Le krach de 2010: la crise systémique.
La crise actuelle n’est pas une crise comme celles que nous avons connues depuis 1945. La croissance au quatrième trimestre 2009, en France et aux Etats-Unis, n’est due (en partie) qu’à un facteur technique transitoire, le moindre déstockage des entreprises. Nous ne sommes pas dans un enchaînement cyclique normal.
Par bien des aspects, celle-ci est plus grave que la crise de 1929, en ce qu’elle est doublement globale, affectant à la fois la planète entière et la sphère financière dans sa totalité. Le choc initial a été plus fort qu’en 1929. Pendant les neuf premiers mois, la chute de la production industrielle a été aussi violente qu’en 1929 ; la chute des cours de bourse deux fois plus rapide, de même que le recul du commerce mondial.
L’éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis a été amplifiée par l’éclatement de la bulle des produits titrisés, ce qui a eu pour conséquence l’éclatement de la bulle de l’endettement des ménages. Des pertes énormes ont rendu le système financier international insolvable, il n’a pu être sauvé que grâce à l’aide des Etats, qui se sont endettés dans des proportions considérables.
Un modèle de croissance basé sur l’endettement des ménages afin de stimuler la croissance a atteint ses limites extrêmes. Une répartition très inégale des richesses et des revenus a fait du crédit un substitut à l’augmentation de ces derniers.
La crise actuelle de l’endettement des Etats (notamment la Grèce) montre que le risque systémique (risque d’écroulement global du système financier) n’est que le symptôme d’une maladie plus grave : la crise systémique.
La crise de la dette publique montre que notre modèle de croissance est inadapté : la raison du plus fort est toujours la meilleure
La crise immobilière aux Etats-Unis a donc eu pour conséquence une crise financière et économique mondiale. Afin de juguler la crise financière, les Etats ont mis en œuvre des politiques monétaires très expansionnistes : intérêts à taux zéro, mesures de détentes quantitatives, nouvelles facilités de crédit, émission d’obligations d’Etat et rachat d’actifs privés non liquides et à risque, auquel s’ajoute la dépense de sommes colossales pour stabiliser le système financier.
On a donc transformé les dettes des banques en dette publique (ou du moins une partie). Les Etats ont donc fait le pari risqué, que sauver les banques, c’était sauver aussi la croissance et les emplois, en s’endettant massivement.
Afin de lutter, en outre, contre la crise économique, ils ont mis en œuvre des politiques budgétaires expansionnistes afin de soutenir la demande globale.
Ainsi, selon le Fonds monétaire international (FMI), les pays du G-20 ont consacré 17,6% de leur PIB au soutien direct du système bancaire et seulement, toujours en moyenne, 0,6% du PIB en 2008, 1,5% en 2009 et 1% en 2010, aux mesures budgétaires discrétionnaires.
Ajoutons à cela, que les pays de la zone Euro y ont consacré 1,6% de leur PIB, sur les trois années considérées, alors que les Etats-Unis y ont consacré 5,2% de leur PIB.
On a donc caché le coût historique du sauvetage du système bancaire, qui constitue le plus gigantesque transfert de richesse de l’histoire économique, du secteur public vers le secteur privé, à l’échelle du monde, ainsi que ses conséquences en terme de perte de croissance.
Il importe donc de poser le problème de l’endettement public dans ce contexte très particulier. Les agences de notation, qui ont fait preuve d’une rare incompétence, avant la crise, en notant AAA (aucun risque de faillite) les produits titrisés, essentiellement parce qu’elles ont été grassement rémunérées par les grandes institutions financières, s’attaquent aux Etats et leur font injonction de revenir à l’orthodoxie budgétaire.
Bien évidemment, la Grèce est un pays en grandes difficultés : sa compétitivité est faible, la corruption fait partie des mœurs politiques. Elle a maquillé ses comptes afin d’intégrer la zone Euro (avec l’aide de Goldman Sachs et un montage financier complexe qui reposait sur un swap de devises).
Mais, après tout, les pays qui ont des problèmes de déficits budgétaires et de dettes publics sont légion. Alors pourquoi la Grèce ? Essentiellement parce qu’il s’agit d’un petit pays et que les marchés envoient ainsi un message aux Etats, en leur indiquant qu’ils doivent restructurer leurs dettes sans attendre ; alors que celle-ci résulte (comme nous l’avons vu), pour l’essentiel, du soutien direct apporté aux systèmes bancaires.
Cela permettra aussi aux grandes institutions financières de dégager de juteux profits grâce aux credit default swaps (CDS) qui sont une sorte d’assurance contre le risque de défaut d’Athènes sur sa dette souveraine.
La chose n’a rien de surprenant ; dans un remarquable ouvrage (« This time is different : Eight centuries of financial folly ») Kenneth Rogoff explique que le phénomène récurrent le plus significatif, est qu’une crise bancaire internationale est le plus souvent suivie d’une vague de défauts sur la dette souveraine, qui a pour conséquence une restructuration de celle-ci.
En réalité, le véritable problème de la crise de la dette publique, c’est le risque de la contagion, alors qu’il n’y pas de problème global de financement de la dette publique dans la zone Euro. A cause des CDS, on peut craindre que la crise ne s’étende a l’Espagne et au Portugal, puis à l’Irlande et l’Italie, enfin au Royaume-Uni.
L’Europe risque donc une nouvelle récession.
Le problème de la zone Euro est qu’il ne s’agit pas d’une véritable zone monétaire. En effet, selon le critère de Mundell, une zone monétaire doit non seulement avoir une politique monétaire commune, mais aussi une politique budgétaire et fiscale commune (ou du moins coopérative). C’est précisément ce qui lui manque, comme le montre le cas grec. Selon les traités constitutifs de l’Union Européenne, il n’existe pas de procédure d’aide entre Etats membres, et la BCE ne peut financer la dette publique d’un Etat membre. En outre, le cas Espagnol montre que si l’Euro protège, dans un premier temps, l’économie, dans le cas d’une grave récession, il empêche celle-ci d’en sortir rapidement.
En Espagne, l’augmentation des prix de l’immobilier (la bulle) a entraîné un afflux de capitaux ; alors qu’en Europe la balance courante allemande est devenue excédentaire, celle de l’Espagne s’est enfoncée dans un énorme déficit. L’augmentation de la demande de biens et services a eu pour conséquence une augmentation de l’inflation.
Lorsque la bulle a éclaté, l’Espagne a vu sa demande intérieure se réduire considérablement, et la hausse des prix et des coûts du travail l’a rendue très peu compétitive dans la zone Euro. Si l’Espagne disposait de sa propre monnaie, celle-ci se serait appréciée durant le boom immobilier puis dépréciée à la fin de celui-ci. Comme cela n’a pas été le cas, elle semble condamnée a subir des années de déflation et de chômage massif (aux environs de 20%). Le véritable problème, ce n’est pas la Grèce mais l’Espagne qui est la quatrième économie de la zone Euro.
Les grandes banques internationales spéculent donc sur la dette souveraine des Etats, ceux-là mêmes qui les ont sauvés de la faillite.
La crise de la dette publique montre que notre modèle de croissance est structurellement inadapté. Si on fait l’hypothèse que la répartition inéquitable des richesses et des revenus est la principale cause de la crise actuelle (croissance faible et chômage massif), la crise et les solutions apportées à celle-ci ont augmenté les inégalités, à l’intérieur de chaque Etat et entre les Etats (comme le montre la zone Euro), dans des proportions considérables et inconnues pour des sociétés démocratiques.
La crise systémique paraît inévitable.
La crise systémique paraît inéluctable : la mortelle randonnée des pays développés
Les pays développés ne savent plus créer de la croissance que par l’endettement. On a construit des véritables « falaises de crédit », à la base de celles-ci se trouve l’endettement des ménages, le premier étage est constitué par l’endettement des entreprises et le dernier étage par l’endettement public. A peine a-t-on consolidé les fondations que le dernier étage menace de s’écrouler.
La période antérieure à la crise a été marquée par l’envolée de l’endettement des ménages et de la dette globale : celle-ci représentait, aux Etat-Unis, 350% du PIB.
Si on s’intéresse au bilan de la Fed, on se rend compte que ces tendances n’ont pas été remises en cause.
Le total des crédit titrisés des GSE (Fannie Mae et Freddie Mac) américains étaient de 4000 milliards de dollars en 2008. La Réserve fédérale aurait acheté, en 2009, prés du quart du portefeuille de créances anciennes titrisées. Cela n’a pas de sens ! La crise immobilière n’a jamais atteint une telle virulence. On peut donc faire l’hypothèse que la Fed rachètera une partie des nouveaux mortgage backed securities (MBS), postérieurs à la crise, émis par les GSE.
Il s’agirait par ce biais de stabiliser le marché immobilier et de relancer ainsi la consommation.
Dominique Srauss-Kahn, le directeur général du FMI, prévoyait une reprise au premier semestre 2010, en s’appuyant sur la stabilisation du marché immobilier américain.
Or, d’après la note de conjoncture du Figaro du 27 janvier 2010, intitulée : « Immobilier américain : statistiques préoccupantes », on serait loin du compte : « En terme de transactions, que ce soit dans le neuf ou l’ancien, les chiffres font état d’une situation préoccupante, avec des chutes en décembre qui n’ont jamais été atteintes depuis que les indices ont été créés ».
En outre, la Société Générale, dans une étude intitulée : « Worst case debt scenario : Protecting yourself against economic collapse », fait état d’un risque de crise systémique.
Elle part du constat que l’endettement américain est préoccupant à cause de l’écart croissant entre les dépenses et les recettes fiscales, creusant ainsi un déficit de 1600 milliards de dollars depuis 2009.
Dans les prochaines années, on peut faire l’hypothèse réaliste que les recettes fiscales augmenteront moins vite que ne se creusera le déficit. Les auteurs mettent en relief, à partir du cas Japonais, la corrélation négative qui existe entre la croissance et le niveau de la dette publique. L’augmentation du chômage et le vieillissement de la population devraient accentuer, en Europe et aux Etats-Unis, la tendance à la hausse des dépenses publiques.
Elle fait aussi référence à l’accélération de la tendance au transfert de la richesse, des économies développées vers les économies émergentes. Allons plus loin, on peut même supposer que la Chine va porter de moins en moins d’attention au marché américain et se recentrer sur son marché intérieur et sa zone d’influence (comme semble le montrer la récente baisse de ses achats de bons du Trésor). Un tel revirement modifierait en profondeur le système économique et financier mondial, et forcerait les Etas-Unis a revoir, dans la douleur, leur problème de dette.
On peut donc dégager un élément clef de la crise systémique à venir : avant la crise, l’endettement des ménages a compensé les revenus que les pays riches ont perdus au fur et à mesure de leur désindustrialisation. Que va-t-il se passer, maintenant que ce mécanisme de compensation ne peut plus jouer ? La seule solution, c’est que la dépense publique vienne compenser les pertes de revenus des pays riches, qui s’accélèrent.
Un tel transfert de richesse amènera inéluctablement, à terme, au transfert de la recherche et développement et des emplois qualifiés, vers les pays émergents.
EADS a signé un contrat avec la Chine afin d’installer une usine qui fabriquera des Airbus, les Chinois ont exigé que celui-ci contienne des clauses de transfert de technologies. Areva a été devancé par un groupe Coréen dans l’attribution du marché du nucléaire à Singapour.
Enfin, quant on lit le rapport de fin d’année d’IBM, on s’aperçoit que cette société n’a pas connu la crise, grâce à la croissance des marchés émergents : IBM France représente 7800 personnes et IBM Inde, 40.000 personnes.
On en revient donc au même point : un modèle de croissance inadapté basé sur la prédominance du secteur financier, qui nous oblige à substituer à l’endettement privé, l’endettement public.
La crise systémique pose donc le problème d’un secteur financier à la fois dominant et non viable.
Dominant, parce que la crise a amené à la création de banques qui sont trop grosses pour faire faillite, elles bénéficient de ce que l’on appelle l’aléa moral : elles sont certaines, en cas de crise grave d’être renflouées par l’Etat, autrement dit le contribuable.
Non seulement on n’a pas remis en cause le système d’incitations perverses qui a poussé, avant la crise, à des prises de risque démesurées, mais on a institutionnalisé celui-ci.
La crise a, en outre, mis en lumière la relation fonctionnelle qui existe, entre les grandes banques américaines et l’élite politique. Difficile d’être élu, aux Etat-Unis, sans l’appui des grandes sociétés ou des grandes banques.
Les états du G-20 ont consacré 17,6% de leur PIB au soutien direct du système bancaire, il y avait donc une contrepartie implicite : les banques devaient soutenir l’activité.
Or, elles ont détourné les sommes mises à leur disposition vers les marchés financiers, afin de doper leurs profits de trading et ont contracté, parallèlement, leur encours de crédit, de manière à restaurer leur rentabilité.
On touche, ici, à un autre ressort essentiel de la crise systémique : le système bancaire n’alloue pas le capital et les risques de manière efficiente, mais en fonction de ses intérêt propres. Il tend à imposer ses règles, même si elles se révèlent destructrices pour le système économique et les nations. Il perd toute utilité sociale.
Comme le faisait remarquer, non sans humour, Paul Volcker (ancien patron de la Fed) : « La seule innovation financière dont l’utilité sociale est incontestable, est le distributeur automatique de billets ».
Il va falloir rajouter un nouveau chapitre à la crise : celui de la crise politique.
La crise politique va hâter le déclenchement de la crise systémique : 42ème parallèle
Au vu de ce qui précède, comment pourrait-on définir le secteur financier américain ?
Comme un secteur qui jouit d’une rente de monopole, car il est le seul à pouvoir assurer le financement de l’endettement global. La richesse passe par la détention d’actifs, qui sont, comme le montrent les CDS, la promesse de payer à quelqu’un une somme d’argent en cas de survenance d’un événement. La part de plus en plus importante dans le PIB, de paris sur les fluctuations des prix (produits dérivés, produits structurés, etc.), tend à évincer les activités socialement utiles, au profit d’activités parasitaires qui ne créent aucune valeur. Il s’agit d’un jeu à somme nulle.
Ce prodigieux pouvoir s’appuie à la fois sur une grande influence politique et sur une maîtrise de l’information stratégique, grâce aux agences de notation.
Maîtrise de l’information stratégique, dans le cas des marchés de produits titrisés qui sont des marchés de gré à gré, où il n’existe pas de chambre de compensation officielle et d’instance de régulation. Il était donc impossible, à un investisseur de pouvoir connaître le risque réel associé à ce type de produit, d’autant plus que les agences de notation, leur assuraient qu’il s’agissaient de produits sans risque.
Quant à l’influence politique, elle s’appuie avant tout sur un fabuleux effort de lobbying, comme le montre une récente étude (« A Fistfull of dollars : lobbying and financial crisis », par Deniz Igan, Prachi Mishra et Thierry Tressel, Working Paper n° 287, FMI, 2009). Elle infirme l’idée selon laquelle ce serait le gouvernement américain qui serait à l’origine de la création des subprimes, en obligeant les institutions financières à accorder des crédits aux classes défavorisés ainsi qu’aux minorités ethniques. Elle explique ainsi que : « les principales institutions impliquées dans les excès des « subprimes » sont également celle qui ont le plus dépensé d’argent dans le lobbying des députés américains. Entre 2000 et 2006, les institutions financières américaines ont investi de 60 à 100 millions de dollars pour faire du lobbying. La majeure partie de ces actions étaient ciblée sur les prêts immobiliers et leur titrisation ».
Il n’est pas exagéré d’en déduire que ces institutions ont largement influé sur la qualité des régulations qui ont été mises en oeuvre sur ces marchés. Ajoutons à cela que la finance américaine s’est engagée dans un lobbying forcené afin de limiter la régulation sur les produits dérivés et sur le marché des CDS en particulier, afin de protéger leur rente de situation. Leur puissance de feu est énorme, puisque leur profit représente 40% des profits de l’ensemble des sociétés américaines (alors qu’il n’avait jamais excédé 16%, de 1973 à 1985).
A partir de ce qui précède, on comprend mieux pourquoi les états du G-20 ont consacré 17,6 % de leur PIB au soutien de l’activité directe des banques, sans exiger de contreparties explicites.
Les institutions économiques (les règles) et les acteurs de l’économie mondialisée ont réduit les institutions politiques et les institutions sociales, qui ne se conçoivent qu’à une échelle nationale, à des rouages subalternes.
Les grandes institutions financières internationales contrôlent plus le monde politique, que celui-ci ne les contrôle. Dès lors, la régulation est un leurre.
Les démocraties occidentales ont perdu ce qui faisait leur force : l’efficience adaptative, qui résultait d’un long processus historique qui a commencé au 10ème siècle. Des institutions économiques, politiques et sociales cohérentes, souples et adaptatives qui permettaient de rechercher des solutions pertinentes, tout en limitant le coût des erreurs.
Dans une récente étude réalisée par Globescan dans 22 pays, on apprend que pour la majorité des personnes interrogées, les gouvernements sont considérés comme les principaux responsables de la crise.
Le reproche qui leur est adressé porte-t-il sur le fait qu’ils n’ont pas agi assez tôt, ou sur le fait qu’ils auraient trop aidé les banques.
Quoiqu’il en soit, il est certain que les populations considérées porteront au passif de leurs gouvernements les souffrances endurées.
Si on ajoute à cela que la situation greque est le film en accéléré de ce qui va se passer dans la plupart des pays : baisse de la dépense publique et augmentations des impôts.
Ce qui aura pour conséquence un démembrement de la protection sociale, un gel des salaires et des retraites, et une évolution similaire à celle du Japon dans les années 1990, au mieux, et au pire, à une rechute dans la récession, comme dans les années 1937-1938 au Etas-Unis.
On comprend que la défiance des gouvernés vis-à-vis des gouvernants, ne peut aller qu’en augmentant.
Taine, dans « Les origines de la France contemporaine », expliquait la Révolution Française par le fait que les privilèges exorbitants de la noblesse et du clergé n’avaient pas de contreparties explicites, alors que ceux-ci comportaient initialement des contreparties : s’occuper de la santé, de l’éducation, des indigents.
Évidemment, nous ne sommes pas à la veille d’une révolution. Mais il faut, toutefois, remarquer que le mécanisme évoqué plus haut peut s’appliquer à la situation actuelle : le système financier jouit de privilèges exorbitants (l’aléa moral, par exemple) qui n’ont pas de contreparties explicites.
Prenons l’exemple de l’aléa moral. Il a été étudié par Joseph Stiglitz en s’appuyant sur l’exemple du marché de l’assurance santé. Il repose sur l’asymétrie de l’information. En effet, un individu peut avoir des conduites à risque à partir du moment où il a souscrit un contrat d’assurance contre ceux-ci, alors que l’assureur n’a aucun moyen d’avoir accès à cette information.
La solution consiste donc à imposer des pénalités tellement fortes, qu’elles compensent la faible probabilité d’être découvert.
Si on applique ce raisonnement au système financier, il aurait fallu mettre en place un système de pénalités qui décourage celui-ci d’avoir recours à l’aléa moral.
Or, l’Etat semble se comporter comme un assureur, qui ne cherche pas à corriger le problème de l’aléa moral. Au contraire, il l’augmente, en créant des mastodontes bancaires qui sont « too big to fall » ["trop gros pour faire faillite"]. Autrement dit, on socialise les pertes et on privatise les profits.
L’existence de privilèges qui n’ont pas de contreparties explicites, est un mécanisme destructeur pour tout système politique démocratique.
Quand les personnes interrogés (étude de Globalscan) rendent responsables les gouvernement de la crise actuelle, cela veut dire deux choses :
- elles ne pensent pas que les gouvernements peuvent résoudre la crise et donc, les problèmes auxquels elles sont confrontées,
- elles leur reprochent surtout leur proximité avec le pouvoir financier, voit leur soumission à ce dernier.
La rupture de la relation mandants (électeurs) mandataires (élus) ne peut que se traduire par une crise politique. La crise a tracé un frontière infranchissable, un 42ème parallèle (d‘après le titre du très beau roman de John Dos Passos), entre les perdants (salariés, retraités, PME et, à terme, le système politique) et le grand gagnant de la crise : le système financier.
L’Amérique a évité une dépression, et les mesures de soutien adoptées par l’administration Obama y ont contribué, mais les rapporteurs du centre national du marché du travail constatent : « une véritable dépression de l’emploi touche ceux qui se situent en bas de la répartition des revenus (taux de chômage de 30,8%, supérieur de 5 points à celui de la Grande Dépression), et une profonde récession prévaut dans les catégories situés au milieu de l’échelle de la répartition des revenus ».
On peut donc penser que la crise politique va faire passer la crise systémique d’un stade latent à un stade aigu. En premier lieu, parce qu’on n’a ébauché aucune solution aux problèmes de fond : répartition très inégalitaire des richesses et des revenus, déficit structurel des pays riches vis-à-vis des pays émergents, croissance tiré par l’endettement, système financier dominant et inefficient.
Notre modèle de croissance basé, sur la séquence : crédit – endettement – dette, est obsolète. En second lieu, parce que les systèmes politiques et les gouvernements semblent incapables de jeter les bases d’un nouveau modèle de développement.
La crise actuelle a deux phases. La première phase, marqué par l’éclatement de la bulle immobilière, a été amplifiée par l’éclatement de la bulle des produits toxiques, ce qui a entraîné l’éclatement de la bulle de l’endettement des ménages.
Lors de la seconde phase, il y a un risque d’éclatement de la bulle de l’endettement public, à cause de la crise politique qui paraît inéluctable, ce qui pourrait entraîner l’éclatement de la bulle de l’endettement global et provoquer ainsi un véritable « tsunami financier ».
Un krach paraît donc inévitable en 2010 puisque, comme l’explique Kenneth Rogoff (dans son dernier ouvrage cité plus haut), la défaillance d’un Etat (ou de plusieurs) paraît inévitable : se posera alors de manière aiguë le problème d’un modèle de croissance totalement inadapté (crise systémique).
La route 66 est la route du rêve américain. Immortalisée par « Les raisins de la colère » de Steinbeck, elle traverse les Etats-Unis d’Est en Ouest, 3940 kilomètres de Chicago à Los Angeles. La misère est de retour : on y retrouve ceux qui s’étaient vus propriétaires d’une maison qui n’arrêtait pas de monter, et qui se retrouvent sans rien, même pas un toit sur la tête. Les victimes de la titrisation du rêve américain.
La route 66 risque d’être une voie sans issue, tant que certains ont des privilèges exorbitants qui n’ont pas de contreparties explicites.
Par Paul Bara
source: http://www.24hgold.com/francais/actualite-or-argent-le-krach-de-2010--la-crise-systemique-.aspx?article=2749370896G10020&redirect=false&contributor=Paul+Bara