L’hiver de Kondratieff
Kondratieff était un économiste russe des années 1920, il s’est intéressé aux cycles longs de la bourse. Pour lui, un cycle se décomposait en quatre saisons. En ces temps de crise, nous pourrions bien être en train d’entrer dans la dernière partie de ce cycle, l’HIVER.
Une interview de Ian Gordon (Vice President of Bolder Investment Partners Inc) réalisait en 2002 et traduite en français, nous présentait le problème.
JIM: A propos de votre bulletin, «The Long Wave Analyst», j’ai pensé que vous pourriez expliquer qui était Kondratieff, puisque beaucoup de votre travail est basé sur sa théorie des cycles économiques.
IAN: Kondratieff était un des principaux économistes russes des années 1920. Il a entrepris une étude fondamentale du capitalisme, dans laquelle il a formulé que l’économie fonctionne pendant de longs cycles d’expansion et de contraction. Chaque cycle a une durée approximative de 50 à 60 ans. Il a remonté en arrière, vraiment, jusqu’à l’aube de la révolution industrielle, aux environs de 1789, en examinant des questions comme le mouvement du capital, les prix et les mouvements de commerce international.
JIM : Maintenant, dans ce cycle de Kondratieff il y a quatre saisons, comme nous avons les quatre saisons de la nature. En fait, dans votre bulletin, vous citez W. D. Gann qui disait «Les quatre saisons de l’année nous enseignent qu’il y a un temps pour la récolte, un temps pour les semailles et un temps où nous ne pouvons pas renverser l’ordre naturel des choses.» Expliquez ces cycles.
IAN: En réalité, tout ce que j’ai fait, de même que d’autres auteurs s’intéressant à KONDRATIEFF, est de subdiviser le cycle en quatre saisons ou périodes, ce qui me semble le plus à-propos. Le Printemps étant la renaissance de l’économie. L’ Été étant la période où l’économie s’épanouit vraiment et où vous obtenez l’inflation. L’ automne étant une période où les gens se sentent biens, quoique l’hiver se trouve juste devant eux. Vous avez toujours ces jours d’été indien et ainsi de suite. Puis l’hiver étant le moment où l’économie dort, c’est aussi la saison où la dette est rincée de l’économie de sorte que cette économie puisse commencer à se régénérer avec le printemps.
JIM: Joseph Schumpeter, l’économiste autrichien, a dit que la vague de Kondratieff est l’outil le plus important et le plus simple dans la pronostication économique. Où en sommes-nous maintenant, à votre avis, en termes de ces quatre saisons?
IAN: Je ne pense pas qu’il y ait de doute que nous soyons maintenant en hiver. Nous sommes dans la période où la dette est nettoyée de l’économie, de telle sorte, comme je viens de le dire que l’économie puisse être renouvelée avec peu de dette dans le système. La période d’hiver commence au moment de la crête dans les cours des actions à la fin de l’automne. Nous savons à coup sur que nous entrons en période d’automne au moment où nous avons le départ d’un des plus grands marchés haussiers de notre vie, de même que probablement le plus grand marché haussier des Obligations et de l’immobilier. — parce que quatre évènements prédisent ces grands marchés haussiers d’automne. Ces quatre évènements se sont produits entre 1980 et 1982. C’était la crête dans les cours des matières premières, la crête dans les taux d’intérêt, la récession et le Bear Market (marché baissier) des actions. Je pense que beaucoup d’entre nous se rappellent le Bear Market 1981-82. Vous vous rappelez probablement aussi la crête dans les prix des matières en 1980 et la crête dans les taux d’intérêt en 1981. Ces mêmes quatre évènements se sont produits entre 1920 et 1921 et pareillement ils se sont produits en 1864 et encore en 1816. Quand ces quatre évènements viennent ensemble, et cela se produit seulement une fois par cycle, nous savons que nous allons entrer dans un grand marché haussier, le plus grand de notre vie. Et quand ce marché haussier atteint son plus haut, nous savons que maintenant c’en est la fin et que nous entrons en hiver. Normalement le plus haut du marché haussier des actions est signalé par un crash comme celui qui avait eu lieu en 1929. Nous avons eu la crête en septembre puis fin octobre 1929 nous avons eu le crash. Cette fois-ci nous n’avons pas eu de crash à proprement parler, parce qu’un crash est provoqué par la panique, une panique émotive, et nous n’avons pas vu cela encore. Bien que, je pense, nous ne sommes pas loin de voir cela maintenant.
JIM: Parlons d’une partie des éléments soutenant la longue vague de Kondratieff, qui sont essentiellement les vagues de l’inflation du crédit et de la déflation du crédit. Je me demande si vous pourriez discuter le rôle qu’ont joué l’inflation et la déflation du crédit dans ce cycle, dans ce genre de cycle de gonflement et d’éclatement que nous traversons.
IAN: Bien, quand le cycle de Kondratieff commence (et notre cycle actuel a commencé en 1949 avec le début du printemps), la dette a été nettoyée de l’économie pendant l’hiver précédent. Les gens étaient très, très circonspects. Ils redoutaient que la dépression ne revienne. Tout était payé comptant. Mais, pendant que l’économie commence à regagner une certaine force, car le Printemps progresse, certains commencent à emprunter l’argent pour leurs achats principaux comme le logement, mais ce sont les sociétés principalement qui empruntent pour se développer et répondre à la demande. Pendant l’été, les emprunts s’accélèrent, au fur et à mesure que la confiance croît. Les sociétés s’endettent tout à fait lourdement pour développer leurs entreprises. De cette sorte, l’emprunt est destiné à ce que j’appelle une cause valable, parce qu’il va développer le secteur des biens d’équipement de l’économie. Quand la récession frappe à la fin de l’été et que les taux d’intérêt montent en flèche, la FED prend peur soudain de la situation, et commence à réduire les taux d’intérêt, tout à fait nettement, et injecte des liquidités dans le système bancaire dans un effort de rétablir l’économie. Ce qui se produit alors est que la plupart des sociétés ont déjà emprunté tout au long de l’Eté, elles n’ont plus réellement besoin de grands emprunts ; aussi le gros des emprunts est fait par les consommateurs. Puisque les banques ont tout cet argent, il faut bien le mettre à la disposition de quelqu’un : elles le rendent disponible au consommateur. Les consommateurs commencent à emprunter tout à fait lourdement. Comme ils ont les emprunts à disposition, ils ont l’argent supplémentaire avec lequel faire des achats et du coup l’économie commence à repartir, et, naturellement, le marché des actions augmente avec l’économie. Ainsi les consommateurs assez tôt au cours de l’expansion commencent à placer de l’argent dans le marché des actions et vous obtenez la croissance de l’industrie des fonds commun de placement mutualiste et ainsi de suite, les marchés grandissant et attirant toujours plus d’argent des investisseurs et l’économie continuant à se développer. Les gens commencent à devenir riches en conséquence, et par la suite le système entier devient complètement écrasé par la quantité de dette, et cela se produit bien à la fin de la période d’automne. Les ETATS-UNIS ont maintenant, pour l’ensemble des gouvernements, sociétés et ménages, 32 mille milliards de dollars de dettes. La majeure partie de cet argent va devoir être nettoyée de l’économie pendant l’hiver. Une fois le maximum de la dette atteint à la fin de l’Automne, cette dette se doit d’être éliminée de l’économie pendant l’hiver – Nous sommes probablement depuis 2 ans 1/2 dans l’hiver maintenant. La dette est nettoyée comme nous pouvons voir, par des faillites de sociétés. Nous venons juste d’en voir la plus grande dans l’histoire des ETATS-UNIS avec Worldcom. Avant Worldcom, la plus grande faillite était Enron à mon avis. Ainsi nous commençons à voir quelques très grandes faillites dues à l’endettement, ces dettes étant extraites hors de l’économie. En même temps, les consommateurs, aussi, commencent à se déclarer en faillite personnelle dans des chiffres record. Ainsi, nous avons commencé le processus de nettoyage de la dette.
JIM: Dans ce cycle nous avons certainement vu de grandes faillites avec Enron, Worldcom, Global Crossing, Kmart, Polaroïd. Comment expliqueriez-vous la hausse de l’immobilier aux USA ? Puisque, certainement, le modèle du consommateur a tenu le coup car les consommateurs ont pu refinancer leur dette et dégager des capitaux propres grâce à la revente de leurs maisons. Un bon nombre de gens croient que ce cycle de l’immobilier va continuer pendant une longue période, du moment que les gens se sentent plus confiants dans l’immobilier. Mais à moi, Ian, ceci apparaît comme une fin de cycle, une autre manifestation différente de la bulle.
IAN: Je suis d’accord avec vous, Jim. Je veux dire, c’est vraiment le cas. Le marché de l’immobilier est bâti sur la dette comme le marché des actions est établi sur la dette, car la dette marginale a atteint des niveaux record quand le marché des actions a atteint son sommet. Le marché de l’immobilier fait la même chose. Je pense que ce qui s’est produit, c’est que la Fed a rendu tout cet argent disponible en augmentant la masse monétaire tout à fait considérablement, et que l’argent a vraiment trouvé son chemin par le biais de Fannie Mae et autres vers les mains des consommateurs qui hypothèquent leurs maisons ou achètent des maisons à des prix plus élevés. Mais cette bulle, comme je dis, est construite sur la dette et tout le but de l’Hiver est de nettoyer l’économie de la dette. Aussi est-il difficile d’imaginer le marché de l’immobilier rester très haut face à un marché des actions en baisse où les consommateurs, qui sont également investisseurs en actions, perdent leur chemise. En outre, vous avez des consommateurs qui perdent continuellement leur travail. Il est difficile d’envisager que cette bulle (la bulle immobilière), due à la dette, puisse durer contre tout ce qui se passe ailleurs dans l’économie. Je pense que le marché de l’immobilier est parti pour se comporter exactement comme le marché des actions, et toute cette dette qui y a été injectée sera nettoyée.
JIM: Comment expliqueriez-vous les commentaires de M. Greenspan devant le comité de Sénat la semaine dernière? A plusieurs reprises, il a parlé de l’efficacité de la politique monétaire, des consommateurs et des dépenses, et du marché du logement qui est fort. Pensez-vous juste qu’il ne réalise pas sa propre bulle (spéculative) ou son rôle dans la création de cette bulle?
IAN: Je pense que M. Greenspan sait certainement l’ampleur de la bulle. J’ai eu un ami à Londres qui a connu Alan Greenspan dans les années 60 et Alan Greenspan, à ce moment-là, lui a dit « j’aimerais être Président de Fed quand le prochain l’Hiver de Kondratieff viendra, parce que je pense que je pourrais le surmonter en réduisant les taux d’intérêt et en imprimant assez d’argent pour neutraliser tous les aspects déflationnistes de l’économie » Il est certainement en train d’essayer cela. Ainsi, je pense qu’il a conscience de ce qui se passe. Les personnes officielles disent beaucoup de choses afin d’essayer d’apporter le calme au moment d’une calamité croissante du marché des actions et de l’économie.
JIM: Quel contraste faites-vous en comparant le rôle de la Fed aujourd’hui et son rôle pendant les années 20? Nous savons tous, grâce à nos lectures des sciences économiques, qu’il y a eu un grand boom du crédit qui a mené à l’hystérie des marchés des actions que nous avons vu dans les années 20, ce qui a par la suite conduit au crash, et, naturellement, à la dépression qui a suivi. Faites pour moi, Ian, la comparaison des années 20 avec cette période récente de l’Automne de Kondratieff.
IAN: Bien, naturellement, Jim, ce sont tous les deux des Automnes de Kondratief avec des marchés des actions haussiers. Le marché haussier 1921-29 S’est produit au cours du 3ème Automne de Kondratieff, et celui que nous venons juste de terminer est le 4ème automne de Kondratieff. Chacun des deux représente l’expérience d’une vie pour un investisseur. Fondamentalement, la Fed a agit de la même façon dans les deux cas. Il y avait un terrible Bear Market et une terrible récession entre 1920 et 21 suite au pic des taux d’intérêt, aussi la Fed a inondé l’économie avec de l’argent et abaissé les taux d’intérêt, juste comme ils ont fait à compter de 1981. Cet argent a par la suite réussi à pénétrer les marchés spéculatifs et en particulier le marché des actions. Mais la bulle spéculative n’a pas été alors aussi grande, parce que la Fed était limitée dans sa capacité de création monétaire, et parce que le monde était encore sur l’étalon de change Or. Ainsi, si la Fed avait pu imprimer (de l’argent) comme le fait Alan Greenspan maintenant, L’Amérique aurait manqué d’or très, très rapidement. Cette fois-ci, il n’y a plus d’étalon Or pour limiter la capacité de création monétaire de la Fed. De sorte que la bulle a été, cette fois-ci, bien plus grande dans la taille. La bulle du marché des actions entre 1982 et 2000 a été de 2 fois et 1/2 la taille de la bulle de 1921-29.
Dernière édition par ziril le 6/2/2012, 12:15, édité 1 fois