Pour bien saisir les enjeux, il faut considérer l'Histoire du monde comme une perpétuelle lutte mages blancs et mages noirs. Lutte totale ayant tous les terrains de combat possibles. C'est, en effet, à très haut niveau que ce joue tout. Bien entendu, cette réalité échappe à la masse grise, ni bonne ni mauvaise, terriblement influençable et les mouvements vaguement occultistes qui fleurissent ça et là ne sont pas concernés par le présent sujet.
Un point central de l'histoire de ces loges dans l'histoire moderne est la mise à mort par l'Eglise catholique du Catharisme et, peu après, des Templiers. C'est deux mouvements furent les dépositaires d'un occultisme blanc bien en contradiction avec les enseignements de Rome, en particulier sur le thème central de la Réincarnation...
D'un côté, la sève spirituelle découlant de la clairvoyance, de l'autre le froid dogme.
Je vous propose donc un aperçu de la doctrine Cathare car elle est en lien avec ce qui deviendra la Franc-Maçonnerie.
Le Catharisme
« Nos sabem que em de Deu
e totz le mons es pausatz en malignitat *»
Il est peu d’endroits de notre terre européenne qui se revête d’une aura plus héroïque et tragique que Montségur, cette citadelle du vertige campée sur son pic en terre d’oc et qui défia si longtemps la toute-puissance des papes et de leurs armées ; de leur terrible Inquisition aussi. On ne saurait évoquer ce nom sans évoquer du même coup la tragédie qui l’inscrivit à jamais dans l’Histoire : l’épopée de la Croisade et de ce qui en fut l’âme, le Catharisme.
Beaucoup d’entre nous connaissent, en effet, au moins l’essentiel, de ce que fut l’atroce "croisade" et la trace sanglante qu’elle laissa sur l’Occitanie, mais bien peu
cependant se font une idée claire de ce qui la motiva : une tradition religieuse enracinée à la source même du christianisme originel, en dénégation radicale de ce que prétendait être, depuis sept siècles, l’Eglise de Rome.
Contrairement à ce que pensent aujourd’hui beaucoup de nos amis, la "Croisade" contre les Cathares ne fut pas une simple entreprise de spoliation militaire hypocritement fondée sur un vague prétexte d’hérésie dogmatique, mais bien, au contraire, la réaction brutale et féroce d’une Eglise parée des oripeaux du vieil Empire constantinien, face à une conception spirituelle remettant de fond en comble en question sa puissance temporelle et son hégémonie sur les âmes. Réaction par le fer et par le feu d’une autorité toute matérialiste donc, entièrement fondée sur l’ancien droit romain face à une société occitane en pleine régénération spirituelle sous l’influence d’une tradition remontant aux sources mêmes du christianisme ésotérique.
LE CHRISTIANISME ESOTERIQUE
Qu’est-ce que ce christianisme ésotérique, cette force spirituelle suffisamment invincible, jusque chez les humbles, pour que l’Eglise de Rome n’ait eu d’autres moyens de l’extirper que par la terreur, le massacre et les supplices ? Le simple fait de poser cette question terrible illustre déjà le fait que l’Eglise de Rome usurpait, depuis des siècles, sa qualité de chrétienne. Nos jeunes (et moins jeunes) "Païens" si enragés contre les "Chrétiens" feraient bien d’y réfléchir.
On a raconté beaucoup d’âneries sur le catharisme et, en premier lieu, les Catholiques. Le mot en lui-même, du grec katharos, enferme l’idée de pureté, de purification, condition préalable et sine qua non de l’antique initiation païenne autrefois, de cette si mystérieuse initiation dont on n’a plus aucune idée de nos jours, et qui fut pourtant le fondement, la source, partout de par le monde, du paganisme ancien véritable. Car l’Initiation, n’en déplaise à nos bons ecclésiastiques, ne fut, en aucune manière, une spécificité païenne ; les premiers Chrétiens la pratiquèrent couramment depuis celle de Lazare-Jean par le Christ Lui-même ; mais cela nous entraînerait trop loin... La place nous étant limitée, je vais donc ici "couper à travers champs", si je puis dire.
Au XIIème siècle, lorsqu’un théologien catholique, docteur ou non, souhaitait éclaircir un point de doctrine, il commençait par se référer « aux Ecritures », qu’il disséquait en subtiles analyses – qu’on songe aux querelles byzantines sur le sexe des anges ! – on réunissait ensuite colloques ou conciliabules, et l’on votait enfin la bonne réponse à la majorité ; la vérité, comme vous le savez, se trouvant toujours dans le plus grand nombre...
Le Cathare confirmé, lui, ne procédait pas ainsi. Il ne lui serait jamais venu à l’esprit de rechercher une vérité spirituelle, en premier lieu dans des livres ou par des "raisonnements", si subtils fussent-ils, mais directement à sa source, c’est-à-dire dans le monde spirituel lui-même, dans la réalité suprasensible elle-même et ce, par le moyen de ce qu’on appelait, en ce temps-là, chez eux, le Consolament, autrement dit la révélation clairvoyante directe des faits recherchés, par purification morale et imposition des mains en vue de l’éveil intérieur. En fait, ce que toute l’Antiquité païenne désigna toujours sous le nom d’"Initiation", ni plus ni moins. Vous avez là, en raccourci l’essentiel de ce qui différenciait l’Eglise romaine, temporelle, exotérique, de l’Eglise spirituelle, ésotérique, des Cathares. Celle-ci platonicienne, et celle-là aristotélicienne, tirant sa référence de St Augustin, ancien auditeur manichéen dépité de n’avoir jamais été jugé digne d’être initié.
SOUS LE SIGNE DU GRAAL
Il convient donc d’énoncer maintenant brièvement, sans langue de bois, ce qu’était l’Initiation justement : l’évolution progressive et secrète de l’être intérieur en vue d’établir une relation consciente avec le monde spirituel, et ce par le développement méthodique des facultés de perception supra-sensorielles de l’Homme. Voilà, clairement défini, ce qu’on entendait, en ce temps-là, par Initiation : ce qu’on appelait, à l’origine, chez les premiers chrétiens, la disciplina arcani, les "mystères" chrétiens – les vrais – dans la droite ligne de ceux d’Eleusis ou d’Ephèse, si vous voulez, pas ces creuses postulations dogmatiques ex cathedra que Rome affubla plus tard de ce nom pour tenter de faire pièce à tout ce qui pouvait, de près ou de loin, se rattacher à l’ancienne Gnose objet de toutes ses malédictions.
Profane et jaloux de son emprise sur les âmes, le clergé romain ne pouvait accepter que des individus libres pussent se relier (lat. religere / religio) au monde spirituel indépendamment de sa toute puissante autorité, et puiser ainsi à sa source une Connaissance Spirituelle – ou Gnose – en contradiction souvent profonde avec sa propre dogmatique – à commencer par l’enseignement de la réincarnation que professèrent pourtant longtemps sans états d’âme plusieurs d’entre les plus éminents Pères de l’Eglise (en fait jusqu’en 553). C’était, pour ce clergé ambitieux, cupide et tout préoccupé de puissance temporelle, tout simplement inacceptable. Il fallut rien moins que cinq croisades pour extirper cette vieille sagesse.
En quoi consistait-elle ? Nous l’avons dit : avant tout, en une expérience spirituelle directe de la présence divine dans l’aura de la terre, mais aussi, surtout, de ce qui avait changé dans cette réalité spirituelle par rapport aux anciens mystères du fait de l’Incarnation de l’entité solaire du Christ à l’aube de notre ère.
C’est cette expérience du Logos intérieurement vécue jadis par Paul sur le chemin de Damas que renouvelait, à des degrés divers le Consolament cathare. Et c’est cette transmission initiatique directe, ininterrompue, qui devait se répandre ensuite, par Denis l’Aréopagite jusqu’à St. Clément d’Alexandrie et Origène, d’une part, et, par Mani surtout, jusqu’à l’autre bout du Turkestan chinois, d’autre part. Ce fut là, mille ans plus tard, via les Albanais du Caucase et les Bogomiles des Balkans, ce qu’héritèrent ces Cathares albigeois pour qui la mort dans le feu parut toujours infiniment préférable à l’eau bénite des pharisiens mitrés de Rome. Un secret qu’il fallut enfouir, mille ans durant, sous le symbole du Saint Graal et du Sang.
Ce qu’il faut bien comprendre dans le catharisme, c’est qu’il fut une résurgence pleine de sève du christianisme ésotérique originel en radicale opposition avec le catholicisme, un christianisme initiatique par conséquent, et comme tel rigoureusement fondé sur une tripartition en trois ordres humains selon le corps, l’âme et l’esprit : les croyants, les auditeurs et les initiés proprement dits – hommes ou femmes – les parfaits ou bons-hommes. De ces trois catégories de l’Eglise cathare, seuls ces derniers, disons le tout de suite, faisaient vœu de chasteté, tout autre membre de l’Eglise étant libre de s’unir à une femme et de fonder une famille qu’aucun sacrement du mariage ne vint jamais "sanctifier". Le véritable « mariage » étant, en l’occurrence, l’union consciente de l’âme avec sa propre « forme de Lumière » (ou hiérogamie), autrement dit le « deux en une seule chair », au sens propre du terme, de l’ancienne Initiation païenne (ce que les Nordiques désignèrent notamment comme l’union, post mortem ou non, de l’âme avec sa Valkyrie).
LA LOI DES REINCARNATIONS
Brosser un aperçu, même sommaire, de cette grandiose Weltanschauung dépasserait largement le cadre de ce bref article. On peut cependant, sans la trahir, en citer les points essentiels :
- Un seul Dieu génère – non pas le monde physique – mais le Plérome spirituel des Neuf Hiérarchies divines, la 10ème, en gestation, étant l’Homme, à l’origine cosmique.
- Un double Principe entraîne l’évolution des êtres : celui du Bien, le Christ solaire, et celui du Mal, Satan (Ahrimane). Ce dernier crée le monde physique « avec la permission de Dieu » et y enferme les âmes humaines séduites par Lucifer « dans des tuniques de peau », c’est-à-dire dans des corps de chair mâles et femelles, morcelant ainsi le Grand Homme cosmique, Adam (l’Ymir nordique), en une multitude d’âmes individuelles désormais confrontées à l’erreur et au mal, certes – mais, de ce fait, aptes à le vaincre en développant petit à petit leurs propres forces de conscience et d’amour envers l’univers. (Il n’y a donc pas "péché originel" au sens catholique du terme, mais épreuve du feu si l’on peut dire, Dieu ne pouvant pas ne pas avoir prévu que la créature humaine encore innocente ne pourrait, tout d’abord, que succomber à la force séductrice d’une entité aussi supérieure à elle que Lucifer).
- La purification s’effectue dès lors, d’une part selon ce que la sagesse aryenne désigne comme la loi du Karma, au fil de multiples incarnations alternativement féminines et masculines, et, d’autre part, en s’unissant progressivement au corps de vie du Christ en vue de reconstituer le « second Adam », c’est-à-dire, en définitive, en vue d’achever la création de la dixième Hiérarchie. L’Homme devenant alors, en quelque sorte, co-rédempteur de la Nature entière.
Voilà ce que l’on peut dire ici, très partiellement, de cette religion cathare qui fit trembler Rome, et qui prolongeait, en fait, sans solution de continuité, l’ancienne sagesse païenne et notamment celle de Zarathoustra (le vrai, pas celui de Nietzsche). Ce Zarathoustra perse annonçant, dans le 19ème yasht du Zend Avesta, l’Incarnation de Celui « qui descendra sur le Sauveur victorieux et sur ses apôtres quand viendra le vivant Triomphateur de la Mort » ; ce qui devait s’accomplir pour les Manichéens cathares, non à la naissance de Jésus comme l’enseignent les Catholiques, mais lors du baptême dans le Jourdain, trente années plus tard, à l’endroit le plus bas de la terre, au plus profond de l’empire minéral du "Prince de ce monde".
Telle fut, pour l’essentiel, cette religion qui restera probablement la plus persécutée de toute l’Histoire – non point parce qu’elle bouleversait l’ordre féodal établi (les Cathares ne possédaient rien, ni n’ambitionnèrent jamais quelque pouvoir politique que ce soit, ce qui leur acquit justement, d’ailleurs, la bienveillance des autorités civiles) – mais bien parce que leurs mœurs pures et leur désintéressement juraient par trop avec l’arrogance et la corruption du clergé de Rome dont tout le peuple – y compris les nobles et les soldats – se détournait en masse ; à la grande fureur de la Papauté et de ses acolytes. La « Sainte » Inquisition y mit rapidement – avec l’obligeant concours du bras séculier – bon ordre. Par la torche et le glaive. Vous connaissez la suite.
W. Helm
* « Nous savons que nous sommes d’origine divine et que le monde entier est au pouvoir du Malin ». (I Epitre de Jean, 5, 19)