L'influence majoritaire (de Solomon Asch)
Solomon Asch invita des étudiants à participer à un prétendu test de vision. Tous les participants étaient complices avec l'expérimentateur, sauf un. L'expérience avait pour objet d'observer comment cet étudiant (le sujet) allait réagir au comportement des autres.
Les complices et le sujet furent assis dans une pièce et on leur demanda de juger la longueur de plusieurs lignes tracées sur une série d'affiches. A chaque fois, il fallait qu'ils désignent laquelle était la plus courte, lesquelles étaient de même longueur, etc. Les complices donnaient systématiquement une réponse fausse.
Tandis que la plupart des sujets répondirent correctement, beaucoup furent assez perturbés, et un grand nombre (33%) se conformaient avec les mauvaises réponses de la majorité (lorsqu'il y avait au moins 3 complices). Ils étaient même amenés à estimer que deux lignes avaient la même longueur, alors que l'écart était très visible, de plus de 5cm.
* Lorsqu'il n'y avait pas unanimité parmi les complices, les sujets avaient moins tendance à se tromper ;
* Des sujets témoins qui n'étaient pas soumis à un point de vue majoritaire, n'eurent aucun mal à donner toujours la bonne réponse.
L'expérience en vidéo ! : https://www.dailymotion.com/video/x2vf3u_asch-experience_tech
Petite variante interessante : https://www.dailymotion.com/video/x63dpe_group-pressure_fun?from=rss
Comment expliquer le conformisme ?
Asch demande ensuite aux participants pourquoi ils ont abandonné leur avis personnel. Il obtient deux types de réponses :
- La peur du ridicule, d'avoir l'air idiot, d'être rejeté (PEUR DE LA DESAPROBATION SOCIALE),
- Le doute quant à la validité de sa propre réponse.
Deux formes d'influences sociales expliquent le conformisme :
- L'influence informationnelle : utilisation des réponses des autres pour avoir des informations sur l'exactitude de sa propre réponse. C'est un conflit cognitif.
- L'influence normative : l'individu suit le groupe parce qu'il cherche à respecter les normes établies par celui-ci. C'est un conflit motivationnel.
L'influence informationnelle est particulièrement importante quand on est confronté à une tâche que l'on ne maîtrise pas. D'où l'interêt de ne pas nous instruire dans un 1er temps, puis de balancer les sondages sur tout et n'importe quoi.
L'influence normative est importante quand le groupe est important pour nous (des gens que l'on sera amené à revoir).
La soumission à l'autorité (de Stanley Milgram)
L'objectif réel de l'expérience est de mesurer le niveau d'obéissance à un ordre même contraire à la morale de celui qui l'exécute. Des sujets acceptent de participer, sous l'autorité d'une personne supposée compétente, à une expérience d'apprentissage où il leur sera demandé d'appliquer des traitements cruels (décharges électriques) à des tiers sans autre raison que « vérifier les capacités d'apprentissage ». L'expérience était présentée comme l'étude scientifique de l'efficacité de la punition (ici, par des décharges électriques) sur la mémorisation.
La majorité des variantes de l'expérience ont eu lieu dans les locaux de l'université Yale. Les participants étaient des hommes de 20 à 50 ans de tous milieux et de différents niveaux d'éducation.
L’expérimentateur (E) amène le sujet (S) à infliger des chocs électriques à un autre participant, l’apprenant (A), qui est en fait un acteur. La majorité des participants continuent à infliger les chocs jusqu'au maximum prévu (450V) en dépit des plaintes de l'acteur.
L’expérimentateur (E) amène le sujet (S) à infliger des chocs électriques à un autre participant, l’apprenant (A), qui est en fait un acteur. La majorité des participants continuent à infliger les chocs jusqu'au maximum prévu (450V) en dépit des plaintes de l'acteur.
La majorité des variantes comporte trois personnages ->
* l’élève ou apprenant (learner), qui devra s'efforcer de mémoriser des listes de mots et recevra une décharge électrique, de plus en plus forte, en cas d'erreur;
* l'enseignant (teacher), qui dicte les mots à l'apprenant et vérifie les réponses. En cas d'erreur, il enverra une décharge électrique destinée à faire souffrir l'apprenant;
* l’expérimentateur (experimenter), représentant officiel de l'autorité, vêtu de la blouse grise du technicien, de maintien ferme et sûr de lui [a 1].
L'expérimentateur et l'apprenant sont en réalité des comédiens, et les chocs électriques fictifs.
Dans le cadre de l'expérience simulée (apprentissage par la punition), apprenant et enseignant sont tous deux désignés comme « sujet »(subject). Dans le cadre de l'expérience réelle (niveau d'obéissance, soumission à l'autorité), seul l'enseignant sera désigné comme sujet.
Au début de l'expérience simulée le futur enseignant est présenté à l'expérimentateur et au futur apprenant, on lui décrit les conditions de cette expérience, on l'informe qu'après tirage au sort il sera l'apprenant ou l'enseignant, puis on le soumet à un léger choc électrique (réel celui-là) de 45 volts pour lui montrer un échantillon de ce qu'il va infliger à son élève et pour renforcer sa confiance sur la véracité de l'expérience. Une fois qu'il a accepté le protocole un tirage au sort truqué est fait, qui le désigne systématiquement comme enseignant.
L'apprenant est ensuite placé dans une pièce distincte, séparée par une fine cloison, et attaché sur une chaise électrique. Le sujet cherche à lui faire mémoriser des listes de mots et l'interroge sur celles-ci. Il est installé devant un pupitre où une rangée de manettes est censée envoyer des décharges électriques à l'apprenant. En cas d'erreur, le sujet enclenche une nouvelle manette et croit qu'ainsi l'apprenant reçoit un choc électrique de puissance croissante (15 volts supplémentaires à chaque décharge). Le sujet est prié d'annoncer le voltage correspondant avant de l'appliquer.
Les réactions aux chocs sont simulées par l'apprenant. Sa souffrance apparente évolue au cours de la séance: à partir de 75 V il gémit, à 120 V il se plaint à l'expérimentateur qu'il souffre, à 135 V il hurle, à 150 V il supplie qu'on le libère, à 270 V il lance un cri violent, à 300 V il annonce qu'il ne répondra plus. Lorsque l'apprenant ne répond plus, l'expérimentateur indique qu'une absence de réponse est considérée comme une erreur. Au stade de 150 volts, la majorité des sujets manifestent des doutes et interrogent l'expérimentateur qui est à leur côté. Celui-ci est chargé de les rassurer en leur affirmant qu'ils ne seront pas tenus pour responsables des conséquences. Si un sujet hésite, l'expérimentateur lui demande d'agir. Si un sujet exprime le désir d'arrêter l'expérience, l'expérimentateur lui adresse, dans l'ordre, ces réponses :
1. « Veuillez continuer s'il vous plaît. »
2. « L'expérience exige que vous continuiez. »
3. « Il est absolument indispensable que vous continuiez. »
4. « Vous n'avez pas le choix, vous devez continuer. »
Si le sujet souhaite toujours s'arrêter après ces quatre interventions, l'expérience est interrompue. Sinon, elle prend fin quand le sujet a administré trois décharges maximales (450 volts) à l'aide des manettes intitulées XXX situées après celles faisant mention de Attention, choc dangereux. Les résultats montrent que 65% des personnes vont jusqu'à 450 volts alors qu'à partir de 315 volts le sujet qui reçoit les decharges ne donne plus signe de vie !!!!! 65% des gens sont donc prêts à tuer à condition que la responsabilité de ce qu'ils font soit reporté sur une plus haute autorité.
Reconstitution de l'expérience de Milgram : https://www.dailymotion.com/video/x10qkf_milgram-soumission-a-l-autorite_politics
Véritables images de l'expérience de l'époque !! : https://www.dailymotion.com/video/x1f85l_presentation-de-lexperience-milgram_events
L'influence minoritaire (de Serge Moscovici)
L'expérience se déroule en deux phases : dans la première, la tâche proposée consiste à juger la couleur et l'intensité lumineuse de 6 diapositives bleues. Les groupes expérimentaux sont composés de 4 sujets naïfs et 2 « compères ». Tout le monde donne sa réponse à tour de rôle et à haute voix. Les « compères » répondent soit en position 1 et 2 soit en position 1 et 4 et donnent systématiquement une mauvaise réponse pour la couleur : « vert » au lieu de « bleu ». Les groupes contrôle sont quant à eux composés de 6 sujets « naïfs » qui donnent leurs réponses par écrit. Dans la situation expérimentale, les participants se rallient à la mauvaise réponse donnée par les « compères » dans 8,25% des cas contre 0,25% dans les groupes contrôle. Dans la deuxième phase, les mêmes participants que lors de la première phase reçoivent pour tâche de juger la couleur de pastilles plus ou moins bleues ou plus ou moins vertes. Les résultats montrent alors que dans la situation expérimentale, le seuil de détection du vert était plus faible que dans le groupe contrôle.
On voit que l'innovation renvoie à un processus d'influence d'une minorité, à l'opposé du conformisme examiné précédemment qui correspond à un processus d'influence majoritaire. Quelles sont les conditions d'efficacité d'une influence minoritaire ? Elles se résument à un mot : la consistance, tant interne (ou intra-individuelle : la personne semble convaincue de ce qu'elle affirme) que sociale (ou inter-individuelle : le groupe minoritaire adopte une position ferme et valide). Le sens commun véhicule l'idée qu'une minorité d'individus ne peut guère influencer une majorité écrasante. La psychologie sociale montre précisément le contraire : tandis que l'influence majoritaire (conformisme) implique un changement temporaire et de façade (je suis l'avis du groupe dans une situation particulière), l'influence minoritaire induit un changement beaucoup plus profond et insidieux et bien sûr plus durable pouvant amener à une conversion brutale (tout commence avec la réflexion courante : « tout de même, ces gens répètent la même chose depuis des années avec une telle certitude, il doit y avoir quelque chose de vrai dans ce qu'ils racontent »).
Dernière édition par Nourdine le 23/1/2010, 21:08, édité 3 fois