Rue89 fait état d'une nouvelle forme d'action révolutionnaire baptisée "l'autoréduction", qui se manifeste dans des lieux, disons inattendus, puisque c'est aux heures d'ouverture du Monoprix qu'a désormais lieu le Grand Soir.
La rédaction de Rue89 m'a contacté pour me demander l'avis du juriste sur ces opérations. Le bon sens voudrait qu'elles fussent illégales, mais la police, qui a assisté à ces faits, n'est pas intervenue. Et la rhétorique des personnes concernées utilise des termes comme "réduction", "réquisition", affublés toutefois du préfixe auto-, qui veulent exclure toute illégalité.
Voici une excellente occasion de faire du droit sous a forme la plus pure: l'essence du travail de juriste consiste à qualifier, c'est à dire prendre un fait, une situation, et l'analyser sous l'angle juridique pour trouver la qualification adéquate.
Ensuite, il ne reste plus qu'à y appliquer les règles de droit en vigueur. N'oubliez pas: le vide juridique n'existe pas. Le droit est partout. Vous êtes cerné. Toute résistance est inutile.
Ce travail est essentiellement celui du juge, qui dit le droit, mais, en droit pénal, celui qui va retenir notre attention, c'est aussi celui du parquet que de proposer une qualification, et de l'avocat de la réfuter pour en proposer une plus conforme, sinon au droit, du moins aux intérêts de son client. Au juge de trancher.
Voyons tout d'abord les faits. L'ironie n'est pas nécessaire à l'analyse, c'est juste une coquetterie de l'auteur.
¡ Hasta los delicatesssen, siempre!
Ainsi donc, nos révolutionnaires des supermarchés ont le mode opératoire suivant: ils se rendent en nombre dans un magasin, remplissent des chariots de produits de première nécessité comme du saumon fumé et du foie gras (il y a certes aussi de l'huile et des pâtes), et, une fois aux caisses, ils refusent de payer, invoquant cet argument définitif (les italiques sont de moi):
"C'est une autoréquisition qui est juste en ces temps de crise et qui permet aux précaires de fêter aussi le Nouvel An dignement."
Je retiens de prime abord que les Che Guevara de l'épicerie fine reconnaissent implicitement qu'en dehors des temps de crise, leur action est injuste, et constate avec effroi que vu mon menu de réveillon, je n'ai pas fêté le Nouvel An dignement selon leurs critères.
L'attroupement crée du désordre, bloque les caisses, ce qui entraîne un manque à gagner immédiat (les clients préférant renoncer à leurs courses et aller voir ailleurs si la révolution y est) jusqu'à ce que la direction du magasin cède et les autorise à partir avec ces produits. Comme le disent eux-même les Picaros des pique-assiettes, cités par Rue89 (je graisse):
"Treize chariots pleins sont sortis du magasin après des négociations tendues avec une direction qui a logiquement choisi de ne pas prolonger le blocage des caisses (perte de chiffre d'affaires) ou prendre le risque d'une intervention policière dans les rayons."
Cette phrase, issue d'un communiqué rédigée par les auteurs de cette action, nous sera précieuse le moment venu.
Chaussons à présent les lunettes du juriste et tentons de qualifier les faits.
Les violences physiques ayant été évitées (même si, et ça aura son importance, des témoins rapportent que des bousculades ont eu lieu: il y a eu instauration à tout le moins d'un rapport de force), et n'étant en tout état de cause pas l'objet premier de cette opération, si délit il y a eu, c'est donc donc une atteinte aux biens. Mais quelle atteinte?
...
source : http://www.rue89.com/explicateur/2009/01/04/lautoreduction-ni-vol-ni-escroquerie-plutot-une-extorsion
La rédaction de Rue89 m'a contacté pour me demander l'avis du juriste sur ces opérations. Le bon sens voudrait qu'elles fussent illégales, mais la police, qui a assisté à ces faits, n'est pas intervenue. Et la rhétorique des personnes concernées utilise des termes comme "réduction", "réquisition", affublés toutefois du préfixe auto-, qui veulent exclure toute illégalité.
Voici une excellente occasion de faire du droit sous a forme la plus pure: l'essence du travail de juriste consiste à qualifier, c'est à dire prendre un fait, une situation, et l'analyser sous l'angle juridique pour trouver la qualification adéquate.
Ensuite, il ne reste plus qu'à y appliquer les règles de droit en vigueur. N'oubliez pas: le vide juridique n'existe pas. Le droit est partout. Vous êtes cerné. Toute résistance est inutile.
Ce travail est essentiellement celui du juge, qui dit le droit, mais, en droit pénal, celui qui va retenir notre attention, c'est aussi celui du parquet que de proposer une qualification, et de l'avocat de la réfuter pour en proposer une plus conforme, sinon au droit, du moins aux intérêts de son client. Au juge de trancher.
Voyons tout d'abord les faits. L'ironie n'est pas nécessaire à l'analyse, c'est juste une coquetterie de l'auteur.
¡ Hasta los delicatesssen, siempre!
Ainsi donc, nos révolutionnaires des supermarchés ont le mode opératoire suivant: ils se rendent en nombre dans un magasin, remplissent des chariots de produits de première nécessité comme du saumon fumé et du foie gras (il y a certes aussi de l'huile et des pâtes), et, une fois aux caisses, ils refusent de payer, invoquant cet argument définitif (les italiques sont de moi):
"C'est une autoréquisition qui est juste en ces temps de crise et qui permet aux précaires de fêter aussi le Nouvel An dignement."
Je retiens de prime abord que les Che Guevara de l'épicerie fine reconnaissent implicitement qu'en dehors des temps de crise, leur action est injuste, et constate avec effroi que vu mon menu de réveillon, je n'ai pas fêté le Nouvel An dignement selon leurs critères.
L'attroupement crée du désordre, bloque les caisses, ce qui entraîne un manque à gagner immédiat (les clients préférant renoncer à leurs courses et aller voir ailleurs si la révolution y est) jusqu'à ce que la direction du magasin cède et les autorise à partir avec ces produits. Comme le disent eux-même les Picaros des pique-assiettes, cités par Rue89 (je graisse):
"Treize chariots pleins sont sortis du magasin après des négociations tendues avec une direction qui a logiquement choisi de ne pas prolonger le blocage des caisses (perte de chiffre d'affaires) ou prendre le risque d'une intervention policière dans les rayons."
Cette phrase, issue d'un communiqué rédigée par les auteurs de cette action, nous sera précieuse le moment venu.
Chaussons à présent les lunettes du juriste et tentons de qualifier les faits.
Les violences physiques ayant été évitées (même si, et ça aura son importance, des témoins rapportent que des bousculades ont eu lieu: il y a eu instauration à tout le moins d'un rapport de force), et n'étant en tout état de cause pas l'objet premier de cette opération, si délit il y a eu, c'est donc donc une atteinte aux biens. Mais quelle atteinte?
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source : http://www.rue89.com/explicateur/2009/01/04/lautoreduction-ni-vol-ni-escroquerie-plutot-une-extorsion