consacré à ce livre par ces mots significatifs : « Demain, l’Annonciateur sera Dispensateur de nouveaux bienfaits ; puissent-ils être en grand nombre, puissent-ils être multitude, les cœurs qui suivront son Etoile ! »[4]. Auparavant, il avait paru un ouvrage des plus bizarres, ayant pour titre Déchirures dans le voile du temps, « par les principaux instructeurs théosophes : Mme Annie Besant, M. C. W. Leadbeater, en collaboration avec plusieurs autres personnes » ; c’était une sorte de roman, digne de l’histoire des anciennes races humaines, et provenant de la même source, où l’on racontait les trente incarnations successives d’Alcyone, les trente dernières du moins, car on assurait qu’il en avait eu bien d’autres avant celles-là[5]. En règle générale, on doit naturellement admettre que l’homme ne garde aucun souvenir de ses vies antérieures ; mais il paraît que les « principaux instructeurs théosophes » font exception grâce à leur « clairvoyance » qui leur permet de faire des investigations dans le passé ; nous venons de voir pourtant jusqu’à quel point on peut s’y fier. Une sorte d’adaptation française de cet ouvrage, ou plutôt de résumé accompagné de commentaires, fut publiée par M. Gaston Revel, en 1913, sous ce titre : De l’an 25000 avant Jésus-Christ à nos jours. Ce qu’il faut y noter, c’est le soin avec lequel les épisodes racontés ont été choisis de façon à fournir l’occasion de rappeler les divers enseignements théosophistes ; ce sont aussi les prédictions qu’on y a glissées plus ou moins habilement, à des dates diverses, au sujet du rôle futur d’Alcyone ; c’est enfin la façon dont se retrouvent, d’une existence à l’autre, les mêmes personnages, parmi lesquels les chefs de la Société Théosophique : « Cent cinquante environ des membres actuels de la Société, dit M. Leadbeater (qui y figure sous le nom de Sirius), se trouvent parmi les personnages principaux du drame qui se déroule au cours de ces vies (Hercule est Mme Besant, Vajra Mme Blavatsky, Ulysse Olcott, et ainsi de suite). Il est profondément intéressant de remarquer comment ceux qui, dans le passé, ont été souvent unis par les liens du sang, se trouvent, bien que nés cette fois dans des pays éloignés, rapprochés de nouveau par l’intérêt commun qu’ils ressentent pour les études théosophiques et unis dans un même amour pour les Maîtres plus étroitement que par parenté terrestre »[6]. On a bâti là-dessus toute une théorie du « rassemblement des Egos », en corrélation avec certaines époques que l’on regarde comme particulièrement importantes dans l’histoire des races humaines ; et on en profite pour déclarer que « la réelle fondation de la Société Théosophique remonterait à l’an 22662 avant Jésus-Christ »[7], assertion qu’il convient de rapprocher de ces fantastiques généalogies des sociétés secrètes auxquelles nous avons fait allusion précédemment[8]. Quant au héros de cette histoire, voici les précisions que l’on donne sur l’« initiation » à laquelle il serait parvenu récemment, après s’y être préparé peu à peu au cours de ses précédentes existences : « Alcyone est prêt désormais à accomplir de nouveaux devoirs, comme disciple direct de ceux des « Maîtres » qu’il a si bien servis dans le passé. C’est ainsi que, dans son incarnation actuelle, il retrouve en notre vénérée Présidente et en M. C. W. Leadbeater, les amis et parents d’autrefois. Peu après, il est admis sur le Sentier de probation, et cinq mois s’étaient à peine écoulés qu’il devenait disciple accepté. Peu de jours après, il devenait le « fils du Maître » et passait le premier Portail de la première grande Initiation, ce qui l’admet au nombre des membres de la Grande Loge Blanche qui gouverne l’humanité. Tous ceux qui l’ont autrefois connu, aimé, servi, sont aujourd’hui autour de lui, comme membres de la Société Théosophique »[9]. « Alcyone et ceux qui l’entourent appartiennent au cœur du monde ; de plus, ils sont les promesses de l’avenir ; à eux tous, ils constituent un groupe spécial, dit groupe des Serviteurs. Ce sont ceux qui secondent dans leur œuvre les grands Instructeurs de l’humanité »[10]. L’expression « appartenir au cœur du monde » signifie qu’ils sont les disciples directs du Bodhisattwa, tandis que les fondateurs de la Société Théosophique, en raison des liens qui étaient censés les rattacher personnellement au « Mahâtmâ » Morya, devaient appartenir au groupe du Manou ou au « cerveau du monde » ; peut-être veut-on suggérer par cette distinction un moyen d’expliquer et d’excuser certaines divergences.
Cependant, quelques protestations s’élevaient déjà de divers côtés, et, dans l’Inde surtout, certains bruits fâcheux commençaient à courir ; à ce propos, nous pensons qu’il est nécessaire de démentir de la façon la plus formelle la légende inepte d’après laquelle, dans l’Inde précisément des foules entières se seraient prosternées devant Krishnamurti. Assurément, on s’explique sans peine que cette légende ait été propagée par les théosophistes, afin de rehausser le prestige de leur futur Messie ; mais ce que nous comprenons beaucoup moins, c’est que quelques-uns de leurs adversaires aient jugé bon de se faire l’écho de semblables énormités ; on ne peut employer un autre mot quand on sait comment le théosophisme est apprécié par les Hindous[11]. Dès le début de 1911, le Dr M. C. Nanjunda Rao, professeur à l’Ecole de médecine de Madras, que les théosophistes accusèrent par la suite d’avoir inspiré toute la campagne menée contre eux, écrivait dans l’Arya-Bâla Samâj Magazine, de Mysore : « Les agissements actuels des théosophistes constituent une sévère condamnation des méthodes adoptées pour glorifier ce jeune Krishnamurti (Alcyone) comme un second Christ qui vient sauver l’humanité affligée. » Disons, pour ceux que pourraient tromper certaines similitudes de titres, que l’Arya-Bâla Samâj, dont l’organe publia ces lignes, ne doit pas être confondu avec l’Arya Samâj, dont il a été question plus haut, non plus qu’avec une autre organisation appelée Arya-Bâla Bodhinî, qui ne fut qu’une des nombreuses créations de la Société Théosophique[12]. Cette Arya-Bâla Bodhinî est ou était (car nous ne savons si elle existe encore, et, en tout cas, elle ne dut jamais avoir un bien grand succès), une « Association de jeunes gens hindous », un peu trop analogue, par certains côtés, aux « Y. M. C. A. » ou « Associations chrétiennes de jeunes gens » que le Protestantisme anglo-américain s’efforce de répandre en tous pays, et où son esprit de prosélytisme se dissimule sous le masque d’une apparente neutralité.
D’autre part, en 1911 également, le Dr J. M. Nair avait déjà publié dans un organe médical, l’Antiseptic, un article extrêmement mordant contre le théosophisme, et il n’avait pas hésité à y accuser nettement M. Leadbeater d’immoralité ; cet article, intitulé Psychopathia sexualis chez un Mahâtmâ, fut réimprimé en brochure, puis reproduit par le grand journal quotidien Hindu. A la suite de ces attaques, et après un certain temps de réflexion, trois procès furent engagés, en décembre 1912, contre le Dr Nair, le Dr Râma Rao et l’éditeur du Hindu ; tous les trois furent perdus par la Société et sa présidente, qui prétendaient qu’on avait tort de les rendre responsables des théories de Leadbeater, attendu que celles-ci n’avaient jamais eu qu’un caractère purement privé et personnel. En se préparant ainsi à désavouer de nouveau Leadbeater, devenu trop compromettant, Mme Besant oubliait qu’elle avait écrit : « Une nuit que j’allais à la demeure du Maître, Mme Blavatsky m’a fait savoir que la défense de Leadbeater doit être entreprise contre les exagérations dont on l’accuse »[13], et que, quelque temps après, elle avait même dit : « Je dois rester ou tomber avec lui » ; c’est ce que ses adversaires surent lui rappeler fort à propos, et, si Mme Besant y perdit ses procès, Leadbeater y gagna sans doute de n’être pas exclu une seconde fois de la Société. Mais le scandale fut grand, malgré les efforts parfois maladroits des amis dévoués de la présidente : c’est alors que M. Arundale[C], principal du « Central Hindu College » de Bénarès, écrivit la lettre confidentielle, d’un servilisme idolâtrique à l’égard de Mme Besant, dont nous avons parlé ailleurs ; cette lettre ayant été révélée par le Leader d’Allahabad, un certain nombre de professeurs du collège, qui faisaient auprès de leurs élèves une propagande théosophiste trop ardente, furent contraints, ainsi que le principal lui-même, de donner leur démission. Un journal hindou, le Behari, résuma fort bien l’impression générale en ces termes : « Si un mouvement doit être jugé par ses coryphées et si Leadbeater est un coryphée du théosophisme, alors le théosophisme, pour les profanes, n’est qu’une énigme tenant le milieu entre des indécences scabreuses et des prétentions audacieuses, entre un enseignement repoussant et une incroyable présomption. »
Tout cela finit par émouvoir le père de Krishnamurti et Nityânanda, M. G. Narayaniah (ou Narayan Iyer), qui était cependant un théosophiste convaincu, appartenant à la Société depuis 1882, et qui remplissait depuis 1908, sans rémunération, les fonctions de secrétaire correspondant adjoint de la « section ésotérique » à Adyar (son nom théosophique était Antarès) ; il voulut révoquer la délégation de ses droits de tutelle qu’il avait consentie le 6 mars 1910, et demanda à la Haute-Cour de Madras que ses fils lui fussent rendus. Après un procès dont le Times reproduisit tous les détails, le juge Bakewell ordonna, le 18 avril 1913, que les jeune gens fussent restitués à leurs parents avant le 26 mai, en déclarant que le père était toujours le tuteur naturel de ses enfants ; dans les considérants de ce jugement, nous lisons textuellement ceci : « M. Leadbeater convint dans sa déposition qu’il a eu et qu’il continue d’avoir des opinions que je n’ai pas à spécifier autrement que comme étant sans contredit immorales et de nature à le disqualifier en tant qu’éducateur de jeunes garçons, et qui, ajoutées à son prétendu pouvoir de percevoir l’approche de pensées impures, font de lui un compagnon très dangereux pour des enfants. Il est vrai qu’aussi bien lui que la défenderesse ont déclaré qu’il a promis de ne pas exprimer et de ne pas mettre en pratique ces opinions, mais un père ne devrait pas être tenu de se fier à une promesse de ce genre »[14]. Mme Besant fit aussitôt appel de ce jugement, et, cet appel ayant été rejeté à Madras le 29 octobre 1913, elle prit le parti de s’adresser aux tribunaux d’Angleterre : ses deux pupilles étaient alors à Oxford pour y achever leur éducation (singulière préparation pour une mission messianique !)[15], et, dûment stylés par leur entourage (M. Arundale s’était fait leur précepteur particulier), ils déclarèrent qu’ils refusaient de retourner dans l’Inde[16]. Cette fois, l’appel de Mme Besant fut admis à Londres, le 5 mai 1914, par le comité judiciaire du Conseil privé[17], et les choses restèrent en l’état ; naturellement, les théosophistes célébrèrent comme un triomphe cette décision, à laquelle on peut croire que certaines influences politiques n’avaient pas été étrangères (nous verrons ailleurs qu’on avait déjà essayé de les faire jouer à Madras), et un de leurs organes français écrivit à ce sujet : « Mme Annie Besant vient de gagner le procès qui avait été intenté contre elle. C’est là une bonne nouvelle qui ne nous surprend pas, car nous l’attendions. Notre mouvement ne s’en imposera dès à présent qu’avec une force plus irrésistible encore »[18]. Pourtant, depuis cette époque, il fut beaucoup moins question d’Alcyone, et il semble même qu’on n’en parle plus du tout aujourd’hui[D] ; tous ces incidents étaient sans doute par trop défavorables à l’accomplissement de la mission qu’on lui destinait, et d’ailleurs on avait eu la prudence de ne le présenter tout d’abord que comme un « annonciateur », tout en faisant entrevoir assez clairement le rôle plus important qui devait lui être dévolu par la suite : de cette façon, on se réservait assez adroitement une autre issue pour le cas où les évènements viendraient à mal tourner.
Cependant, on avait été moins prudent au cours du procès de Madras, et « certaines déclarations faites sous la foi du serment, pendant les débats de ce procès, sont sans nul doute les plus extraordinaires qui aient jamais été faites en plein prétoire : ainsi, par exemple, Mme Besant déclara sous la foi du serment qu’elle s’était trouvée dans la présence du Chef Suprême de l’Evolution de la terre (le Logos planétaire) ; qu’elle a été consciemment présente à l’« Initiation » de Krishnamurti à un certain endroit dans le Thibet ; qu’elle a toutes les raisons de croire que le Christ, ou le Seigneur Maitreya, ainsi qu’on Le nomme en Orient, se servira, d’ici quelques années, pour Son travail parmi les hommes, du corps du disciple Krishnamurti, de même qu’il y a deux mille ans Il se servit du corps du disciple Jésus ; et qu’à une certaine réunion à Bénarès le Christ avait paru et, pendant quelques minutes, avait « adombré » Son « Elu ». M. Leadbeater fit, sous la foi du serment, des déclarations analogues et d’autres encore, disant qu’il avait fait des recherches sur Mars et sur Mercure, qu’il pouvait voir les pensées des hommes, et qu’il avait été chargé, il y a bien des années, par certains Etres Surhumains, de chercher des jeunes gens adaptés au travail spirituel dans l’avenir. Plusieurs déclarations dans ces deux dépositions laissaient aussi entendre que Mme Besant et M. Leadbeater se trouveraient en communication constante avec les « Chefs intérieurs » de la Société Théosophique, généralement appelés les Maîtres »[19]. On croit rêver en lisant toutes ces choses, et l’on comprend qu’un journal hindou, le Poona Mail, ait écrit que Mme Besant, qui aurait été jusqu’à dire à M. Narayaniah que Leadbeater était « un Arhat sur les confins de la divinité », s’était « rendue coupable de blasphème » par les affirmations extravagantes qu’elle avait osé faire ainsi sous serment.
Ces histoires plus ou moins scandaleuses ne furent pas sans susciter des troubles au sein même de la Société Théosophique : la scission la plus retentissante fut celle du « Rosicrucien » Rudolf Steiner, qui entraîné la plupart des groupements d’Allemagne, de Suisse et d’Italie, plus un certain nombre d’autres répandus un peu partout, et qui forma avec ces éléments une nouvelle organisation indépendante, à laquelle il donna le nom de « Société Anthroposophique ». A la suite de cette scission, accomplie officiellement le 14 janvier 1913, Mme Besant reconstitua une nouvelle section allemande fort amoindrie, comprenant les quelques branches restées fidèles à la direction d’Adyar, et, le 7 mars suivant, elle désigna comme secrétaire général de cette section, en remplacement de Steiner, le Dr Hübbe Schleiden, directeur de la revue Sphinx ; celui-ci était mêlé depuis fort longtemps au mouvement théosophiste, et, dès 1884, il avait été favorisé de communications « précipitées » des « Mahâtmâs », dont la première lui était parvenue dans un train où il se trouvait en compagnie d’Olcott[20]. En dehors du schisme de Steiner, dont nous allons parler plus longuement, il y en eut quelques autres moins importants : c’est ainsi que, le 30 octobre 1913, le groupe espagnol « Marc-Aurèle », de Pontevedra, se constitua en centre autonome, en déclarant « n’être plus en communion d’idées et de doctrines avec la présidente actuelle, s’en tenir aux enseignements de Mme Blavatsky[E], et désapprouver formellement la tendance nouvelle imprimée à la Société »[21]. Enfin, certains théosophistes américains firent entendre des protestations indignées et créèrent une « Ligue de Réforme théosophique », qui compta parmi ses principaux membres le Dr Buck, dont il a été question plus haut ; dans le manifeste de cette ligue, qui eut pour organe la revue Divine Life, de Chicago, et qui publia en outre une série de brochures fort édifiantes sur les procès de Madras, nous relevons les passages suivants : « On se propose d’organiser aux Etats-Unis un corps de théosophistes destiné à amener une réforme des conditions où se trouve actuellement la Société Théosophique, dont la présidente, Mme Annie Besant, associée à M. Charles W. Leadbeater, a, pendant toute la durée de ses fonctions, causé la plus déplorable démoralisation du but et de l’idéal de cette Société… Contrairement aux principes les plus fondamentaux de la Théosophie[22], un nouveau culte personnel est exploité par la présidente de la Société, et une religion particulière se développe sous son patronage. La conduite de Mme Besant à cet égard constitue une malfaisance caractérisée, et sa collaboration continue avec M. Leadbeater est de nature à jeter le discrédit sur la Société. »[F]
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[1] Tout dernièrement, le 26 juillet 1921, Mme Besant, venue à Paris pour présider le Congrès théosophique, a fait de nouveau une conférence dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne ; le vice-recteur actuel, M. Appell, qui a dû donner cette fois l’autorisation nécessaire à cet effet, et qui figurait d’ailleurs au premier rang de l’assistance, n’est-il pas également protestant ? – Voir à ce sujet un article de M. Eugène Tavernier dans la Libre Parole du 25 juillet 1921.
[2] The Two Worlds, 20 avril 1894.
[3] En 1913, il parut uns autre brochure attribuée à Alcyone, intitulée Le Service dans l’Education.
[4] Le Théosophe, 16 juin 1911.
[5] Dans Man : whence, how and wither, qui parut en 1913, il est donné des indications sur des incarnations plus anciennes, et même sur les existences « préhumaines » d’Alcyone et des chefs de la Société Théosophique au cours de la « chaîne lunaire » !
[6] L’Occultisme dans la Nature, p. 158.
[7] De l’an 25000 avant Jésus-Christ à nos jours, p. 296.
[8] La H, B. of L. ne fixait son origine qu’à « 4320 ans avant l’année 1881 de l’ère actuelle » ; c’était relativement modeste, et encore faut-il dire que ces dates se référaient au symbolisme des « nombres cycliques ».
[9] Ibid., pp. 288-289
[10] Ibid., pp. 295-296.
[11] Autre légende : des gens qui ne connaissent pas le costume hindou se sont imaginé que la façon dont Alcyone était habillé était destinée à rappeler le type traditionnel du Christ ; cette histoire est certainement beaucoup moins invraisemblable que l’autre, mais, en fait, elle n’est pas vraie non plus.
[12] Lotus Bleu, 27 avril 1895.
[13] The Link, organe théosophiste.
[14] Les théosophistes ne pourront pas contester l’exactitude de ce texte, car nous le prenons dans une brochure intitulée Le Procès de Madras (p. 64), « publication réservée aux membres de la Société Théosophique », à qui, dans sa préface datée du 15 septembre 1913 (p. 3), M. Charles Blech recommande formellement « de ne pas répandre ces documents au dehors, de ne pas mentionner même cette brochure en dehors du cercle restreint de nos membres ».
[15] Ce qui est le plus amusant, c’est que Mme Besant avait déclaré expressément, devant la Haute-Cour de Madras, qu’elle avait envoyé Krishnamurti « suivre une Université anglaise de manière à le préparer à devenir un instructeur spirituel » (Le Procès de Madras, p. 28).
[16] Times, 28 janvier 1914.
[17] Daily Mail, 6 mai 1914.
[18] Le Théosophe, 16 mai 1914.
[19] The Madras Standard, 24 avril 1913 (article signé C. I. Peacock, écrit pour la défense de M. Leadbeater).
[20] Le Monde Occulte, pp. 332-335.
[21] El Liberal, de Madrid, 18 novembre 1913.
[22] Allusion à l’article des règlements que nous avons reproduit d’autre part, et qui interdit aux agents de la Société de prêcher comme tels une croyance religieuse particulière.
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Notes additionnelles de la seconde édition:
[A] Nityânanda est mort tout jeune, il y a quelques années déjà, sans avoir pu jouer aucun rôle actif dans les entreprises « messianiques » du théosophisme.
[B] Après être venu déjà à Paris en 1911 et 1914, Krishnamurti y revint en 1921, et, depuis lors, on l’y a revu encore à différentes reprises.
[C] M. Arundale est devenu, par la suite, directeur de l’enseignement de l’Etat d’Indore (Bulletin Théosophique, avril 1922) ; le Mahârâja d’Indore est d’ailleurs du nombre des princes hindous anglophiles dont nous parlons dans un autre chapitre (chapitre XXIX, 2ème §).
[D] La disparition d’Alcyone ne devait en réalité être que momentanée, comme on le verra dans la suite de ces notes ; il fallait seulement, avant de reparler de lui, qu’on eût eu le temps d’oublier les fâcheux incidents dont il avait été la cause involontaire. – En 1922, Krishnamurti fut nommé membre du Conseil général et du Comité exécutif de la Société Théosophique (Bulletin Théosophique, avril 1922).
[E] Le « retour aux enseignements de Mme Blavatsky » est le mot d’ordre de diverses organisations théosophistes dissidentes, parmi lesquelles il faut citer spécialement la United Lodge of Theosophists d’Amérique, dirigée par M. B. P. Wadia, qui fut un des membres les plus en vue de la Société Théosophique, et un de ceux sur lesquels on semblait compter le plus pour recueillir éventuellement la succession présidentielle de Mme Besant. Cette organisation a pour particularité de ne pas former une société proprement dite, car elle n’a « ni constitution, ni statuts, ni fonctionnaires » ; elle se déclare « fidèle aux grands fondateurs du mouvement théosophique », dont elle reproche à leurs successeurs d’avoir altéré l’enseignement. L’accusation de « déloyauté envers la théosophie » est formulée expressément par M. Wadia dans sa lettre de démission, datée du 18 juillet 1922, et dont voici quelques extraits : « Quel est ce banc de sable de la pensée, sur lequel a échoué la S.T. ? C’est celui d’un programme tout fait de progrès spirituel, qui est devenu un credo, avec ses sauveurs-initiés, son enfer éternel pour ceux qui auront manqué l’occasion, ses diables sous l’aspect de magiciens noirs jésuitiques, et le Jardin d’Eden qui, dans 750 ans, fleurira dans la Californie du Sud pour les fidèles qui obéissent et suivent, comme les soldats d’une armée fanatique, avec zèle sinon avec sagesse... Nous trouvons dans la S.T., d’une part d’invérifiables affirmations, et de l’autre une folle crédulité ; et même une sorte de « succession apostolique » est devenue article de foi dans la S.T., surtout grâce à l’organisation privée et secrète de l’E.S. » L’E.S., c’est la « section ésotérique » ou « Ecole orientale » (les mêmes initiales, en anglais, peuvent signifier à la fois Esoteric Section et Eastern School) ; quant au futur « Jardin d’Eden » de la Californie du Sud, c’est le berceau de la sixième race ; et la « succession apostolique » concerne l’épiscopat de l’« Eglise catholique libérale » (voir plus loin), à laquelle il va être fait des allusions plus explicites dans la suite de cette citation. « Qu’est ce qui est cause de ce naufrage, sinon les affirmations psychiques (c’est-à-dire les assertions des « clairvoyants »), la matérialisation des faits spirituels, la création de demi-dieux qui chassent les Dieux ?… Maintenant, il existe une « Eglise apostolique », avec tout son « ecclésiasticisme pernicieux » (expression de Mme Blavatsky), y compris la « succession apostolique » conférée par des Maîtres ! Aujourd’hui, les lieux d’adoration, avec leur prêtres et leurs officiants, leur rituel et leur cérémonial, sont encouragés comme étant théosophiques. On se sert des noms sacrés des Maîtres en toute occasion et à tout instant. On ne peut appartenir à « Leur Ecole » si l’on participe politiquement au mouvement de non-violence et de non-coopération du grand leader indien M. K. Gandhi ; « nul ne peut attaquer la L.C.C. (Liberal Catholic Church) et demeurer dans l’E.S. » ; les membres doivent choisir entre l’E.S. et la Ligue de Loyauté (fondée en Australie pour promouvoir le retour à l’esprit des fondateurs), ils ne peuvent demeurer dans les deux ». Pour faire partie de l’E.S., tous doivent croire en la prochaine venue d’un « Instructeur du Monde » ; il faut participer activement à certains mouvements parce qu’ils sont déclarés bénis par le Bodhisattwa ou le Christ. On publie des messages, des ordres et des instructions émanant « des Maîtres et des Dêvas », qui n’indiquent pas seulement les activités subsidiaires auxquelles doit se joindre un membre « loyal », mais qui concernent aussi le jeu des orgues, la façon dont les jeunes gens querelleurs devraient se comporter, comment il faut s’habiller et ce qu’il faut chanter pendant les rites co-maçonniques, et une douzaine d’autres sujets de ce genre. Ces ordres montrent une absence de tout sens des proportions, de toute intelligence éclairée et de tout bon sens. Obéir et suivre, suivre et obéir, tel est le mot d’ordre donné aux personnes auxquelles on inocule le virus de la folie psychique, que l’on décore du nom de théosophie. » – Il en est pourtant qui finissent par se lasser « d’obéir et de suivre » : outre la démission de M. Wadia, il y en eut, presque en même temps, bon nombre d’autres plus ou moins retentissantes. En octobre 1922, M. Georges Chevrier, secrétaire correspondant de l’E.S. en France, démissionnait de ces fonctions, tout en restant cependant membre de la Société Théosophique ; et, dans la circulaire qu’il adressait à cette occasion aux membres de l’E.S., il déclarait seulement qu’on lui avait ordonné « des choses contraires à sa conscience », sans préciser quelles étaient ces choses ; mais d’autres se sont expliqués plus nettement, ainsi qu’on le verra dans une des notes suivantes. M. T. H. Martyn, secrétaire général de la section australienne et secrétaire correspondant de l’E.S. en Australie, se retirait avec six cents membres de la Loge de Sydney dont il était président, et qu’il constituait aussitôt en organisme indépendant. D’autres branches entières se séparaient aussi ou menaçaient de se séparer, comme la Loge de Nottingham en Angleterre, la Midland Federation of British Lodges ; en France, la branche Agni de Nice, suivie par la branche Vajra de Roanne, et une partie de la branche du Havre, dont le président, M. Louis Revel, publiait, le 18 février 1923, une lettre ouverte aux membres de la Société Théosophique confirmant entièrement les déclarations de M. Wadia. De divers côtés, on accusait les dirigeants actuels d’avoir falsifié les ouvrages de Mme Blavatsky dans les nouvelles éditions préparées par leurs soins : d’après certaines revues américaines, organes des dissidents, la seule Doctrine Secrète ne comporterait pas moins de vingt-deux mille suppressions, additions et altérations diverses ; et M. Stokes a désigné expressément; comme le principal auteur de ces altérations, le trop fameux G. N. Chakravarti, qui, comme on la vu plus haut (chapitre XVII, 3ème §), fut longtemps l’« inspirateur » de Mme Besant. – Le « retour à Blavatsky » comme disent familièrement ses partisans, semble prendre actuellement une nouvelle extension : des groupes théosophistes indépendants, qui se proposent, « de reprendre les véritables directives imprimées par la première fondatrice, et de réhabiliter le nom de la Théosophie », viennent d’être fondés à Paris, 14, rue de l’Abbé-de-l’Epée, sous la direction de M. Louis Revel, à Bruxelles, sous celle de Mlle A. Pletinckx, et à Amsterdam, sous celle de MM. KIeefstra et Van der Velde.
[F] Depuis la première édition de ce livre, l’histoire du futur Messie est entrée dans une phase nouvelle : en décembre 1925, Mme Besant se décida tout à coup à proclamer solennellement sa venue imminente, avec une mise en scène des plus théâtrales ; elle le fit cependant, chose assez étrange, en des termes tels qu’on pouvait encore se demander si Krishnamurti était bien destiné à être le « véhicule » du Messie lui-même ou s’il ne devait être qu’un simple « précurseur ». Cette prudence s’explique lorsqu’on sait que, en dépit de l’éducation spéciale qui lui avait été donnée, Krishnamurti, qui était alors âgé d’environ trente ans, fit tous ses efforts pour se soustraire au rôle qu’on prétendait lui imposer ; il refusa même de paraître à la cérémonie de la proclamation ; mais, depuis lors, Mme Besant est parvenue à le reprendre entièrement sous son influence, .et elle a présenté cette résistance comme une « épreuve » qu’il avait dû subir, et qu’elle a même comparée à la tentation du Christ dans le désert ! Il paraît donc décidément admis que le Bodhisattwa doit se manifester par l’organe de Krishnamurti, qu’on appelle aussi maintenant Krishnajî, et on assure même qu’il a déjà parlé par sa bouche à plusieurs reprises. Il y avait encore une autre difficulté : à ce nouveau Messie, il fallait douze Apôtres ; or, à l’époque de la proclamation, on n’en avait encore trouvé que sept, et il semble qu’on ne soit pas parvenu jusqu’ici à en compléter le nombre. Ces sept « Apôtres » sont Mme Besant, M. Leadbeater, M. Jinarâjadâsa, M. et Mme Arundale, le Rév. Kollström, et enfin Mme de Manziarly, qu’on dit être l’une des candidates possibles à la succession de Mme Besant.
Ce chapitre est consacré au scandale survenu au cours de la jeunesse de Krishnamurti, au moment où il était présenté comme le nouveau sauveur de l'humanité par la Société Théosophique (il s'était fait donner à cette époque le nom d'Alcyone), et au milieu dans lequel il a grandi. Il ne s'est dissocié de la secte qu'en 1927, soit 16 ans après que la supercherie ait été mise au jour.
L'environnement dans lequel a grandi cette personne est fortement malsain, ce qui explique sûrement ses points de vue nihilistes, même s'ils sont peut-être le résultat d'une démarche honnête.
En tous cas, son progressisme et sa haine de tout ce qui ressemble de près ou de loin à un cadre traditionnel lui viennent directement de cette influence, ce n'est pas une opinion réfléchie, malgré toute l'importance qu'il donne au cerveau, organe du mental.
Le discours de Krishnamurti, assez prisé à l'heure actuelle, est typiquement une injonction à jeter le bébé avec l'eau du bain. La société théosophique l'aurait trompé, donc toutes les organisations, traditionnelles ou non, seraient bonnes à jeter. Ce serait déjà plus crédible s'il avait fait quelque effort pour dénoncer en quoi exactement la société théosophique était néfaste (le travail qu'a fait Guénon avec le Théosophisme par exemple), ayant été aux premières loges pour en témoigner, et s'il n'avait pas attendu, soit son discours de la Convention d'aôut 1927 (qui est sa première prise de distance publique avec la société), soit celui annonçant la dissolution de l'ordre en 1929, donc au moins 16 ans après 1911, date où la lumière a été publiquement faite sur cette supercherie.
Il est bon de rappeler que la société théosophique était entre autres une entreprise de subversion de la civilisation Hindoue par l'empire britannique. L'attaque contre l'Islam qui est faite aujourd'hui est du même tonneau que celle contre l'Hindouïsme à l'époque.
Voilà un autre extrait du Théosophisme, au sujet de la diabolisation des Hindous traditionnels et de la politique de déstabilisation par la remise en cause du statut des femmes, par la société théosophique et ses annexes, qui faisaient explicitement le jeu de l'empire britannique. Les Hindous qui ne collaboraient pas avec les dominateurs anglo-saxons étaient appelés des "extrémistes":
Ibid, chapitre XXIX - Rôle politique de la Société Théosophique a écrit:[...]
D’ailleurs, nous pouvons citer quelques textes qui, dans le même ordre d’idées, sont assez édifiants aussi : il y a une dizaine d’années, Mme Besant déclarait, dans une conférence faite à Lahore, « que l’invasion étrangère a souvent servi au développement, et que les Hindous doivent cesser de haïr les Anglais ». Cette déclaration est à rapprocher d’un document un peu plus récent, le serment que doivent prêter les « Frères du Service », c’est-à-dire les adhérents d’une branche de l’« Ordre de Service de la Société Théosophique » qui fut organisée dans l’Inde, vers 1913, « parmi les membres les plus dévoués de la Société », soi-disant « pour faire entrer la Théosophie dans la pratique de la vie, et pour associer la Théosophie à la solution des réformes sociales ». Voici le texte de ce serment, dont le début ne laisse place à aucune équivoque : « Estimant que l’intérêt primordial de l’Inde est de se développer librement sous le pavillon britannique, de s’affranchir de toute coutume qui puisse nuire à l’union de tous les habitants, et de rendre à l’Hindouïsme un peu de flexibilité sociale et de fraternisme vécu, je promets : 1° de ne tenir aucun compte des différences de caste ; 2° de ne pas marier mes fils tant qu’ils sont mineurs, ni mes filles avant qu’elles aient atteint leur dix-septième année ; 3° de donner l’instruction à ma femme et à mes filles, ainsi qu’aux autres femmes de ma famille, autant qu’elles s’y prêteront ; d’encourager l’instruction des filles et de m’opposer à la réclusion de la femme ; 4° d’encourager l’instruction du peuple autant que cela me sera possible ; 5° de ne tenir aucun compte, dans la vie sociale et politique, des différences de couleur et de race ; de faire ce que je pourrai pour favoriser l’entrée libre des races de couleur dans tous les pays, sur le même pied que les émigrants blancs ; 6° de combattre activement tout ostracisme social en ce qui concerne les veuves qui se remarient ; 7° d’encourager l’union des travailleurs dans tous les domaines de progrès spirituel, éducatif, social et politique, sous la direction du Congrès National Hindou »[1]. Ce prétendu « Congrès National Hindou », il est bon de le dire, fut créé par l’administration anglaise avec la coopération des théosophistes, si ce n’est même sous leur inspiration, et cela du vivant de Mme Blavatsky : celle-ci a écrit que ce Congrès était « un corps politique avec lequel notre Société n’a rien à faire, quoiqu’il fût organisé par nos membres, indiens et anglo-indiens » ; mais, dans le même article, elle ajoutait un peu plus loin : « Lorsque l’agitation politique commença, le Congrès National convoqué fut modelé d’après notre plan, et conduit principalement par nos membres qui avaient servi comme délégués à notre Convention »[2]. Jusqu’à ces derniers temps, ce Congrès est demeuré presque entièrement soumis à l’influence de Mme Besant ; son but véritable était d’endiguer les aspirations à l’autonomie, en leur donnant un semblant de satisfaction, d’ailleurs à peu près complètement illusoire ; le projet de « Home Rule » irlandais (et l’on sait comment il est accueilli) procède exactement de la même politique, qu’on essaie aussi d’appliquer à l’Egypte. Pour en revenir aux « Frères du Service », ce n’est pas une institution comme celle-là qui serait susceptible de donner au théosophisme, même si la chose était possible, un peu de prestige aux yeux des vrais Hindous ; ceux-ci ne sont guère portés à croire à toutes ces billevesées de « progrès » et de « fraternisme », non plus qu’aux bienfaits de l’« instruction obligatoire », ils se soucient fort peu de faire de leurs femmes et de leurs filles des « suffragettes » (c’est le but avoué des Loges « co-maçonniques » dans l’Inde aussi bien qu’en Europe et en Amérique), et ils ne consentiront jamais à se laisser persuader, sous prétexte d’« assimilation » à leurs dominateurs étrangers, de fouler aux pieds leurs coutumes les plus sacrées : l’engagement « de ne tenir aucun compte des différences de caste » équivaut, pour un Hindou, à une véritable abjuration.
Mais il y a mieux encore, et, au procès de Madras, Mme Besant, pour impressionner favorablement les juges, ne craignit pas de faire étalage de quelques-uns au moins des services qu’elle avait rendus au gouvernement, en prétendant qu’il fallait y voir le véritable motif de la campagne dirigée contre elle. Dans le mémoire qu’elle déposa pour sa défense, nous lisons ce qui suit : « La défenderesse expose que cette instance a été entreprise pour des motifs politiques et une malveillance personnelle à l’effet de porter atteinte à la défenderesse, en vertu d’un complot élaboré pour détruire sa vie ou sa réputation, parce qu’elle avait retenu la population studieuse de l’Inde de participer aux complots des « Extrémistes » et s’est efforcée de leur inspirer le loyalisme à l’Empire. Depuis qu’elle est intervenue pour mettre fin aux exercices de garçons faits en secret et au rassemblement d’armes dans le Mahârâshtra, pendant la vice-royauté de Lord Curzon, elle a été considérée comme un obstacle à toute propagande de violence parmi les étudiants et sa vie même a été menacée à la fois aux Indes et en Europe… La défenderesse demande que ces jeunes gens (ses deux pupilles) soient protégés par la Cour contre ce renouvellement d’influences qui les feraient haïr les Anglais, au lieu de les aimer et de leur être dévoués comme ils le sont aujourd’hui, et qui en feraient de mauvais citoyens »[3]. D’autre part, voici le début d’un exposé des causes du procès, rédigé par M. Arundale : « On ne saurait comprendre le procès intenté contre Mme Besant si on le considère comme étant un fait isolé, au lieu de le considérer comme faisant partie d’un mouvement commencé depuis longtemps et ayant pour but de détruire l’influence qu’elle exerce sur la jeunesse dans l’Inde, car cette influence, elle l’a toujours exercée pour empêcher la jeunesse de prendre part à toute violence politique et pour empêcher les jeunes gens de s’affilier aux nombreuses sociétés secrètes qui actuellement constituent le véritable danger dans l’Inde. La campagne contre Mme Besant avait été commencée par le fameux Krishnavarma, qui dans son journal conseillait de l’assassiner, car il la considérait comme le plus grand obstacle pour le parti extrémiste[4]. Les attaques de M. Tilak dans l’Inde, sans aller jusqu’à conseiller d’assassiner Mme Besant, avaient pour but de détruire son influence sur les jeunes Hindous. Le mouvement extrémiste avait à sa tête des hommes d’une orthodoxie stricte, tels que les deux leaders principaux, Arabindo Ghosh et Tilak. M. Ghosh se trouve actuellement dans l’Inde française et M. Tilak est en prison. Les journaux de M. Tilak ont néanmoins continué leurs attaques contre Mme Besant, et dans Madras même le Hindu y a collaboré tant qu’il a pu »[5]. Et voici encore la conclusion du même exposé : « Quelle que soit l’issue de ce procès, il n’y a aucun doute que si le complot contre Mme Besant réussit à détruire son influence dans l’Inde, l’un des principaux facteurs de rapprochement entre l’Angleterre et l’Inde aura disparu »[6].
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[1] Nous empruntons ce texte au Bulletin Théosophique de décembre 1913.
[2] Lotus Bleu, 7 octobre 1890, pp. 235 et 236.
[3] Le procès de Madras, pp. 46-47.
[4] Dans une lettre datée du 15 septembre 1913, Mme Besant dut reconnaître que le parti « extrémiste » n’avait jamais encouragé aucun assassinat, et aussi que Mme Tingley (la continuatrice de Judge), qu’elle avait accusée de fournir de l’argent à ses adversaires, « ne s’était jamais mêlée de la politique de l’Inde ».
[5] Ibid., pp. 7-8.
[6] Ibid., p. 13.
Krishnamurti a lui-même reçu son éducation en Angleterre. Au moment où son père a voulu qu'il revienne en Inde, ayant à un moment réalisé ce qui se tramait, Krishnamurti a personnellement refusé, préférant rester à Oxford (voir plus haut), ce qui exclut une contrainte physique de la part de Annie Besant, et donne une bonne idée sur son formatage occidental et son rejet précoce de tout ce qui pouvait ressembler à quelque chose de traditionnel, loin de la libre pensée qu'on veut lui attribuer par ses prises de positions tardives.
Est-ce que c'est parce que Krishnamurti s'est au bout d'un moment opposé à la Société Théosophique qu'il a forcément la bonne position? Bien sûr que non, c'est le propre des postures modernes, où tout le monde se définit par sa façon de s'opposer aux autres, sans aucune valeur ajoutée, ce chaos donnant globalement une résultante nulle.
Maintenant quel est le discours de Krishnamurti? C'est une injonction à l'individualisme, c'est le rejet de toute connaissance non personnelle. Dans son discours de dissolution de l'ordre de l'Etoile, qu'on peut lire ici:
Au lieu de montrer à l'individu la voie vers le supra-humain, il place cet individu au centre du monde:
Tout ceci est bien enrobé de déclarations oiseuses, d'une égale platitude qui se veut masquée par l'artifice du paradoxe:
Une réduction systématique de l'homme au corporel, il parle tout le temps de "cerveau":
Voilà ce que dit René Guénon du Krishnamurti tardif, dans les comptes rendus de livres regroupés à la fin du Théosophisme: