La fin de la bulle immobilière approche...
... et plus dure sera la chute, affirme notre chroniqueur Philippe Manière C'est un événement très technique, mais son impact risque d'être spectaculaire sur des millions de ménages français, voire de perturber la donne électorale lors de la présidentielle : la Banque centrale européenne (BCE) est en train de mettre fin à deux années de politique monétaire ultra-accommodante. Finie la baisse des taux ! Le prix de l'argent, ramené début 2009 à son niveau le plus bas depuis 1945, va désormais remonter dans toute la zone euro. Et ce tournant a de fortes chances de provoquer l'explosion de ce qu'il faut bien appeler une bulle immobilière.
Voilà maintenant plus de douze ans que, malgré une brève interruption (en 2009), le prix du mètre carré est, en France, orienté à la hausse. Douze ans durant lesquels la pierre a plus que doublé. Par le passé, de telles progressions ont été suivies de purges de moins 30 % en quelques années : la hausse des prix ne peut s'écarter durablement de celle des revenus des ménages, qui détermine largement leur solvabilité. Or, sur la décennie passée, ces deux courbes ont divorcé comme jamais auparavant. Intenable. Ce qui a retardé l'ajustement, c'est, paradoxalement... la crise économique de 2008. Affolés par l'effondrement des Bourses, beaucoup d'épargnants se sont repliés sur la pierre, considérée comme une valeur refuge. Surtout, les conditions d'emprunt se sont extraordinairement adoucies avec la baisse des taux menée par la BCE pour sauver la croissance. C'est cette conjonction astrale hors du commun qui disparaît avec la sortie de crise. Déjà, depuis six mois, les taux remontent au guichet des banques, qui répercutent le coût de leur "matière première" et reconstituent leurs marges.
La correction immobilière ne peut donc plus tarder. En privé, les experts l'admettent. Mais personne n'en parle officiellement... C'est que le marché immobilier se caractérise par un système d'incitations très asymétrique : ceux qui ont intérêt à la hausse sont le plus souvent en position de force. Les professionnels (agences immobilières...), qui jouissent d'un quasi-monopole de la parole sur le sujet. Les ménages propriétaires, qui sont désormais majoritaires dans le pays. Les élus locaux, qui sont "accros" aux droits de mutation, cet impôt encaissé sur chaque transaction et qui est devenu la première recette des départements.
Et l'Etat ? Sous la pression des élus, justement, et aussi parce que les propriétaires sont encore plus nombreux parmi les électeurs de droite qu'en général, le pouvoir n'a rien fait pour freiner la folie immobilière. D'un côté, il déplore bruyamment la hausse des loyers et l'érosion du revenu disponible (qui sont d'abord une conséquence de la flambée du mètre carré) ; de l'autre, il encourage la spirale infernale, avec un arsenal fiscal dispendieux. Absurde. L'Etat, qui se présente volontiers comme l'incarnation de la raison et du long terme face à des marchés réputés myopes et cupides, se sera en fait comporté ici comme un vulgaire trader dissimulateur, encourageant l'effet de levier et multipliant les artifices pour faire durer la hausse. Mais, sur les marchés, il n'y a pas de miracle : un ajustement différé n'en est que plus violent lorsqu'il survient.
La France n'est certes pas l'Irlande ou l'Espagne - on s'endette, en France, à taux fixe - ni, bien sûr, les Etats-Unis - chez nous, point de subprimes ! Il n'empêche, le réveil sera rude et très modérément apprécié des Français. Cela à un moment clef du calendrier politique...
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