D’abord y a-t-eu vraiment ‘agression’ dans l’établissement espagnol et chrétien sur les terres fermes d’Amérique ?
Contrairement aux vues simplistes, cet établissement ne fut nullement reçu comme une ‘agression’ par un grand nombre de peuples indigènes… Et quelles qu’aient été l’énergie, la valeur militaire, l’intelligence politique des conquistadors (ceux-ci, il faut le rappeler car cela est souvent oublié, n’avaient pas derrière eux, initialement, la puissance de l’Espagne, alors considérable en Europe. Ils étaient de petits groupes d’hommes d’aventure finançant et armant eux-mêmes, avec quelques amis, leurs expéditions), jamais leurs troupes squelettiques de quelques centaines d’hommes n’auraient pu y vaincre durablement de puissants empires, s’il y avait eu vraiment ‘agression’.
Il est au contraire patent que les conquistadors furent reçus, par de nombreux peuples indigènes, comme l’aide décisive qui leur permit de se libérer de l’oppression qu’ils subissaient de la part de ces empires tyranniques. Une oppression autant religieuse que politique : au Mexique, c’était souvent les « guerres sacrées » qui fournissaient aux oppresseurs aztèques les foules d’hommes nécessaires aux sacrifices humains permanents de leur mythologie, elle-même tyrannique.
Lorsque Cortès débarque avec sa petite troupe sur la côte de Vera Cruz, il y est vite accueilli comme un allié par les Cempoaltèques, … qui font la majorité de l’armée d’ « agression » qui s’enfonce ensuite vers le cœur du Mexique et ils combattent aux côtés des Espagnols contre les Tlaxcaltèques. Ceux-ci, peuple important, avaient réussi, seuls dans le Mexique central, à conserver leur indépendance, en dépit des agressions incessantes des Aztèques. Or, le temps de réfléchir à la situation nouvelle créée par l’arrivée des Espagnols, ils se rallient eux aussi à Cortès et à sa foi. Ils seront désormais ses alliés fidèles… : ils entreront aux côtés de Cortès dans Mexico…
Tant et si bien que toute une école d’historiens mexicains, pourtant fort ‘laïques’ et hispanophobes d’esprit, l’école indigéniste, affirme, non sans de bonnes raisons, que la conquête fut l’œuvre ‘moins de Cortès que des groupes indigènes, lassés de la tyrannie aztèque et désireux de la secouer, qui se jetèrent dans les bras des Espagnols’ (Jorge Gurria Lacroix, Trabajos sobre historia mexicana, Instituto nacional de antropologia e historia, Mexico 1964, p. 37.)
Ainsi Alfredo Chavero dans son Histoire de la Conquête (Mexico 1904) et dans ses autres travaux, qui va jusqu’à écrire : ‘En vérité, ce ne fut pas un groupe de soldats européens qui fit la conquête, mais les Indiens eux-mêmes’.
Jean Dumont, L’Eglise au risque de l’histoire, préface de Pierre Chaunu de l’Institut, Editions de Paris, Ulis 2002, p. 201-203
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