Extrait Sermon saint Curé D'Ars Oui, M. F., un chrétien damné aura, pendant toute l'éternité, devant les yeux, toutes les bonnes pensées, tous les bons désirs, toutes les bonnes oeuvres qu'il aurait pu faire et qu'il n'a pas faites, tous les sacrements qu'il n'a pas reçus et qu'il aurait pu recevoir, toutes les prières manquées, toutes les messes qu'il a mal entendues et qu'il aurait très bien pu entendre comme il faut, ce qui lui aurait grandement aidé à sauver son âme. Oui, M. F., ce mauvais chrétien se rappellera toutes les instructions qu'il a manquées ou qu'il a méprisées, et par lesquelles il aurait si bien pu connaître ses devoirs. Ah ! disons mieux, M. F., tous ces souvenirs seront comme autant de bourreaux qui le dévoreront. (...)
Voyez, M. F., s'il n'est pas juste que nous souffrions dans l'autre vie plus que les païens. Ecoutez avec quelle malice le chrétien pèche sur la terre, avec quelle audace il se révolte contre Dieu. Oui, Seigneur, lui dit-il, je sais que vous êtes mon Dieu, mon créateur, que c'est vous qui avez souffert, qui êtes mort pour moi, qui m'avez aimé plus que vous-même, qui ne cessez de m'appeler à vous par votre grâce, par les remords de ma conscience et par la voix de mes pasteurs ; eh bien ! je me moque de vous et de toutes vos Grâces. Vous m'avez fait des commandements que vous ordonnez d'observer sous peine des châtiments les plus rigoureux : je me moque de vous, et de vos commandements, et de vos menaces. Vous m'avez donné toutes les lumières nécessaires pour comprendre toute la beauté de notre sainte religion et le bonheur qu'elle nous procure ; eh bien ! je ferai tout le contraire de ce qu'elle me commande. Vous me menacez que si je reste dans le péché j'y périrai, c'est précisément pour cela que je ne veux pas en sortir. Je sais très bien que vous avez institué des sacrements par lesquels nous pouvons si bien sortir de sa tyrannie : et non seulement je ne veux pas en profiter, mais je veux encore mépriser et railler ceux qui y auront recours, pour les porter à faire comme moi. (...)
Mais, pensez-vous, nous ne disons pas cela en péchant ; nous péchons, il est vrai, mais nous ne tenons pas ce langage. - Mon ami, vos actions le disent, toutes les fois que vous péchez, connaissant le mal que vous faites. En doutez-vous, M. F. ? Dites-moi, quand vous travaillez le saint jour du dimanche, ou que vous faites gras les jours défendus, quand vous jurez, ou quand vous dites des paroles sales, vous savez très bien que vous outragez le bon Dieu, que vous perdez votre âme et le ciel, et que vous vous préparez un enfer. Vous savez bien qu'étant dans le péché, si vous n'avez pas recours au sacrement de pénitence, vous ne serez jamais sauvé. (...) Dites-moi, M. F., comptez-vous pour rien tous ces bienfaits dont le bon Dieu vous a favorisés de préférence aux païens, et que vous avez méprisés ? (...)
Mais, nous dit encore saint Bernard, ce qui donnera encore un nouveau degré de tourments à ces chrétiens damnés, c'est que, pendant toute l'éternité, ils auront devant les yeux tout ce que Jésus-Christ a souffert pour les sauver, et réfléchiront que malgré cela ils se sont damnés. Oui, nous dit-il, ils auront devant les yeux toutes les larmes que ce divin Sauveur a répandues, toutes les pénitences qu'il a faites, tous ses pas et tous ses soupirs, et tout cela pour les rendre meilleurs. (...) Ils croiront l'entendre clouer sur la croix, demander miséricorde pour eux : et par là, il leur montrera combien leur salut lui avait coûté cher, et combien il a souffert pour leur mériter le ciel, qu'ils ont perdu avec tant de gaieté de coeur et même de malice. Ah ! M. F., quels regrets ! hélas ! quel désespoir pour ces chrétiens réprouvés ! Ah ! crieront-ils du fond des flammes, adieu, beau ciel, c'est pour nous que vous avez été créé, et nous ne vous verrons jamais ! Adieu, belle cité qui deviez être notre demeure éternelle et faire tout notre bonheur ! Ah ! si nous vous avons perdue, c'est, par notre faute et notre malice. (..)
Ah ! malheureux, nous dit, saint Augustin, tu vas de crime en crime, toujours dans l'espérance que tu t'arrêteras ! Mais ne craindras-tu pas de mettre le sceau à ton malheur ? Oh ! que les derniers sacrements et tous les secours de l'Église servent peu a ces pécheurs qui ont vécu en méprisant les grâces que nous procure notre sainte religion ! (...)
O mon Dieu, quel malheur pour des chrétiens qui connaissent si bien ce qu'il faut faire pour se sauver, qui, même, ici-bas, en ne le faisant pas, ne peuvent être que bien malheureux par les remords que leur donne leur conscience ! Ah ! M. F., quel désespoir pendant l'éternité pour un chrétien à qui rien n'a manqué pour éviter tous ces tourments qu'il endure ! Ah ! se dira-t-il, moi à qui l'on a dit tant de fois que, si je le voulais, je pourrais aimer le bon Dieu et sauver mon âme et me rendre heureux pendant l'éternité ; moi à qui l'on a offert toutes les grâces pour sortir du péché ! (...) rien ne m'a manqué, j'avais tout et je n'ai su profiter de rien. Tout devait tourner à mon bonheur, et, par le mépris que j'en ai fait, tout a tourné à mon malheur : adieu, beau ciel !... adieu, éternité de délices !... adieu, heureux habitants du ciel !.., tout est fini pour moi !... Plus de Dieu, plus de ciel, plus de bonheur !... Oh ! que de larmes je vais répandre ! Oh ! que de cris je vais pousser dans ces flammes !... Mais plus d'espérance ! Ah ! triste pensée qui déchirera un chrétien pendant l'éternité !. Ah ! ne perdons pas un moment pour éviter ce malheur. C'est le bonheur que je vous souhaite.
Source texte :
Extrait Sermon saint Curé D'Ars
3ème DIMANCHE APRÈS L'ÉPIPHANIE L'enfer des Chrétiens, Tome I