il manque pas d'air le libyen !!!!
http://civitas.blog.tdg.ch/archive/2009/09/06/l-onu-kadhafi-et-la-suisse.html
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Alliance spirituelle contre la subversion mondialiste. Forum d'éveil des consciences par le partage des connaissances et l'esprit de solidarité.
CHAPITRE 2
LES INTERFÉRENCES LIBYENNES
Le face à face franco-libyen qui s'est manifesté par les opérations successives des
années 1980 a lui aussi des origines historiques : Tchad et Libye sont liés par le désert, dans leur peuplement et par certaines influences culturelles partagées. Or, on ne peut évoquer cette question sans essayer de comprendre quelle a pu être la politique tout à fait originale de la Libye, reconnue et redoutée comme telle par l'ensemble des acteurs internationaux jusqu'à aujourd’hui.
Dans le cadre de la Guerre Froide notamment, le colonel Mouammar Kadhafi est le « guide » de la « Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste »101 depuis sa prise de pouvoir le premier septembre 1969, sur le souverain Idriss « al Sahdi al Sanoussi », client du Royaume-Uni. Pour cela il intervient sur plusieurs horizons, parfois soudains et contradictoires, presque toujours de façon agressive et inattendue, et qui semblent souvent déraisonnables (section 1). Pourtant, l'objectif, qui semble être sa reconnaissance d'une importance sur la scène internationale se produit, même si elle se fait pour cela par la reconnaissance implicite de son pouvoir de nuisance, et provoque effectivement des réactions fortes.
Mais elle n'est pas la seule à posséder une relation spéciale avec le Tchad. Le Soudan voisin, dont de nombreuses caractéristiques lui sont proches, procède aussi à certaines interférences, mais cependant celui-ci n'a pas exercé de politique d'influence de long terme, et il a autant manipulé que fait l'objet de manipulations lui-même (section 2), on l'envisagera à ce titre dans une autre optique102.
101 En arabe : " , الجماهيري ة العربي ة الليبي ة الش عبية الش تراكية العظم ىJamahiriya", littéralement "Etat des masses"
102 Cf. Titre troisième, chapitre 2 section 1
Section 1 L'argumentation libyenne
Le régime autoritaire libyen est fondé sur un modèle inspiré de socialisme, de
traditionalisme arabe, dont certains éléments religieux sont bien présents malgré le procès de laïcisme qu'on lui fait parfois, et d'un panarabisme anti-impérialiste militant, issu des heures les plus glorieuses du non-alignement et du nassérisme. Dans la pratique, la direction politique du pays dépend essentiellement de ce « guide », seul dirigeant, qui se revendique tour à tour de ces différentes références pour justifier son action, notamment dans sa politique extérieure. Affirmant à qui veut l'entendre son identité tout simplement « bédouine »103, il semble éprouver un intérêt particulier pour la vie simple et épurée des nomades. C'est d'ailleurs sur ceux-ci qu'il a fixé sa stratégie de recrutement de la « Légion arabe » et de sédition systématique dans les pays voisins.
La conquête arabe, puis les migrations progressives vers le Sud, accompagnées de la pratique de la traite a marqué la Libye. Les oasis de Koufra, Ghat, Sabha, Ghadamès furent jusqu'à la fin du XIXe siècle des étapes sur les routes transsahariennes en direction de l'Afrique noire et de ses richesses104. L'influence notable de la confrérie musulmane de la « Sanûssiyah »105 a laissé peu de traces, mais combattue par les français au Tchad lors de la conquête, cette organisation religieuse et commerciale à vocation politique occupait déjà plusieurs positions, jusqu'aux bords du lac Tchad. Enfin, le Beylicat des Karamanlis sur la Tripolitaine et la Cyrénaïque dépendait de l'Empire ottoman, qui, fut un temps, disposait de garnisons jusque dans le Tibesti. De tout cela, il n'est resté que peu d'éléments :
l'influence essentielle de l'islam, la pratique importante de la langue arabe et l'arabisation de quelques tribus106. Mais ces éléments sont connus du dirigeant libyen qui en fit un temps ses arguments pour affirmer : « la sécurité du Tchad est reliée à celle de la Jamahiriya et, inversement, le sol libyen et le sol tchadien sont un seul sol, parce que les deux peuples libyens et
103 Pierre DARCOURT, Le Tchad, 15 ans après, Hissène Habré, la Lybie et le pétrole, Paris, Grancher, 2001, 310 p.
104 Cf. titre premier
105 TRIAUD Jean-Louis, Tchad 1900-1902 : une guerre franco-libyenne oubliée, paris, l'Harmattan, 2000, 203 p.
106 Cf. Titre premier chapitre 1 Section 2 sur la question de l' "arabité" relative de tribus tchadiennes
tchadiens sont en réalité un seul peuple »107. D'un point de vue purement physique, la Libye et le Tchad partagent presque le massif du Tibesti, ethniquement, les habitants du Fezzan, province saharienne de l'Ouest libyen est aussi peuplée de négro-africains proches des tribus Teda du Tibesti, et le débouché des voies sahariennes fait de cet axe une voie terrestre directe entre la Méditerranée et l'Afrique noire.
Mais ce problème de frontières a ressurgi quelques années auparavant déjà avec un passif juridique en 1948, alors que l'Assemblé générale des Nations Unies se saisit d'un de ses premiers dossiers : le traitement des anciennes colonies italiennes, et en particulier de la Libye. La France administre alors un tiers de la Libye, c'est-à-dire sa province désertique du sud-ouest : le Fezzan, et souhaite encore conserver l'intégrité de ses possessions coloniales d'Afrique noire, dont le nord du Tchad. Par une grave erreur de la délégation française pour la Commission d’enquête des quatre puissances pour la Libye, elle laisse apparaître dans le rapport final, malgré un errata de dernière minute, la frontière de 1935.
Celle-ci, considérée comme nulle suite à la guerre et son refus de ratification par le Parlement français est ainsi officilisée. Bernard Lanne évoque d’ailleurs une autre bévue de la France (« la résurrection du traité de Rome »)108, lorsque l’ONU, selon l’annexe XI du traité de paix avec l’Italie de 1947 prend en charge le statut futur du territoire, la résolution 289, dans son paragraphe C : « demande à la Commission intérimaire de l’Assemblé générale d’étudier la procédure à adopter pour délimiter les frontières des anciennes colonies italiennes [...] ». Les diplomates français, hésitants, ne se prononcent pas sur ce sujet, et c’est seulement lorsque la Commission intérimaire demande les renseignements nécessaires aux puissances impliquées par l’intermédiaire du Secrétariat que la Délégation y répond, par des informations erronées ! Ils indiquent la caducité du traité de Rome de 1935 au profit de l’accord antérieur du 10 janvier 1924 entre la France et l’Angleterre, qui reste en vigueur. Celui-ci concerne la frontière entre Soudan français et Soudan anglais, mais en omettant les accords précédents du 21 mars 1899, du 1er novembre 1902 et la convention
107 "la Jamahiriya et la paix au Tchad, 1980-1981", publication des service d'information libyens, 1981, p.73,
in Elce HESSE, "La France et la crise du Tchad d'août 1983 : un rendez vous manqué avec l'Afrique", Politique étrangère, vol. 50 n°2, p. 414
108 LANNE Bernard, Tchad – Libye, la querelle des frontières, op. cit. p.205
du 12 septembre 1919. M. Georges Gorse fera part de cette erreur à l’Assemblé de l’Union française, relevant le « lapsus » et la « perte de mémoire » des diplomates français, par lesquels : « à la faveur de telles confusions, la solidité de la thèse française s’en trouve quelque peu ébranlée [...]»109. Cette remarque apparaît aussi dans le mémorandum du Secrétariat à la Commission intérimaire, et dans celui du sénateur Dronne au Conseil de la République du 16 mars 1950, lorsqu'il s'adressa au ministre Robert Schuman, qui précisa : « cet accord n’a jamais été ratifié ni exécuté, il doit donc être considéré comme inexistant »110. Ainsi la caducité du traité de Rome était bien confirmée, sans quoi l’administration française du Fezzan aurait causée, par cet exercice, la perte de plus de 110 000 km2 de territoire de l’Union française (bande d’Aozou). Mais il fallait encore fixer cette frontière, et c’est ce qui fut fait par la délégation française le 13 décembre 1950 dans la résolution 392 (V) qu’elle fit adopter à 44 voix contre 5. La négociation de la frontière libyenne fut effectuée par accord bilatéral, avec l’aide d’un émissaire de l’ONU. Selon Bernard Lanne, « la diplomatie française recueillait le fruit de ses hésitations et de ses bévues »111. Dans de telles conditions, on comprend mieux que les rectifications frontalières souhaitées, et plusieurs fois évoquées, ne furent pas non plus adoptées.
Il évoque enfin l’incident de Moya, lorsqu’une mission libyenne en route pour
Aozou fut interceptée par l’armée française, ce qui prouva que le problème des frontières perdurait malgré la résolution 392 (V), et c’est dans ces conditions qu’on s’achemina vers l’accord final du traité de Tripoli du 10 août 1955. Signé par Mustapha ben Halim et Maurice Dejean, il ne mit pas fin immédiatement à la présence française au Fezzan, qui perdura jusqu’à novembre 1956, du fait des accords temporaires encore en valeur, et par le refus d’Edgar Faure de donner l’ordre d’évacuation face à l’hostilité parlementaire à ce traité. L’indépendance entraîna le transfert des pouvoirs de l’administration française aux nouvelles autorités libyennes, fédérales ou locales, dans lesquelles des conseillers français jouaient un certain rôle, et la grande autonomie des garnisons françaises était conservée. Il
109 Exposé de M. Georges Gorse à l’Assemblé de l’Union française, séance du 26 mai 1955, J.O., p.556, cité par Bernard Lanne
110 Le Monde, 18 mars 1950
111 LANNE Bernard, Tchad – Libye, la querelle des frontières, op. cit. p.209
ne restera en fait rapidement pour elle que ses amitiés au Fezzan créées par l’éviction de l’Italie et son action sociale.
carte du PDF
Source : Bernard LANNE, Tchad – Libye, la querelle des frontières, 1986, Paris, Karthala, 245 p.
Enfin, le traité de Tripoli de mai 1955, selon lequel la France fait pâle figure selon
Lanne112: c’est la promesse faite en 1951 par le gouvernement libyen de négocier, un accord d’amitié avec la France sur le même plan que les anglo-saxons, et le besoin de définir ces frontières de façon sûre qui permet enfin cet accord. Très inégal à celui conclut avec les anglo-saxons il prononce aussi le départ de la France du Fezzan. Mais on remarque dans les sources justement le manque de fondements juridiques concrets, d’action juridique qui ruine les espoirs français sur la fin, alors que l’Assemblé générale aurait été favorable aux rectifications frontalières.
112 Ibid p. 212