Heathcliff, merci pour ce sujet, sur lequel je vais donner quelques lignes car j'ai lu un peu Guénon et j'avoue ne guère apprécier. Outre le fait qu'on trouve dans ses ouvrages des causeries sur des interprétations symboliques que les francs-maçons doivent adorer, - j'avoue encore ne rien avoir compris à ce que Guénon entendait par "Tradition", sinon le fait de s'envelopper dans les plis de symboles. Si c'est cela, alors je suis d'accord, et je partage l'avis que la recherche du sens est primordial à l'homme qui n'est qu'homme que lorsqu'il tend vers cet effort. Mais si c'est cela, alors le terme de Tradition me semble bien peu approprié, la confusion est régnante dans ses ouvrages, et on ne sait, en les fermant, qu'une chose : la Tradition, c'est bien ; ce qui ne l'est pas, c'est mal.
Si donc quelqu'un peut m'expliquer le point de vue guénonien de la Tradition, je lui en serait reconnaissant.
La présente discussion est intéressante. Elle mérite, je pense, un développement. En effet, puisque "Tradition" possède une définition académique, on peut supposer qu'elle puisse se contrarier avec la définition guénonienne et rendre les esprits confus (d'autant que Guénon reste obscur sur ce terrain, moi qui pourtant me targue d'être un littéraire et d'avoir presque atteint 30 ans de réflexions soumises à des expérimentations comme on le fait en science).
La définition académique est, en gros, "ce qui se transmet pendant un grand laps de temps".
Evidemment, la question qui surgit est celle du progrès, en tant que rupture. Mais il y a aussi beaucoup d'autres questions analogues, comme la notion d'équilibre. J'incite les esprits curieux à vérifier leur savoir en cherchant dans le dictionnaire ce que ce mot peut signifier. On y trouvera une notion plus riche, celle d'équilibre dynamique. Cet aparté n'est pas innocent, il doit susciter la réflexion pour ce sujet.
Sur la dégénérescence LLP-iste. Voilà un thème également fondamental. Je vais être à la fois prudent et provocateur en disant que, d'une part, je suis convaincu des nombreux aspects néfastes à l'homme provoqués par les sociétés de rupture, dites antitraditionnelles. Plus nettement, il suffit de dire qu'une société conservatrice a pour bienfait de se conserver. On en trouve encore de nombreuses de par le monde. Pour ceux (et peut-être surtout celles) qui sont tentés par "l'harmonie" et l'équilibre, je les engage à rejoindre ces sociétés, dans les Indes ou aux Afriques ou dans le Grand Nord, - on peut y choisir son climat. Ces personnes vivent certainement mieux : parce qu'elles ne se posent pas de questions existentielles (la Tradition, en tant que mythologies, leur apporte les réponses). Or voici mon apport provocateur : C'est là question de race (dont les genres - m / f - n'échappent pas). Il semble bien évident que des différences profondes se sont gravées dans les chaires des uns et des autres, et l'Européen, que je connais bien pour en faire partie, est un "enfant terrible" parmi tous. Il ne pourra jamais s'empêcher de réfléchir, de chercher, de risquer, de refaire jusqu'à satisfaction (et ceci dans un processus sans fin).
L'autre considération, qui vient toujours dans un tel débat, est la question du bonheur. Il me semble qu'on peut lier, d'une certaine manière, bonheur et dégénérescence par un lien logique. Encore faut-il s'entendre sur le terme de bonheur, car on doit bien admettre que sans son antithèse, ce sentiment ne peut avoir de sens. Ainsi donc, sans sentiment de rupture (succession de malheurs et de bonheurs), comment être "pleinement en vie" ?
Je dois conclure provisoirement ce petit mot. La tradition païenne a fait suite à la tradition monothéiste. On parle de tradition, parce que la rupture s'est concrétisée dans la durée. On peut parler ainsi d'autres traditions sociales, sans qu'elles se rapportent nécessairement à la religion. Si l'on considérait un ordinateur comme un miroir magique (ce qu'il peut être sans effort de transposition), alors une mystique pourrait se développer, et des gestes plus déférants pourraient accompagner sa mise en oeuvre. De là, il deviendrait un outil d'aide à l'amélioration de son utilisateur (cf mon ambitieux projet qui prend corps enfin après bien des années).
Car c'est la représentation que l'on a des choses qui confère ou non leur importance. Le sacré n'est qu'une considération extrême, une attention (base de l'intelligence) aiguë et soutenue. Une compréhension, finalement.
Et voilà la conclusion : une société chasse l'autre sur la base d'une réalité plus forte s'imposant aux esprits. La guerre des mondes est une guerre de codes, c'est-à-dire d'information. Je ne crois pas que le but de l'homme soit d'être heureux, au sens femelle du terme (se sentir bien). Le but de l'homme serait d'être homme, c'est-à-dire plus-qu'homme (au moins pour une de ses branches). Faire des fautes est le seul moyen efficace pour apprendre. Or pourquoi apprend-t-on ? Le progrès n'est pas un but en soi, et il n'est pas nécessairement positif : c'est un moyen. L'ordinateur, comme la magie, est un moyen. La différence : l'un fonctionne, pas l'autre. Une autre différence : l'une envoute, pas l'autre. Sur ce dernier point, il suffirait de symboliser la technique pour l'enchanter, comme l'ont toujours fait nos grands ancêtres...