La crise financière aura permis de recapitaliser les banques avec l’argent public. Aujourd’hui ce sont ces mêmes institutions qui menacent de détruire les États qui les ont sauvées. Qui peut un instant croire encore que ces opérations de déstabilisation seraient dues à la seule irrationalité des marchés, et qu’elles n’obéissent pas, en premier lieu, à un agenda caché ?
euro
Chronologie de la crise en cours
C’est l’agence de notation Flitch Ratings, contrôlée par le holding français Fimalac, qui a été la première à dégrader la Grèce, en décembre dernier. Ce sont ensuite les dirigeants de la la Banque centrale européenne (BCE) qui ont mi le feu aux poudres, en annonçant « Si avant la fin de l’année la Grèce n’a pas retrouvé son niveau de notation qu’elle avait avant la crise, nous ne garantissons pas que la dette grecque puisse être refinancée par la BCE. Ce n’est d’ailleurs pas notre problème, mais celui de la Grèce seulement ».
Ensuite, comme plusieurs sources le confirment, c’est une grande banque américaine d’investissements et deux hedge funds (fonds de gestion spéculatifs) qui ont décidé de faire courir la panique sur les marchés. Ces « investisseurs » ont tout d’abord parié sur la baisse du prix des obligations émises par le trésor grec, portugais ou espagnol, puis, se sont précipités sur les produits dérivés qui permettent de s’assurer contre le risque de défaut de paiement d’un Etat ou d’une entreprise, appelés Credit Default Swap (lire notre article du 6 février).
Avant la réunion du G7, en fin de semaine dernière, Dominique Strauss-Kahn, le directeur général du FMI, a créé un nouvel effet panique en annonçant que « son institution était disponible pour voler au secours de la Grèce ».
Mensonges
Mais en réalité la faillite de la Grèce est impossible. Cela pour une raison simple, c’est qu’elle ne peut, du fait de son appartenance à la zone euro, se retrouver en manque de liquidités (en comparaison, quand l’Argentine à été en « faillite » en 2001 c’était parce qu’elle n’avait plus de devises en dollars pour financer ses importations). De plus, les traités européens prévoient que l’UE doit assister les États en cas de « menace sérieuse de graves difficultés ». Il est donc mensonger de prétendre que l’UE pourrait sacrifier la Grèce. La plupart des analystes admettent d’ailleurs qu’il s’agit d’une opération planifiée . En fait, la déstabilisation de la Grèce n’a pour but que de donner l’illusion que l’UE est engagée dans un bras de fer avec les spéculateurs, alors qu’il s’agit en réalité d’une « action concertée », comme l’indiquait le premier ministre grec la semaine dernière.
Les statuts de la BCE ne permettant pas d’émettre une dette publique, mais seulement de racheter ces dettes à travers les institutions bancaires privées, il ne sera donc pas possible pour l’UE de refinancer directement la Grèce et les autres pays en difficultés, dont l’état de délabrement demandera également un « plan de sauvetage » dans les semaines ou mois à venir. Dans l’immédiat, pour « couvrir » la Grèce, il va être nécessaire de créer un nouvel « organe » afin de mettre en commun une grande partie de la politique budgétaire européenne. La Grèce sera donc contrainte de faire d’autres concessions que celles des derniers jours, de sorte à ouvrir la voie des réformes sociales qui seront ensuite promulguées en Espagne, en Italie et au Portugal, pour commencer. L’idée centrale est d’utiliser cette crise des Etats afin contraindre au fédéralisme économique la majorité des pays membres qui s’y refusaient jusqu’ici.
L’homme de l’ombre
Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy avait évoqué, en novembre dernier, la création d’un « gouvernement économique » des 27 pays membres, de même que l’établissement d’un impôt européen. Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso lui avait emboité le pas quelques jours plus tard, devant le parlement européen : « Je ne suis pas contre l’idée d’un impôt européen pour permettre à l’UE de bénéficier de ressources propres par rapport aux contributions des États. J’ai l’intention d’examiner toutes les questions de fiscalité dans l’Union européenne, nous devons passer en revue toutes les ressources (financières) de l’UE (…) Le programme sur lequel j’ai été élu dit qu’il faut examiner de possibles ressources propres ».
Le 11 novembre 2009, Mario Borghezio, membre italien du parlement européen, avait évoqué la possibilité que les candidats aux postes de président et ministre des Affaires étrangères de l’UE, comme Jan Peter Balkenende, David Miliband, Herman Van Rompuy parmi d’autres, pourraient être ceux des « groupes occultes » Bilderberg et Trilatérale et non simplement ceux des forces politiques des pays (voir cette vidéo du Parlement). Le lendemain, Herman Van Rompuy se rendait au Château de Val Duchesse pour une réunion du Groupe Bilderberg où il donna, dans un discours, sa vision quant à la gouvernance de l’Europe et la nécessité de centraliser les flux financier des États membres (faits rapportés par cet article du Times).
La mise en place de ce « gouvernement » n’aura pas pour but de sauver la Grèce, l’Espagne ou le Portugal, mais d’unifier les budgets des pays membre de l’UE afin de pouvoir disposer de leurs ressources, c’est à dire, pour être plus précis, de mettre fin à leur souveraineté économique. Les dispositions du Traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre dernier, donne toute la marge de manœuvre nécessaire pour cela.
C’est dans une ambiance de crise qu’Herman Van Rompuy pourra donc se présenter en sauveur de la zone euro au sommet qui réunira les chefs d’État européens ce jeudi 11 février, à Bruxelles. Pourtant, les solutions qu’il préconisera n’auront en rien été décidées dans l’urgence, parce que des pays européens pourraient se retrouver en faillite. Il est en réalité préparé depuis plus de vingt ans par le président européen, ses complices et l’oligarchie financière qui l’a mis en place (voir le document pdf en fin d’article).
Bien entendu, ce gouvernement ne sera pas effectif au matin du 12 février. Pour faire plier les États et que les populations européennes acceptent d’être entièrement dominées par Bruxelles, ainsi que toutes les réformes nécessaires qui leurs seront imposées sous prétexte de relancer la zone euro (lire notre article du 2 février), il faut que la situation se dégrade encore. Mais le piège est d’ors et déjà en train de se refermer.
La démocratie européenne, qui était née en Grèce en 507 avant J.C., sera morte, en Grèce également, dans les premiers mois de l’année 2010.
Addendum, 11 février 2010
Joli numéro de passe-passe dans les coulisses de Bruxelles aujourd’hui. On pourrait presque penser que Sarkozy et Merkel veulent voler la vedette au président du Conseil von Rompuy. Ce serait oublier que cette crise des États trouve, d’une part, son origine dans le déclassement de la Grèce par l’agence de notation Flitch, propriété du groupe français Fimalac et que, d’autre part c’est la Deutsche Bank, en concertation avec la banque américaine Goldman Sachs, qui est à l’origine des spéculations sur l’euro, comme l’indique cette dépêche de l’AFP.(1) Il est donc difficile de ne pas admettre que ce sont toujours les mêmes qui sont aux commandes – où qu’il y a pour le moins collusion d’intérêts – et que l’on voudrait nous faire voir des divergences là où il n’y a que des complicités.
Reste que Sarkozy et Merkel ne vont en aucune manière venir réellement et directement en aide à la Grèce. Ils se limiteront à des déclarations d’intention, de sorte à calmer un peu les marchés et évacuer tout soupçons, en indiquant qu’ils se porteront garant de la Grèce si elle en venait à se trouver véritablement en faillite – ce qui est impossible, pour les raisons que nous avons déjà évoquées plus haut.
Ce n’est bien sur pas le genre d’élucubrations hystériques dont Sarkozy s’est fait le spécialiste qui doit retenir notre attention – il n’est que l’idiot utile d’un jeu qui n’est pas le sien – mais le plan que présentera Hermann von Rompuy ce soir, puis les premiers actes de validation lors de la rencontre des ministres des finances des pays de la zone euro avec Jean-Claude Junker, patron de l’Eurogroupe et ministre des finances luxembourgeois (et ancien directeur de la Banque Mondiale), lundi prochain.
1. Ce qui n’a pas empêché le patron de la Deutsche Bank, dont le cynisme laisse penser qu’il aime prendre les gens pour des imbéciles, d’indiquer : « La pression sur l’euro s’accroît. L’UE doit maintenant tout entreprendre pour stabiliser la Grèce et l’euro ». (source)
Mecanopolis : http://www.mecanopolis.org/?p=13587