Le mauvais génie du judaïsme3. Du Dieu fou à l’État sociopathe
Dans le précédent article, j’ai dressé de Yahvé le portrait d’un « sociopathe parmi les dieux », sur la base de sa rage exterminatrice de tous ses congénères divins. J’ai également comparé l’auto-proclamation de ce méchant dieu tribal comme seul vrai Dieu à une forme de délire narcissique. Je m’intéresserai ici à Yahvé, non plus dans sa relation aux autres dieux, mais dans sa relation à son peuple élu. Comprendre la psychologie collective juive suppose de déterminer comment les Juifs ont été entraînés depuis une centaine de générations à intérioriser sur le plan cognitif l’autorité de Yahvé incarnée depuis Moïse par ses « élites représentatives ». Le père psychopatheL’idée que Yahvé se comporte avec son peuple comme un père sociopathe ou psychopathe [1] est une idée déjà formulée par le romancier Philip Roth à travers le personnage de Smilesburger dans
Opération Shylock :
« Les Juifs connaissent Dieu, ils savent que depuis le premier jour où Il a créé l’homme, Il a été en colère contre lui du matin au soir. […] S’en remettre à un père fou et violent, et depuis trois mille ans, voilà ce que c’est que d’être un fou de Juif ! » [2]
Le psychopathe, rappelons-le, se caractérise par l’absence d’empathie et de conscience morale. Les critères diagnostiques incluent aussi le mensonge chronique et la manipulation, en quoi le psychopathe développe une grande expertise dans sa quête de pouvoir. Le psychopathe ne ressent que des émotions très superficielles et n’a de sentiments pour personne, mais il développe une grande aptitude à donner le change. Il peut être charmeur et charismatique, et ment avec un aplomb déconcertant [3].
Dans le cadre de notre réflexion sur la relation de Yahvé à son peuple élu, la situation qui, par comparaison, permet le meilleur éclairage est celle d’un père qui, pour une raison ou une autre, a décidé de réaliser ses ambitions à travers son fils unique. Il fait alors de celui-ci une extension de son propre égo, pour le vider de toute autonomie spirituelle. S’il l’exalte au-dessus de tous, ce n’est que pour nourrir son propre narcissisme. Le fils d’un tel père psychopathe, à moins d’échapper précocement à l’emprise de son père, n’a d’autre choix que de structurer sa personnalité en mimant la sociopathie paternelle ; il apprend à ne voir autour de lui quel des ennemis, des alliés ou des idiots utiles. Mais son autonomie psychique le pousse aussi à s’émanciper de ce père qui vit en lui, au prix de terribles déchirements.
Le père psychopathe est un dieu jaloux : il s’applique à contrôler toute relation que tisse son fils avec d’autres personnes, et à saper toute confiance qu’il pourrait placer en elles. S’il est suffisamment vigilant, son fils ne trouvera autour de lui aucun réconfort, aucune figure parentale de substitution, et donc aucun levier de résilience. Il sera entraîné à percevoir toute attention généreuse comme une menace, tout geste de sympathie comme une agression. Il ne saura jamais ce que signifie être aimé pour soi-même, et verra le monde comme une partie de poker où personne nul ne peut être cru.
Le comportement de Yahvé à l’égard de son peuple dans l’histoire biblique ressemble à celui de ce père psychopathe, et la psychologie collective juive est celle du fils du psychopathe. Yahvé est un père pour son peuple, mais un père possessif («
Vous serez pour moi un bien personnel » Exode 19,5-6) qui pour maintenir son peuple sous contrôle l’empêche de former toute alliance empathique avec d’autres peuples.
Les Juifs sont sommés de placer leur entière confiance en Yahvé seulement, c’est-à-dire à ceux qui parlent en son nom. Les interdits cultuels et alimentaires sont là, précisément, pour empêcher toute socialisation en-dehors de la tribu : «
Je vous mettrai à part de tous ces peuples pour que vous soyez à moi » (Lévitique 20,26).
Il s’agit en outre de convaincre les Juifs que tous ceux qui voudraient être leurs amis sont en réalité leurs pires ennemis, que toute confiance accordée aux Gentils mène au désastre. La leçon biblique est toujours la même : la main tendue par autrui est un piège mortel. Celui dont tu cherches l’amitié est ton pire ennemi. Cette pierre angulaire de l’idéologie biblique enferme le peuple juif dans un cercle cognitif vicieux, les empêchant de tirer la seule leçon sensée de leur expérience : que les échanges favorisent la bonne entente des peuples, tandis que le refus des contacts engendre l’hostilité.
Selon la Bible, le peuple élu n’a d’obligation qu’envers Yahvé, jamais envers ses voisins. Et lorsque ces derniers se montrent hostiles, leurs griefs sont sans intérêt, puisqu’en définitive, c’est toujours Yahvé qui les dirige contre son peuple quand il a décidé de le punir. Depuis plus de deux mille ans, les Juifs se voient constamment rappelés par leurs élites que les persécutions dont ils sont victimes sont le résultat, non pas de leur comportement blessant à l’égard des Gentils, mais au contraire de leurs efforts pour vivre avec eux en bonne entente, efforts assimilés à une infidélité envers Dieu.
Il ne vient pas à l’esprit du psychopathe de s’interroger sur le ressenti de l’autre pour tenter de comprendre sa colère, parce que l’autre est, fondamentalement, un objet dénué de liberté : ses actes et son comportement sont donc des événements dont la motivation est sans intérêt.
Le psychopathe a une vision mécanique des hommes et des rapports humains (et de lui-même, d’une certaine façon) : il n’y voit que des rapports de pouvoir. Pour cette raison, il développe souvent un goût immodéré pour l’argent, et pense que les gens s’achètent comme les choses. Bien que dépourvu de conscience morale, il a aussi généralement une perception aiguë de la loi, qu’il perçoit comme les règles du jeu, mais qu’il enfreint sans état d’âme s’il le peut. Dans un article précédent, nous avons montré que la réduction du lien entre l’homme et l’Éternel à une alliance et un code de loi (torah), est lié dans le yahvisme au déni de l’âme, siège de la conscience morale : nous pouvons maintenant le rapprocher du phénomène de la psychopathie. Il n’est pas question, dans le yahvisme, d’élévation morale : la tension fondamentale n’est pas entre le Bien et le Mal, mais entre Yahvé et tous les autres dieux. Le Bien se réduit à l’obéissance aux lois prétendument édictées par Yahvé, et le Mal à la désobéissance.
Même au stade post-exilique, aucun dualisme moral ne vient tempérer le monothéisme exclusif : le serpent du Jardin d’Éden disparaît à jamais de la Bible après cela, et n’a pas de consistance ontologique ; le « diable » ne fera son apparition que dans les Évangiles, et « Lucifer » plus tard encore, sur la base d’une exégèse tendancieuse de la traduction latine d’Isaïe 14,12 ; quant à « Satan », ce n’est aussi que dans la tradition chrétienne qu’il deviendra l’ennemi éternel de Dieu. Il est admis que « satan » est emprunté au langage juridique mésopotamien, où il désigne l’ « accusateur » ; « le satan » est en effet l’avocat de l’accusation en Zacharie 3,1 et dans le
Livre de Job [4]. Dans l’Ancien Testament, lorsqu’il est assimilé à un principe destructeur, Satan se distingue en fait mal de Yahvé lui-même. Ainsi, en 2Samuel 24, Yahvé incite David à un abus de pouvoir, tandis que dans le même épisode raconté par 1Chroniques 21, ce rôle de tentateur est dévolu à Satan. On lit successivement dans ce dernier récit que «
Satan se dressa contre Israël » (21,1), que «
Dieu […] frappa Israël » (21,7), que «
l’Ange de Yahvé ravagea tout le territoire d’Israël » (21,12) et que «
Yahvé envoya la peste en Israël » (21,14).
En définitive, c’est toujours Yahvé qui frappe non seulement les ennemis d’Israël, mais aussi Israël lorsqu’il a démérité à ses yeux. C’est lui qui déclenche les guerres, les épidémies et tous les fléaux imaginables ; il se sert tour à tour d’Israël (comme d’un «
marteau », Jérémie 51,20) pour détruire les nations, et des nations pour détruire Israël. Yahvé est la source du bien comme du mal. (Il s’en suit logiquement, selon une école kabbalistique, qu’on peut le servir aussi bien par le mal que par le bien.)
Le message de Yahvé à son peuple, en substance, est le suivant : « Ne fréquentez pas les idolâtres (les non-Juifs), méprisez leurs traditions et, lorsque c’est possible, exploitez-les, asservissez-les, exterminez-les. Si, après cela, ils vous font violence, c’est de votre faute : vous n’avez pas obéi assez scrupuleusement. » Telle est la désastreuse logique cognitive intériorisée depuis une centaine de générations, qui enferme les Juifs dans le cycle infernal élection-persécution. Cette pensée repose sur le déni de l’humanité de l’autre, ce qui est bien l’essence de la psychopathie. Jamais, au grand jamais, la communauté juive dans son ensemble ne prend en compte les griefs de ses persécuteurs. Ses élites le lui interdisent. Or, qui ne supporte pas de se voir dans les yeux d’autrui n’a pas appris à s’aimer lui-même. Cela répond à la question posée par Theodore Lessing dans
La Haine de soi ou le refus d’être juif (1930) :
« Comment se fait-il que tous les peuples s’aiment eux-mêmes et que le juif soit le seul à s’aimer si mal ? » [5]
Prenons comme illustration de cette leçon biblique l’histoire de Joseph, qui occupe les quatorze derniers chapitres de la Genèse (37-50). Vendu comme esclave par ses frères aînés, Joseph est d’abord au service de l’eunuque royal Putiphar, avant de gagner la confiance du pharaon et devenir son «
maître du palais ». Joseph est à la fois le prototype du Juif de cour qui, s’étant élevé à un poste de responsabilité publique, favorise sa tribu au détriment du peuple qu’il est supposé servir, et qu’en réalité il ruine et asservit par la dette. Joseph est aussi l’accapareur type : ayant en charge de gérer les réserves de grain, il en accumula de grandes quantités pendant les années d’abondance, puis il le négocia au prix fort en période de pénurie, et ainsi «
ramassa tout l’argent qui se trouvait au pays d’Égypte et au pays de Canaan ». Ayant ainsi créé une pénurie monétaire, il force ensuite les paysans à lui céder leurs troupeaux pour, presque littéralement, une bouchée de pain : «
Livrez vos troupeaux et je vous donnerai du pain. » Une année plus tard, les paysans n’ont plus qu’à vendre leur propre personne pour survivre. C’est alors que les soixante-dix membres de la tribu de Jacob, père de Joseph, viennent s’installer à l’est du Delta. Resté fidèle à son sang malgré la traîtrise de ses frères, Joseph obtient pour eux «
une propriété au pays d’Égypte, dans la meilleure région ». C’est ainsi que les Hébreux acquirent en Égypte «
des propriétés, furent féconds et devinrent très nombreux » (47,11-34). Pour tout cela, Joseph est béni par Yahvé et montré en exemple. Ce récit profondément immoral, mais tout à fait central dans la saga du peuple élu, garantit la bénédiction divine sur tous les abus de pouvoir pratiqués contre les étrangers.
Le premier chapitre de l’Exode, qui fait immédiatement suite à l’histoire de Joseph, conte l’inévitable retour de bâton dont sont victimes les Hébreux. Après la mort de Joseph et de sa génération, le nouveau roi égyptien s’alarme que «
le peuple des Israélites est devenu plus nombreux et plus puissant que nous. Allons, prenons de sages mesures pour l’empêcher de s’accroître, sinon, en cas de guerre, il grossirait le nombre de nos adversaires » (Exode 1,9-10)
Les mesures incluent l’imposition de «
durs travaux » (la corvée étant exigée de tous les Égyptiens, il faut sans doute comprendre que c’est l’exemption de cette corvée pour les Juifs qui prend alors fin). C’est pour fuir ce travail forcé que les Hébreux prennent finalement le chemin de Canaan en passant par le Sinaï, non sans «
dépouiller » au préalable les Égyptiens «
des objets d’or, des objets d’argent, et des vêtements » que ces derniers leur avaient confiés en gage de prêts (3,22 et 12,35-36).
Un lecteur critique ne peut s’empêcher d’établir une relation de cause à effet entre, d’une part, la façon dont la tribu de Jacob a bâti et abusé de son pouvoir sur le dos du peuple égyptien, et d’autre part, la volonté du roi égyptien de réduire ce pouvoir. Mais ce lien est précisément l’impensé de la Bible, le point aveugle imprimé dans l’œil juif par la Torah. Du point de vue de Yahvé, le mérite de Joseph est sans tache, et le décret du pharaon pure malveillance.
Yahvé, l’élite et le peuple
Bien entendu, en parlant ici de « Yahvé » comme d’un père psychopathe, je désigne une idée. Que Yahvé soit un personnage imaginaire ne change rien à son emprise psychologique sur ceux qui le prennent pour la divinité suprême. Yahvé n’est que la
persona (le masque) ou le prête-nom des élites lévitiques. Ce sont elles qui, depuis Moïse et Aaron, incarnent l’autorité de Yahvé, parlent, légifèrent et sévissent en son nom. Tous les prophètes, ne l’oublions pas, appartiennent à un clan sacerdotal ou un autre. Par conséquent, selon une lecture politique, le rapport entre Yahvé et son peuple, qui est le fil directeur de l’histoire biblique, n’est qu’une projection du rapport entre les élites sacerdotales et le peuple.
Pour s’en convaincre, lisons le chapitre 42 du
Livre de Jérémie, livre dont l’idéologie est si typiquement deutéronomique que l’on a supposé que Jérémie et son scribe Baruch étaient les rédacteurs principaux du Deutéronome et des six livres bibliques suivants [6].
Après la chute de Jérusalem, les Judéens demandent à Jérémie d’intercéder auprès de Yahvé «
pour que Yahvé ton Dieu nous indique quelle voie nous devons suivre et ce que nous devons faire » [7] : doivent-ils fuir en Égypte pour échapper à l’oppression babylonienne ? Le prophète Jérémie promet d’ «
intercéder auprès de Yahvé votre Dieu » et de les tenir informés de sa réponse : «
Toute parole que Yahvé vous répondra, je vous la ferai savoir, sans vous en rien cacher. »
Au bout de dix jours, Jérémie obtient une réponse de Yahvé et convoque «
tout le peuple, petits et grands » pour les informer que «
le Dieu d’Israël, auprès de qui vous m’avez député pour lui présenter votre supplication », leur ordonne de ne pas se réfugier en Égypte, sous peine d’y mourir «
par l’épée, la famine ou la peste », mais de demeurer plutôt en Palestine. Cependant, quelques «
hommes insolents » sont sceptiques :
« C’est un mensonge que tu débites. Yahvé notre Dieu ne t’a pas chargé de dire : “N’allez pas en Égypte pour y séjourner.” »
Ils accusent Jérémie, notoirement pro-babylonien, de vouloir leur asservissement par Babylone (Jérémie 43,1-3). En conséquence, un grand nombre de Judéens rescapés de la déportation à Babylone se réfugient en Égypte, contre l’avis de Jérémie… et Jérémie se joint à eux.
Il appartient à chacun de se demander si, dans la situation de ces Hébreux, il aurait fait confiance à Jérémie ou aurait douté qu’il tienne ses ordres directement de Yahvé. Quoi qu’il en soit, ici comme dans toute l’histoire biblique, le peuple est présenté comme rebelle à l’autorité de Yahvé incarné par ses prêtres et prophètes. Dans le chapitre suivant, les mêmes Hébreux installés en Égypte tentent de s’émanciper du clergé yahviste, estimant que leurs malheurs sont arrivés parce qu’ils avaient négligé, non pas Yahvé, mais la « Reine du Ciel » Ashéra. Jérémie les menace d’extermination (Jérémie 44).
Il faut bien comprendre que, dans la Bible, la violence tyrannique de Yahvé s’exerce en premier lieu contre le peuple élu lui-même. Le Deutéronome ordonne la lapidation de tout parent, fils, frère ou épouse, qui «
cherche dans le secret à te séduire en disant : “Allons servir d’autres dieux” […], parmi les dieux des peuples proches ou lointains qui vous entourent ».
« Oui, tu devras le tuer, ta main sera la première contre lui pour le mettre à mort et la main de tout le peuple continuera l’exécution. Tu le lapideras jusqu’à ce que mort s’ensuive, car il a cherché à t’égarer loin de Yahvé ton dieu »(Deutéronome 13,7-11).
Pire encore, si «
dans l’une des villes que Yahvé ton dieu t’a données pour y habiter, des hommes, des vauriens, issus de ta race, ont égaré leurs concitoyens en disant : “Allons servir d’autres dieux” […], tu devras passer au fil de l’épée les habitants » et réduire la ville en cendres, afin qu’ «
elle devienne pour toujours une ruine ».
Voilà, conclut le passage, «
ce qui est juste aux yeux de Yahvé ton dieu » (13,13-19).
Lorsque certains Hébreux, échappant au contrôle de Moïse, mangèrent avec les Moabites, s’associèrent à leurs cultes religieux et prirent femmes parmi eux, «
Yahvé dit à Moïse : “Prends tous les chefs du peuple. Empale-les à la face du soleil, pour Yahvé” » (Nombres 25,4).
Lorsqu’un Hébreu eut l’affront d’apparaître sous les yeux de Moïse avec sa femme moabite, Pinhas, petit-fils d’Aaron, fut pris de rage et «
les transperça tous les deux, l’Israélite et la femme, en plein ventre ». Yahvé l’en félicita par la bouche de Moïse car, dit-il, «
il a été possédé de la même jalousie que moi » ; et il le récompensa par «
le sacerdoce à perpétuité » pour sa descendance (25,11-13). N’est-il pas significatif que la prêtrise lévitique est ainsi fondée par Yahvé sur le double meurtre d’un Juif et de son épouse non juive ?
La Bible elle-même témoigne que ce sont les prêtres qui empêchent le peuple juif de nouer toute forme d’alliance avec leurs voisins, et qui le poussent à la violence génocidaire. Le massacre par traitrise de la ville cananéenne de Sichem l’illustre bien : après que le fils du roi Hamor eut ravi la fille de Jacob, Hamor offrit en compensation aux fils de Jacob «
tout ce que vous me demanderez ». Mais ces derniers «
parlèrent avec ruse » en exigeant qu’Hamor fasse circoncire tous ses sujets mâles ; «
alors nous vous donnerons nos filles et nous prendrons les vôtres pour nous, nous demeurerons avec vous et formerons un seul peuple. » Hamor, persuadé que «
ces gens-là sont bien intentionnés », convainquit tous ses sujets mâles de se faire circoncire. Les fils de Jacob profitèrent alors de leur convalescence pour les exterminer, piller la ville et «
ravir tous leurs biens, tous les enfants et leurs femmes » (Genèse 34,1-29) Détail significatif : c’est Lévi, incarnant l’autorité sacerdotale, qui pousse au massacre, tandis que Jacob le réprouve.
Transmission générationnelle
Le fils du psychopathe, s’il s’est structuré sous l’emprise de son géniteur, ne peut ni s’individualiser ni se socialiser de façon épanouie. Son évolution psychologique dépendra de l’intensité de l’investissement du père psychopathe sur lui, de ses capacités naturelles de résilience, des autres attachements émotionnels qu’il parviendra à tisser, et d’autres facteurs inconnus et mystérieux.
En simplifiant à l’extrême, on dira que, durant l’adolescence, le fils du psychopathe n’aura le choix qu’entre se soumettre ou s’autodétruire.
Dans le premier cas, il finira par intérioriser la psychopathie du père (les psychiatres notent un facteur héréditaire dans la psychopathie, mais l’explication est probablement davantage cognitive que génétique). Dans le second cas, s’étant épuisé à expulser le père de son être, le fils errera dans les limbes de la psychose, en attente d’une improbable renaissance. Entre ces deux extrêmes se trouve le vaste domaine de la névrose et de l’Œdipe irrésolu, ainsi que celui des troubles mineurs de la personnalité ou du développement, qui sont tous caractérisés par une déficience de la capacité d’empathie et de la sociabilité.
La communauté juive collectivement est dans cette situation, et chaque Juif l’est dans la mesure exacte où il s’identifie comme représentant du peuple élu ; il est travaillé par des volontés contradictoires plus ou moins conscientes, qui trouvent leur source ultime dans l’ambivalence de sa relation à son dieu ethnique et à ses élites communautaires (deux choses qui n’en font qu’une sur le plan psychologique, puisque Yahvé n’est que la représentation symbolique intériorisée du pouvoir lévitique). Tout Juif, dans la mesure où il se croit juif, ressent ce déchirement, cette tension intérieure, qui est au fond la lutte entre sa judéité et son humanité. C’est l’explication la plus probable du taux important de névroses parmi les Juifs, fréquemment relevé par les auteurs juifs, et notamment la
Jewish Encyclopedia [8] de 1906. Dans le modèle freudien, la névrose résulte du poids excessif du Surmoi, le père symbolique. Or, pour le même Freud, Dieu n’est qu’une projection collective du Surmoi. Par conséquent, Yahvé est le Surmoi collectif des Juifs.
Nombres de Juifs font l’expérience durant leur jeunesse d’un déchirement intérieur entre leur judéité et leur humanité, et gèrent tant bien que mal cette identité double et paradoxale. Illustrons cela par ce témoignage du sociologue Daniel Bell :
« Je suis né en exil, et j’accepte – aujourd’hui de bon cœur, hier dans la douleur – le double fardeau et le double plaisir de ma conscience de moi (self-consciousness), la vie d’un Américain et le secret intérieur du Juif. Je marche avec ce signe comme un frontal entre les yeux [Deut 11,18], aussi visible aux yeux des autres porteurs du secret que le leur l’est aux miens. »
Comme bien d’autres Juifs assimilés et parvenus à la réussite sociale dans leur nation d’accueil, Bell prend avec l’âge une conscience de plus en plus aiguë «
que l’on n’est pas tout seul, que le passé est encore présent, et qu’il y a des responsabilités de participation même lorsque la communauté dont on fait partie est une communauté tissée par les fils fragiles de la mémoire » [9]. C’est ce que l’on peut appeler l’appel de Yahvé.
Il s’agit de bien davantage que d’enracinements et de déchirements familiaux. Renoncer à sa judéité, pour un Juif, est comme s’arracher cette part collective de son âme dont nous avons parlé dans un article antérieur. Les idées ne coulent pas dans le sang, mais chacun porte en lui-même ses ancêtres, de façon mystérieuse et largement inconsciente. Autrement dit, les idées ne sont pas une simple question de choix, car nul ne choisit la manière dont il a structuré dès l’enfance sa vision du monde et de lui-même, son rapport au groupe et aux hommes hors du groupe. Notre héritage culturel s’enracine très profondément dans un inconscient dont les couches les plus profondes sont ancestrales. De ce point de vue, l’endogamie tribale crée un vase-clos mental et non seulement génétique. Pour comprendre cette réalité humaine, il faut faire appel à la psychologie transgénérationnelle, l’un des développements les plus fertiles de la psychanalyse. Ivan Boszormenyi-Nagy parle de «
loyautés invisibles » qui nous rattachent inconsciemment à nos ancêtres [10]. Vincent de Gaulejac, dans
L’Histoire en héritage, évoque les «
nœuds sociopsychiques » et «
impasses généalogiques », situations paradoxales et névrotiques du type : «
Je ne veux pas être ce que je suis. »
En voulant échapper à une situation familiale pénible qui a contribué à son identité, l’individu se trouve souvent conduit à la reproduire malgré lui :
« À vouloir rompre à tout prix, il reste attaché sans comprendre pourquoi. À tenter de se construire dans un ailleurs, il reste surdéterminé par une filiation qui s’impose à lui quand bien même il penserait lui échapper. Ces inscriptions inconscientes conduisent à postuler l’existence d’un passé généalogique qui s’impose au sujet et structure son fonctionnement psychique. [11] »
Ce genre de considérations aide à comprendre les tensions psychologiques qui saisissent toute personne de la communauté juive qui cherche à s’en éloigner, car nulle communauté ne cultive à un si haut degré le sens de la loyauté ancestrale.
La Shoah attitude
Le psychopathe est incapable de se voir du point de vue d’autrui, et toute critique est pour lui une agression irrationnelle. Il ne connaît pas le sentiment de culpabilité, et joue constamment les innocents : ceux qui se sont trouvés sur son chemin, ou qui lui ont fait de l’ombre, sont les seuls responsables de leur destruction. Leurs reproches sont des affabulations sans fondement, et leur colère une haine irrationnelle. Telle est la réaction habituelle des élites communautaires juives face à la critique : celle-ci ne peut être à leurs yeux que l’expression d’un haine viscérale des Juifs, la maladie atavique des Gentils. Les Juifs sont entraînés par leurs élites à n’éprouver aucune responsabilité collective dans l’hostilité des Gentils.
Ces propos d’André Neher sont un bon exemple :
« Une chose que le judaïsme possède et que ne possèdent pas les autres spiritualités, c’est l’innocence. Nous sommes innocents, et nous ressentons d’autant plus profondément que nous sommes innocents que nous avons été accusés. […] C’est de cette innocence dont il faut prendre conscience à l’heure actuelle, et qu’il ne faut jamais renier, jamais, dans aucune circonstance. [12] »
Avec une telle bonne-conscience à toute épreuve, les griefs des Gentils contre les Juifs ne peuvent être que pure malveillance. La judéophobie est «
une perversion congénitale de la mentalité humaine », écrivait le médecin Léon Pinsker dans son manifeste sioniste. «
En tant que psychose, elle est héréditaire, et en tant que maladie transmise depuis deux mille ans, elle est incurable. [13] » C’est un mal si universel et sournois, qu’il est là même lorsque ses symptômes n’apparaissent pas :
« Dans leur grande majorité, les chrétiens — ou reconnus comme tels — sont antisémites. Car même chez les meilleurs, ceux-là même qui ont engagé contre l’antisémitisme nazi le plus généreux combat, il est aisé de relever les traces d’un antisémitisme en quelque sorte subconscient » (Jules Isaac, L’Enseignement du mépris, 1962) [14].
La double conviction de l’innocence absolue des Juifs et de la perversité inhérente des Gentils est une disposition d’esprit pathologique qui remonte en dernière analyse à l’enseignement biblique. C’est elle qui détermine toute la conception juive de l’histoire. Michael Walzer se souvient que l’histoire des Juifs qu’on lui a enseignée n’est qu’ «
une longue suite d’exils et de persécutions – une histoire de l’Holocauste à rebours » [15].
Une peur obsessionnelle de l’antisémitisme doit être entretenue dans l’esprit des Juifs par leurs élites psychopathiques, car elle est le ciment principal de la communauté, le seul capable de résister à l’effet dissolvant de l’assimilation.
Lorsque la judéophobie réelle est en déclin, il devient nécessaire d’agiter le spectre d’un antisémitisme imaginaire. Même endormie, même invisible, la bête immonde doit rester une menace permanente dans tous les esprits. Cette nécessité a conduit les organisations juives à caractériser comme antisémites des attitudes telles que l’indifférence envers les préoccupations des Juifs, ou l’inquiétude pour la surreprésentation des Juifs dans les élites culturelles, intellectuelles, financières et politiques [16].
La Shoah est le mythe central de cette propagande. Chaque acte antisémite, chaque expression de judéophobie, est une petite Shoah, toujours susceptible de préfigurer une nouvelle catastrophe. Dans un sondage de 2013 de l’institut Pew Research Poll, à la question « Qu’est-ce qui est essentiel dans le fait d’être juif ? », une majorité (73 %) répond : «
Se souvenir de l’Holocauste » [17]. Le peuple juif se définit non plus comme le peuple élu, mais comme le peuple exterminé. Si, comme le constatait Yeshayahou Leibowitz en 2005, «
plus rien n’unifie les Juifs du monde entier, mis à part l’Holocauste » [18], si donc la Shoah a supplanté Yahvé comme nouveau dieu d’Israël, c’est au fond parce que sa fonction première est la même : «
séparer » les Juifs, les exiler dans leur exceptionnalité. Tout comme Yahvé, la Shoah divise l’humanité en deux : «
le peuple élu par la haine universelle » (selon la formule de Léon Pinsker) [19], et le reste des hommes, collectivement coupables. La puissance transgénérationnelle de ce paradigme est telle que «
le traumatisme de la Shoah se transmet génétiquement » par «
hérédité épigénétique », nous apprend une étude menée par une équipe de chercheurs new-yorkais sous la direction de Rachel Yehuda [20].
Psychopathologie d’Israël
Benzion Netanyahu déclarait en février 2009, la veille de l’élection de son fils Benjamin au poste de Premier ministre :
« Aujourd’hui nous faisons face, très clairement, à un danger d’annihilation. Ce n’est pas seulement un danger existentiel pour Israël, mais un réel danger d’annihilation complète. [21] »
Sous l’effet de cette paranoïa morbide entretenue par leurs élites, les Israéliens vivent dans un état d’angoisse permanent que Gilad Atzmon décrit comme un « Syndrome de Stress Pré-Traumatique (SSPréT) » [22]. La victimisation est devenue l’essence de l’identité nationale israélienne, s’inquiète également Idith Zertal, professeur à l’Université de Jérusalem, dans son livre retentissant
La Nation et la mort. La Shoah dans le discours et la politique d’Israël.
« Israël s’est transformé en lieu crépusculaire où la Shoah n’est plus un événement du passé, hétérogène et complexe, mais une éventualité permanente et une idéologie à tout faire. À travers Auschwitz – qui est devenu la principale référence d’Israël face à un monde systématiquement défini comme antisémite et hostile –, Israël se dote d’une aura de sacralité, celle de la victime ultime, et s’avère imperméable à la critique et au dialogue rationnel avec le reste de la communauté des nations. [23] »
Entre autres fonctions, cette «
nationalisation de la mémoire de la Shoah » permet d’étouffer les cris d’agonie du peuple palestinien. Après l’opération Plomb durci contre Gaza en 2008-2009, le journaliste Akiva Eldar fustigeait la conscience nationale israélienne caractérisée par «
la bonne conscience (self-righteousness), la déshumanisation des Palestiniens et l’insensibilité à leurs souffrances » [24]. «
Seuls les psychiatres peuvent expliquer le comportement d’Israël », écrit le journaliste israélien Gideon Levy dans
Haaretz, avant de diagnostiquer «
paranoïa, schizophrénie et mégalomanie » [25]. Tout nationalisme est un égoïsme collectif, mais celui d’Israël apparaît plutôt comme une sociopathie collective.
[26].
La règle d’or de la manipulation est de faire croire au manipulé que les idées qu’on lui suggère sont les siennes propres. Telle est bien l’essence de la stratégie d’Israël avec les États-Unis : derrière le masque du patriotisme américain, les néoconservateurs sont parvenus à entraîner l’Amérique dans une politique au Moyen-Orient qui ne sert à long terme que les intérêts israéliens, en faisant croire au peuple et au Congrès américain qu’elle est dans leur intérêt.
La capacité d’Israël de manipuler les États-Unis, par des opérations psychologiques de grande envergure comme le 11 Septembre, est sidérante. Mais elle devient conceptualisable à la lumière de ce que Robert Hare nomme le «
lien psychopathique » (the psychopathic bond), par lequel le psychopathe asservit sa victime, et qui se rapproche d’une forme d’hypnose [27]. Elle devient aussi prévisible dans une certaine mesure, si l’on sait que le psychopathe n’a aucune capacité à se remettre en question, aucune limite à son appétit de pouvoir, et aucun inhibition morale à entraîner les autres dans la ruine pour sauver sa peau. C’est à la lumière de la psychopathie qu’on peut interpréter le chantage à l’apocalypse nucléaire qui constitue depuis années 1970 le socle de la diplomatie israélienne, et que Golda Meir résuma en 1974 en déclarant que, dans l’éventualité d’une défaite, son pays «
serait prêt à entraîner toute la région et le monde entier avec lui » [28].
En parlant d’Israël comme d’un « État sociopathe », je ne vise pas, bien entendu, les Israéliens en général. Ceux-ci, et tous les Juifs du monde qui soutiennent aveuglément Israël, sont les premiers manipulés par leurs élites, et ils ne participent de cette sociopathie collective que dans la mesure de leur soumission à leurs élites. Ce qui est en cause est la « pensée dominante » en Israël et dans la communauté juive mondiale. La pensée dominante est toujours façonnée par les élites.
Enfin, il me semble crucial de comprendre que ce destin sociopathique d’Israël est, en dernière analyse, programmé dans la Bible. Yahvé est le mauvais génie qui a jeté un sort sur Israël à sa naissance. La manipulation sioniste remonte à la création par les anciens Lévites de cet égrégore tribal particulièrement xénophobe, qui a usurpé le titre de Créateur de l’Univers et Père de l’Humanité. Ce n’est que lorsque le diagnostic de ce dieu psychopathe sera rendu de notoriété publique que les Juifs auront une chance de briser collectivement le « lien psychopathique » de l’ « Alliance », et renoncer à la malédiction de l’Élection, comme le font individuellement depuis toujours nombres d’entre eux, de Jésus à Gilad Atzmon.
Laurent Guyénot